Document d'origine



Paris le 9 juin 2016

Madame la Députée Monsieur le Député

Dans les prochains jours au cours de l examen du projet de loi biodiversité en nouvelle lecture vous devrez vous prononcer sur l interdiction des insecticides néonicotinoïdes Nous apiculteurs paysans et représentants d organisations environnementales vous appelons solennellement à voter pour une interdiction de ces produits à compter de septembre 2018

Impacts désastreux des néonicotinoïdes pour les abeilles et la biodiversité et risques d effets chroniques pour la santé humaine

Vous le savez depuis le milieu des années 1990 l apiculture est dans une situation grave car chaque année 30% des colonies d abeilles périssent obligeant les apiculteurs à renouveler les ruches décimées Avant 1995 date de l apparition des néonicotinoïdes sur le marché français les mortalités avoisinaient les 5% Les abeilles domestiques ne sont pas les seules victimes De nombreuses composantes de notre environnement sont également touchées : pollinisateurs sauvages vie aquatique oiseaux etc voir PJ Par ailleurs les premiers signaux d alarme apparaissent sur la santé humaine voir PJ

Un irréfutable consensus scientifique sur la dangerosité de ces produits

Bien sûr vous avez entendu et entendrez encore tel ou tel expert nier l impact catastrophique de ces produits Mais il est aujourd hui indéniable que la question fait l objet d un large consensus scientifique : le rapport de l ANSES du 14 septembre 2015i l avis de 27 Académies des Sciences de l Union européenneii les conclusions de la méta analyse de 1121 articles scientifiques parus dans des publications à peer review réalisée par la Task Force on Systemic Pesticidesiii… Ce ne sont que des exemples parmi des centaines d études

L interdiction en 2018 c est indispensable au regard de la rémanence exceptionnelle de ces pesticides

Lors de l examen au Sénat la proposition gouvernementale prévoyait une interdiction en 2020 Nous vous demandons de revenir à la formulation adoptée par votre Assemblée en 2ème lecture pour toutes les raisons énoncées ci dessus mais également au regard de la rémanence exceptionnelle de ces insecticides 2020 est une échéance trop lointaine pour les pollinisateurs car cela maintiendrait l exposition des pollinisateurs aux résidus de néonicotinoïdes jusqu en 2023 au moins A titre d exemple l imidaclopride peut être absorbée par des cultures non traitées jusqu à deux ans après la première utilisation et peut se retrouver dans les pollens et les nectars à des niveaux toxiques pour les abeillesiv En 2002 et 2003 69 1% du pollen récolté par les abeilles dans 25 ruchers de cinq départements français étaient contaminés par de l imidaclopride bien que la substance ait été interdite en 1999v

Le poids des insectes pollinisateurs dans la production agricole : 153 milliards de dollars par an

D un point de vue strictement économique un seul chiffre permet d illustrer le rôle des insectes pollinisateurs et l intérêt de leur préservation : à l échelle mondiale l INRA a évalué les services non marchands de la pollinisation à 153 milliards de dollars/an Lorsque l on augmente le nombre et la diversité des insectes pollinisateurs on accroît le rendement des cultures de plus de 20 % en moyenne à l échelle mondialevi Ces résultats mettent donc en évidence l impact du déficit des populations d insectes pollinisateurs à une échelle mondiale déficit auquel contribue grandement l usage des insecticides néonicotinoïdes

Pas d augmentation des rendements en grande culture avec les néonicotinoïdes et existence d alternatives applicables d ici 2018

De nombreuses études montrent que l utilisation de ces insecticides ne provoque pas d augmentation de rendement sur céréales et oléagineux par rapport aux mêmes cultures non traitées On dispose de comparaisons intéressantes pour le Royaume Univii le Canadaviii l Italieix les États Unis et l Union Européennex L Allemagne en a interdit l usage sur céréales d hiver et continue d être le second producteur européen de céréales Par ailleurs il existe des alternatives pour les productions puisque de nombreux agriculteurs même en agriculture conventionnelle cultivent sans utiliser les néonicotinoïdes voir PJ Une interdiction en 2018 de ces pesticides est donc réaliste : à titre d exemple le temps de conversion nécessaire à l agriculture biologique est de deux ans De plus le plan Eco phyto dans sa version 2 bénéficie d une enveloppe annuelle de 31 millions d euros supplémentaires des financements qui doivent être notamment dédiés à l accompagnement des agriculteurs vers la sortie de ces pesticides

Tirer les leçons des chiffres de l utilisation de ces pesticides : pas de réduction significative de l intoxication sans une interdiction générale de ces insecticides

Dans son avis du 7 janvier 2016xi l ANSES conclut " qu en l absence de mesures de gestion adaptées l utilisation des néonicotinoïdes a de sévères effets négatifs sur les pollinisateurs y compris à des doses d exposition faible " Sur les "  mesures de gestion adaptées  " les derniers chiffres de ventes des néonicotinoïdesxii après leur interdiction européenne partielle montrent qu elles sont inopérantes pour réduire l utilisation globale de ces produits En effet l interdiction européenne de certains usages de certains néonicotinoïdes a généré des effets de reports sur d autres néonicotinoïdes et n a pas empêché une augmentation de 36% de l imidaclopride et de 31% de l utilisation globale de ces produits En outre les propriétés des néonicotinoïdes systémie grande toxicité persistance dans les sols etc ont pour effet d anéantir l efficacité des mesures d atténuation de risques ou d interdictions partielles Le retrait des autorisations de mise sur le marché du Gaucho sur tournesol et maïs ou la suspension européenne partielle de trois néonicotinoïdes n ont pas eu d effets suffisants pour réduire l intoxication chronique de l environnement une intoxication toujours entretenue par les usages encore autorisés sur des millions d hectares Il n y a donc pas de vraie solution sans interdiction générale

Interdire les produits à base de néonicotinoïdes c est juridiquement possible et c est une question de volonté politique

La réglementation européennexiii ne s oppose pas à ce qu un Etat membre interdise l utilisation de certains produits phytopharmaceutiques sur son territoire Si la France n a pas de compétence pour interdire les "  substances actives  " néonicotinoïdes elle est souveraine pour interdire les "  produits phytopharmaceutiques  " contenant ces substances L usage des produits phytopharmaceutiques Gaucho imidaclopride Régent fipronil Cruiser et Cruiser OSR thiaméthoxam a été interdit ou suspendu en France soit par la justice soit par décision du ministre Dans tous ces cas l État n a pas interdit des néonicotinoïdes mais des produits contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes L interdiction des " produits contenant des néonicotinoïdes " relève donc bien du champ de compétence de l État français et n empiète pas sur celui de l Union Européenne La France peut donc voter leur interdiction totale sans être en désaccord avec la réglementation européenne

Dans ce pli vous trouverez :

une fiche de synthèse dressant la liste des impacts référencés de ces insecticides sur la biodiversité 

une fiche de synthèse des rapports et publications scientifiques mettant en évidence les risques d effets chroniques sur la santé

un bilan des alternatives techniques à ces pesticides établi en collaboration avec des agriculteurs

Il vous appartient de mesurer l ampleur du désastre environnemental sanitaire et agro économique lié à l usage des néonicotinoïdes Dans un sondage récemment paru 76% des Français se sont dit favorables à l interdiction de ces produitsxiv

Nous en appelons à votre sens de l intérêt général et nous vous prions d agréer Madame la Députée Monsieur le Député l expression de notre considération la plus distinguée

Stéphen Kerckhove Délégué général d Agir pour l Environnement

Emmanuel Aze Secrétaire national de la Confédération Paysanne

Cécile Ostria Directrice Générale de la Fondation Nicolas Hulot

Jean David Abel Vice président de France Nature Environnement

François Veillerette Porte Parole de Générations Futures

Jean François Julliard Directeur Général de Greenpeace France

Allain Bougrain Dubourg Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux

Gilles Lanio Président de l Union Nationale de l Apiculture Française

Document similaire

1295963

961

c255037826bebdd773cf89e8d2c9ddea

Madame la présidente monsieur le ministre monsieur le rapporteur mes chers collègues à l approche de la prochaine période des semis de maïs fin mars début avril la majorité et le Gouvernement souhaitent réaffirmer leur opposition à la mise en culture du maïs Monsanto 810 tout en anticipant une éventuelle approbation à l échelon européen d un nouveau maïs OGM le Pioneer TC 1507 Depuis l autorisation de sa mise en culture au plan européen en 1998 la France a à plusieurs reprises activé sa clause de sauvegarde et interdit la mise en culture du maïs OGM de l entreprise Monsanto sur son territoire Elle s est pour cela fondée sur un large éventail d études scientifiques qui mettent en évidence des risques environnementaux liés à sa culture Ces risques comprennent notamment l apparition de résistances dans les populations de ravageurs modifiant l équilibre animal et végétal et encourageant l adoption de techniques de lutte ayant une incidence environnementale plus élevée comme l utilisation d insecticides ou encore la réduction de la population de certaines espèces de papillons lorsqu elles sont exposées au pollen du maïs Monsanto 810 déposé sur leurs plantes hôtes L EFSA considérant ces risques pour la biodiversité a de son côté rendu plusieurs avis recommandant des mesures de gestion et de sécurité en cas de mise en culture Elle insiste en particulier sur la nécessité de renforcer les plans de surveillance et d instaurer des mesures de confinement des cultures ainsi que des distances de sécurité avec les habitats des espèces affectées par la dissémination du pollen et des toxines de ces OGM Or le groupe Monsanto n est pas assujetti à ces mesures de précaution en faveur de l environnement et de la santé animale par la décision européenne d autorisation De plus il apparaît que les mesures volontaires proposées par l entreprise sont insuffisantes au regard des risques et sont de toute façon mises en œuvre de manière incomplète Par ailleurs la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur le territoire national ouvrirait un risque supplémentaire pour la santé des abeilles : celui de la dissémination incontrôlée de pollen issu d OGM se retrouvant par la suite de manière incontrôlée dans les produits des ruches Les maïs Monsanto 810 et Pioneer TC 1507 ont en effet la particularité de produire leur propre insecticide dont la toxicité sur les abeilles n a jamais été évaluée selon le protocole imposé pour les insecticides agricoles Depuis près de vingt ans la filière apicole traverse une crise profonde liée à la surmortalité des abeilles Cette surmortalité a des origines multiples : usage abondant des pesticides dans l agriculture monoculture ravages du parasite varroa ou encore conséquences de l introduction du frelon asiatique dans notre pays Est il encore nécessaire de le rappeler Cet effondrement des colonies fait peser un risque écologique majeur en raison du rôle des insectes pollinisateurs dans la nature Les 1 100 espèces d abeilles jouent en effet un rôle fondamental dans la biodiversité et la reproduction des végétaux Quelque 170 000 espèces végétales arbres fleurs sauvages ou cultivées dépendent des pollinisateurs Avec la mise à mal de ce maillon essentiel de la biodiversité c est aussi toute une filière économique qui souffre En 2013 la France a produit 15 000 tonnes de miel il s agit de la récolte la plus faible jamais connue En vingt ans la production de ce produit a chuté de moitié Notre pays qui dispose de conditions optimales pour produire des miels de qualité un vaste espace rural des paysages et des climats très différents un important savoir faire est devenu importateur alors qu il pourrait être exportateur En 1995 la France était autosuffisante elle importe désormais les deux tiers de sa consommation En dix ans le nombre des apiculteurs est passé d environ 70 000 à 40 000 Alors qu aucune solution technique satisfaisante n existe actuellement pour éviter la présence de pollen génétiquement modifié dans les produits de la ruche la présence d OGM sur le territoire créerait donc une contrainte supplémentaire pour la filière apicole en obligeant les apiculteurs à éloigner leurs ruches des parcelles des OGM seraient cultivés Je prends l exemple de la filière apicole mais il va sans dire que les menaces d incidences environnementales et économiques pèseraient sur toutes les filières agricoles " sans OGM " qu elles soient conventionnelle ou biologique Par ailleurs l opposition de la France à l autorisation de mise en culture du maïs Pioneer TC 1507 rejoint la position claire que vient de prendre le Parlement européen à la mi janvier à travers le vote d une résolution contre son autorisation par près des deux tiers de ses membres La semaine dernière les États membres de l Union européenne ont également voté majoritairement contre Les mêmes causes risques pour la biodiversité et insuffisances des évaluations sanitaires ont donc conduit à un refus clairement exprimé des représentants européens et de la plupart des ministres européens concernés En attendant la décision finale que prendra la Commission européenne à l égard de ce nouveau maïs OGM il convient d affirmer le principe général d interdiction de culture de tous les maïs OGM sur le territoire français par un vote sans hésitation de la présente proposition de loi §

2620

http://www senat fr/seances/s201402/s20140217/s20140217_mono html#intv_par_633

10660

44006

loi

2014 02 17

271

2014 02 20 04:15:16

2014 02 20 04:15:16

http://www nossenateurs fr/seance/10660#inter_c255037826bebdd773cf89e8d2c9ddea