1421179 1156 24aa519981b2b3f9d58fbe71da708918 Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question que soulève la proposition de résolution déposée notamment par le groupe écologiste nous invite à une vraie réflexion sur l’utilisation des pesticides et sur l’équilibre à trouver entre une utilisation raisonnée qui ne pénalise pas l’agriculture et les effets indésirables pour les insectes pollinisateurs ou, indirectement, pour la santé humaine.Cette question a animé très régulièrement les débats et les travaux de la mission commune d’information sur les pesticides présidée par Sophie Primas, mission dont la rapporteur était Nicole Bonnefoy et à laquelle j’ai participé.Je pense que le rapport qui en est issu devrait être pour le Sénat la base essentielle de ses travaux sur toutes les questions relatives aux pesticides, tant notre tâche a été menée avec le plus d’ouverture et de précision possible.Pour ce qui concerne plus spécifiquement la proposition de résolution que nous examinons, je partage les inquiétudes de ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui l’ont présentée, notamment quant à la survie des abeilles, dont le rôle n’est plus à démontrer ; néanmoins, je trouve votre démarche prématurée et déséquilibrée.Les abeilles sont des acteurs de la biodiversité. Leur présence est indispensable non seulement à la production nationale de miel et d’autres produits de l’apiculture, mais aussi à la pollinisation, et donc à l’agriculture. Elles constituent un insecte référent, qui nous indique le niveau de santé de la biodiversité.Comme cela a déjà été rappelé, voilà sept ans, l’apport des insectes pollinisateurs – dont l’abeille – aux principales cultures mondiales était évalué à 153 milliards d’euros, soit 9, 5 % de la production alimentaire mondiale. L’abeille est donc un insecte nécessaire au bon état sanitaire de la flore. Par ailleurs, l’apiculture représente une activité significative. En France, on compte 800 000 ruches – réparties dans 12 000 exploitations sises en métropole –, qui produisent environ 14 000 tonnes de miel, quantité au demeurant inférieure à la consommation nationale.La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui soulève une vraie question, car la mortalité importante des abeilles sur une grande partie du globe est un phénomène récent, et qui s’accentue. Les causes en sont diverses ; l’une d’entre elles est l’usage des pesticides.Le premier constat de la mission commune d’information a d’ailleurs été que les dangers et les risques des pesticides pour la santé, humaine et animale, sont sous-évalués. Les conséquences en sont un manque de protection contre les pesticides et la nécessité de trouver une limitation à leur utilisation.Face à cette situation, la France a lancé, voilà déjà deux ans, un plan de développement durable de l’apiculture. L’un de ses objectifs est de réduire l’exposition des ruches aux produits chimiques, en particulier phytosanitaires. En outre, il est manifeste que le ministère a renforcé la surveillance des troubles des colonies d’abeilles. Il faut en cela saluer votre action, monsieur le ministre ; nous la soutenons entièrement.Dans le Lot-et-Garonne, les multiplicateurs de semences ont conclu un accord spécifique avec les apiculteurs, afin de permettre une cohabitation respectueuse des contraintes de chacun. C’est une démarche positive qu’il faut encourager.Les études scientifiques démontrent aujourd’hui clairement le rôle de certains insecticides dans la mort des insectes pollinisateurs. C’est pourquoi trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes ont déjà été interdits au plan européen. La présente proposition de résolution tend à une interdiction totale de toute cette famille de produits.Avant d’en arriver là, nous estimons qu’il faut encore évaluer la véritable incidence de ceux-ci sur les insectes et sur la santé humaine. Nous devons, avant de proposer un moratoire, être parfaitement clairs quant aux conséquences sanitaires, et il n’est pas encore établi qu’une interdiction générale aurait un effet déterminant sur les troubles des colonies.Outre les produits déjà interdits, l’utilisation par les agriculteurs de ceux qui sont autorisés est très fortement encadrée, que ce soit en termes de techniques, d’horaires d’épandage, de périodes d’utilisation, ou encore de types de cultures traitées.Les agriculteurs connaissent déjà de fortes contraintes, et l’utilisation de ces insecticides constitue pour eux une nécessité. N’introduisons pas de nouvelles normes, au risque de faire peser sur ces professionnels une nouvelle contrainte qui serait fatale à l’équilibre économique de leur activité.Les aléas sur les récoltes sont nombreux, et je crains qu’une telle démarche ne place nos agriculteurs dans des situations irréversibles, alors même que de nouvelles espèces nuisibles se développent avec le changement climatique et l’intensification des échanges internationaux.Par ailleurs, les produits de substitution n’existent pas toujours. Il faut laisser un peu de temps aux laboratoires pour développer de nouvelles solutions, et donner à l’ANSES plus de moyens pour valider leur utilisation. L’Agence, aujourd’hui en surrégime, n’a pas la capacité de répondre à toutes les demandes qui lui sont soumises. Les délais de mise sur le marché de nouveaux produits sont de plus en plus longs.À l’occasion de ce débat, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelle est la situation de l’ANSES en termes financiers et du point de vue des délais d’examen des dossiers d’autorisation de mise sur le marché ? Je crois qu’un effort particulier s'impose pour débloquer la situation.Enfin, je ne voudrais pas qu’une disparition de ces produits sur le marché se traduise par l’utilisation d’autres insecticides plus dangereux pour les abeilles, car moins adaptés aux cultures et aux insectes pollinisateurs.J’estime donc que cette proposition de résolution est prématurée, eu égard à l’état d’avancement scientifique de l’évaluation de l’incidence sanitaire et au développement de nouveaux produits de substitution.Enfin, je me demande si la mesure qu’elle tend à instaurer ne trouverait pas un meilleur écho dans le projet de loi relatif à la biodiversité qui a arrêté son parcours législatif à l’Assemblée nationale. À cet égard, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser le calendrier d’examen de ce texte ?Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, je m’abstiendrai, à titre personnel, sur cette proposition de résolution. § 2100 http://www.senat.fr/seances/s201502/s20150204/s20150204_mono.html#intv_par_394 12036 48440 loi 2015-02-04 347 2015-02-08 04:14:45 2015-02-08 04:14:45 http://www.nossenateurs.fr/seance/12036#inter_24aa519981b2b3f9d58fbe71da708918