INTERDICTION DES PRODUITS CONTENANT DES NEONICOTINOÏDES LES 10 VRAI-FAUX Les mortalités des abeilles sont plurifactorielles Interdire les produits contenant des néonicotinoïdes ne changera rien De multiples causes peuvent être à l'origine de la mort d’une colonie d’abeilles maladies infectieuses (virus champignons) acariens (Varroa destructor) espèces invasives (frelon asiatique) manque de ressource florale et utilisation des pesticides Aucun de ces facteurs n’a pu être isolé comme l’unique responsable du déclin des populations d’abeilles et des pollinisateurs sauvages mais la multiplication des études scientifiques sur les toxicités aigüe et chronique des néonicotinoïdes et les observations de terrain conduisent à constater que les néonicotinoïdes jouent un rôle clef dans la dégradation de l’état de santé des pollinisateurs i Le dernier rapport scientifique en date le rapport d’expertise collective de l’ANSES affirme La présence de nombreux agents infectieux (parasites dont Varroa en tout premier lieu bactéries champignons virus) au sein des colonies souvent asymptomatiques au départ et leur exposition aux pesticides de diverses origines et mécanismes d’action (insecticides fongicides et acaricides en particulier) entraînent selon toute vraisemblance le passage d’un état de santé normal à l’expression de pathologies conduisant à l’effondrement de la colonie Au regard de ces éléments il est indéniable qu’interdire les néonicotinoïdes contribuera à l’amélioration de la santé des abeilles et des pollinisateurs sauvages L’interdiction des produits contenant des néonicotinoïdes va faire chuter les rendements agricoles Les faits et les études scientifiques convergent Plusieurs rapports et publications font valoir que l’utilisation de ces molécules n’a pas permis une augmentation significative des rendements pour les agriculteurs Parmi elles L’Agence européenne de l’environnement a analysé les rendements sur le tournesol et le maïs ii entre 1995 et 2007 période durant laquelle le Gaucho (imidaclopride) a été autorisé puis interdit sur ces cultures sans noter de différence significative de rendement iii De même une équipe britannique a mené la comparaison sur le blé et le colza Au terme de cette analyse les traitements préventifs déployés sur une vingtaine d’années n’ont pas eu d’impacts notables sur les rendements Enfin deux ans après la mise en place du moratoire européen partiel sur trois néonicotinoïdes et le fipronil après des annonces catastrophistes de l’impact de cette interdiction sur les iv rendements le bilan de production 2014/2015 dans l’Union Européenne parle de lui-même non seulement la suspension des néonicotinoïdes n’a pas conduit à une baisse notable des rendements mais le niveau de production affiche un taux record en 2014 pour les graines oléagineuses (colza tournesol soja et lin) C’est un niveau de récolte globale jamais atteint précédemment largement imputable à la principale graine oléagineuse cultivée sur le territoire de l’Union Européenne le colza Il existe des alternatives aux néonicotinoïdes Des rotations pertinentes des parcelles ainsi qu'une bonne gestion agronomique permettent à elles seules de résoudre une grande partie des problèmes en grande culture La réapparition des insectes auxiliaires contribue alors à conforter ce système en production céréalière Pour les productions de fruits et légumes il existe des méthodes alternatives (bio-contrôle prophylaxie filets anti-insectes lutte biologique etc le développement de leur utilisation nécessite v un accompagnement des pouvoirs publics Le parlement européen dans l’un de ses rapports préconise en substitution aux néonicotinoïdes la rotation des cultures les méthodes de lutte biologiques (comme les nématodes contre la chrysomèle) une protection des végétaux préventive et non chimique et la promotion de l'agriculture biologique Il est juridiquement possible d’interdire les produits contenant des néonicotinoïdes et c’est une question de volonté politique En vertu du règlement européen n° 1107/2009 lorsqu’il apparaît qu’une substance active ou un produit phytopharmaceutique est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou l’environnement un Etat membre ou la Commission européenne peuvent engager une procédure visant à restreindre ou interdire l’utilisation et la vente Le même règlement (article 1 4) dispose que les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire L'interdiction française du néonicotinoïde Cruiser OSR en 2012 n'a pas été remise en cause au niveau européen ni l’interdiction des semis de semences de colza traitées avec des produits vi phytopharmaceutiques à base de la substance active thiaméthoxam ni l’interdiction de produits vii phytopharmaceutiques contenant la substance active fipronil Aujourd’hui la France dispose de toutes les données scientifiques nécessaires pour une interdiction étendue des néonicotinoïdes Si on admettait que cette technologie pouvait présenter de quelconques avantages ces derniers ne pourraient en aucun cas remplacer le service inestimable de la pollinisation que les abeilles et les pollinisateurs sauvages rendent gratuitement à notre agriculture et à notre environnement Les éléments présentés nous placent bien au-delà des doutes bien au-delà du principe de précaution Il appartient à nos élus de se saisir des enjeux cruciaux nés de l’usage des néonicotinoïdes de jouer pleinement le rôle majeur dont ils sont investis veiller au bien-être du plus grand nombre et au devenir des citoyens Le maintien des néonicotinoïdes présente un risque grave pour l'agriculture et la société viii 153 milliards d’euros par an Selon une étude de l’INRA c’est le montant que rapporte l’abeille à l’économie agricole mondiale La Task Force sur les Pesticides Systémiques (TFSP) qui réunit 29 experts internationaux indépendants a démontré dans une méta-analyse de plus de 1100 études que l’usage des ix néonicotinoïdes met en péril les services écosystémiques dont la production de nourriture dépend x L'Agence Européenne de l'Environnement estime que maintenir l'utilisation généralisée des néonicotinoïdes augmente le risque de préjudice grave pour l'environnement et menace la sécurité alimentaire Le rapport scientifique du Conseil consultatif européen des académies scientifiques de 27 pays xi (EASAC) paru en 2015 dresse des conclusions sans appel sur les dangers des néonicotinoïdes un nombre croissant de preuves que l’utilisation généralisée des néonicotinoïdes a de graves effets négatifs sur les organismes non-cibles tels que les abeilles et les pollinisateurs dont la survie s’avère indispensable pour garantir le bon fonctionnement des services écosystémiques y compris la pollinisation et le contrôle naturel des ravageurs Si l'on interdit les produits contenant des néonicotinoïdes sans alternative crédible on reviendra à des pesticides encore pires pour les abeilles Il n’existe pas de famille de pesticides plus toxique pour les abeilles en exposition chronique que les néonicotinoïdes En 2013 le Ministre anglais de l’agriculture David Heath a affirmé dans une interview télévisée que l’interdiction des néonicotinoïdes conduirait à l’utilisation de pesticides bien plus toxiques pour les abeilles Interrogé par une ONG anglaise dans le cadre d’une procédure légale le Ministère de l’agriculture du Royaume-Uni s’est dit dans l’incapacité d’apporter les éléments à même xii de justifier l’affirmation A titre d’exemple en termes de toxicité aigüe l’imidaclopride est 7297 fois plus toxique pour les abeilles que le DDT Cette toxicité aigüe combinée à la toxicité chronique et aux multiples voies d’exposition des abeilles fait de cette famille de pesticides la plus toxique pour les abeilles Les apiculteurs ne soignent pas bien leurs abeilles et refusent d’évoluer techniquement Plusieurs éléments infirment cette opinion véhiculée par les défenseurs de ces pesticides Notamment Il y a 25 ans au tout début des années 1990 l’organisation de la filière n’était qu’embryonnaire Alors que le varroa était très présent dans les ruches et que les apiculteurs n'étaient pas aussi bien formés pour y faire face la production de miel était deux fois celle d'aujourd'hui et les mortalités trois fois moindres Si les abeilles domestiques souffraient des pratiques apicoles elles seraient les seules concernées par d’importantes mortalités Pourtant la situation des abeilles sauvages est également très préoccupante selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature xiii (UICN) une espèce européenne d’abeille sur 10 serait menacée d’extinction Le chiffre est inquiétant mais il pourrait être largement sous-estimé puisque les experts soulignent le manque de données pour plus de la moitié des 1965 espèces d'abeilles sauvages présentes sur le sol européen L'évolution des pratiques agricoles et l'intensification de l'agriculture sont visées en premier lieu Cette famille d’insecticide contamine l’ensemble de l’environnement et est aujourd’hui omniprésente Plusieurs exemples évocateurs parmi de nombreux éléments Contamination généralisée des cours d’eau français en novembre 2015 le xiv Service de l’Observatoire des Statistiques du ministère de l’Ecologie a rapporté que pour 2013 l’imidaclopride a fait son entrée dans le top 15 des substances les plus détectées dans nos cours d’eau Une tendance préoccupante selon les experts et une progression fulgurante car 5 ans auparavant l’insecticide emblématique des néonicotinoïdes ne se retrouvait qu’au-delà de la 50ème place Dans cette liste des 15 pesticides l’imidaclopride est le seul insecticide xv Contamination généralisée de la flore sauvage une étude britannique a démontré que 97% des néonicotinoïdes trouvés dans le pollen rapporté aux ruches situées dans des environnements cultivés proviennent de plantes sauvages et non de cultures Très longue persistance dans les sols à titre d’exemple l'imidaclopride peut être absorbée par des cultures non-traitées jusqu'à deux ans après la première utilisation et peut se retrouver xvi dans les pollens et les nectars à des niveaux toxiques pour les abeilles Autre fait marquant en xvii novembre 2015 une équipe française a publié une étude dans laquelle est révélée la contamination inattendue et omniprésente des champs à l’imidaclopride Les chercheurs voulaient tester l’impact des semences de colza enrobées avec du thiaméthoxam (autre néonicotinoïde) et ils ont eu la surprise de constater des concentrations similaires d’imidaclopride dont l’usage est normalement limité à des plantes non entomophiles comme les céréales à paille Bien utilisées ces molécules n’ont pas d’effet sur la santé des utilisateurs L’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déjà émis des signes d’inquiétudes dans xviii un communiqué du 17 décembre 2013 l’EFSA déclare que deux insecticides néonicotinoïdes l'acétamipride et l'imidaclopride peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain Il a été démontré que certains néonicotinoïdes ont aussi un effet perturbateur endocrinien principalement sur la thyroïde Une étude met en évidence l'action perturbatrice xix endocrinienne du thiaclopride sur la thyroïde chez le rat et décrit que les effets de l'association thiaclopride-deltaméthrine sont de nature synergique sur la thyroïde Cette association est bien connue avec le pesticide Protéus largement utilisé en France sur le colza Le traitement de semences à l’aide de néonicotinoïdes est contraire au droit européen A titre d’exemple plus du tiers des semences de blé sont enrobées avec du Gaucho (imidaclopride) et si le Cruiser (thiaméthoxam) est désormais interdit sur le maïs le Sonido (à base de thiaclopride) est venu le remplacer Des dizaines de milliers d’hectares sont ainsi semés chaque année avec des semences enrobées sans que l’agriculteur n’ait connaissance de l’ampleur réelle des menaces auxquelles sa culture sera exposée Pourtant ces traitements préventifs sont totalement incompatibles avec les principes de la lutte intégrée décrits dans la directive 2009/128/CE qui prévoit que le traitement n’est appliqué que lorsque les niveaux de population des ravageurs ont été estimés au moyen de modèles de suivi et de développement et que L’utilisateur professionnel devrait maintenir l’utilisation de pesticides aux niveaux nécessaires par exemple par l’utilisation de doses réduites la réduction de la fréquence d’application ou en ayant recours à des applications partielles en tenant compte du fait que le niveau de risque pour la végétation doit être acceptable xx C’est aussi la conclusion des 27 académies scientifiques européennes (EASAC) la pratique actuelle de l’usage prophylactique des néonicotinoïdes [c’est-à-dire de manière préventive] n’est pas compatible avec les principes de base de la lutte intégrée contre les ravageurs tels que définis dans la directive européenne sur l’utilisation durable sur les pesticides i ANSES (2015) Avis de l’ANSES et rapport d’expertise collective Co-exposition des abeilles aux facteurs de stress www anses fr/fr/system/files/SANT2012sa0176Ra pdf ii http //www eea europa eu/publications/late-lessons-2/late-lessons-2-full-report/late-lessons-from-early-warnings (p 384 et 385) iii Goulson D (2013) REVIEW An overview of the environmental risks posed by neonicotinoid insecticides Journal of Applied Ecology 50 pp 977–987 iv FranceAgriMer Note de conjecture Oléoprotéagineux http //www franceagrimer fr/content/download/37200/341634/file/MEP_SMEF_UGC_panorama-oleopromars2015 pdf v Rapport parlement européen ”Existing scientific evidence of the effects of neonicotinoid pesticides on bees IP/A/ENVI/NT/2012-09 December 2012 PE 492 465 vi Arrêté du 24 juillet 2012 relatif à l'interdiction d'utilisation et de mise sur le marché pour utilisation sur le territoire national des semences de crucifères oléagineuses traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiametoxam vii Arrêté du 6 avril 2005 interdisant la mise sur le marché de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active dénommée fipronil viii Gallai N et al (2009) Economic valuation of the vulnerability of world agriculture confronted with pollinator decline Ecological Economics 68(3) pp 810-821 ix Evaluation mondiale intégrée sur les pesticides systémiques (Worldwide Integrated Assessment WIA) http //www tfsp info/worldwide-integrated-assessment/ x Late Lessons from early warnings sciences precaution innovation European Environmental Agency (2013) http //www eea europa eu/publications/late-lessons-2 xi Rapport EASAC (2015) Services écosystémiques agriculture et néonicotinoïdes http //www easac eu/home/reports-and-statements/detail-view/article/ecosystem-se html xii Lettre réponse du Ministère de l’agriculture britannique à Buglife en date du 15 août 2013 xiii Liste rouge UICN Abeilles en Europe http //www iucn org/?19073/Nearly-one-in-ten-wild-bee-species-faceextinction-in-Europe-while-the-status-of-more-than-half-remains-unknown---IUCN-report xiv CGDD-SOeS (2015) Les pesticides dans les cours d’eau français en 2013 http //www developpementdurable gouv fr/IMG/pdf/CS697 pdf xv Botias (2015) Neonicotinoid Residues in Wildflowers a Potential Route of Chronic Exposure for Bees Environ Sci Technol 2015 49 (21) pp 12731–12740 xvi Bonmatin J M et al (2005) Behaviour of Imidacloprid in Fields Toxicity for Honey Bees Environmental Chemistry 483-494 xvii Henry M Cerrutti N Aupinel P Decourtye A Gayrard M Odoux J-F Pissard A Ru¨ger C retagnolle V 2015 Reconciling laboratory and field assessments of neonicotinoid toxicity to honeybees Proc R Soc B 282 20152110 xviii CP EFSA santé humaine/néonicotinoïdes http //www efsa europa eu/fr/press/news/131217 htm xix Vedat S et al (2013) Cytogenetic effects of commercial formulations of deltamethrin and/or thiacloprid on wistar rat bone marrow cells Environmental Toxicology Volume 28 Issue 9 pages 524–53 xx Le rapport EASAC (2015) Services écosystémiques agriculture et néonicotinoïdes http //www easac eu/home/reports-and-statements/detail-view/article/ecosystem-se html