1256926 1260 69d01c5bcf32278f9b392bf3f827f3e5 Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Joël Labbé et Ronan Dantec ont achevé leurs propos avec Camus. Aussi voudrais-je vous faire part de l’émotion qui est la mienne de monter à la tribune de cette assemblée, moi qui, pendant tant d’années, ai servi au cabinet d’un homme qui fut l’un de vôtres, Roger Quilliot, grand spécialiste s’il en fut d’Albert Camus.La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui aborde un sujet majeur à mes yeux comme pour l’ensemble du Gouvernement. Aussi, je veux saluer l’heureuse initiative de Joël Labbé et l’excellent travail effectué par le rapporteur, Ronan Dantec.La mission d’information sur les pesticides, présidée par Sophie Primas, avait déjà identifié les problèmes que nous examinons aujourd’hui. De même, le remarquable rapport de Nicole Bonnefoy, Pesticides : vers le risque zéro, avait dégagé, en octobre 2012, des recommandations, dont certaines ont inspiré la proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires en France.D’autres propositions seront reprises dans le projet de loi d’avenir sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Je pense en particulier au suivi post-autorisation de mise sur le marché des effets indésirables de ces produits.Un constat, tout d’abord : les produits phytosanitaires sont très largement utilisés dans notre pays, en agriculture bien sûr, mais aussi dans les parcs et dans les jardins. Certes, leur fonction première est de protéger les végétaux contre d’autres organismes vivants susceptibles de les endommager champignons, insectes, acariens –, mais cette appellation regroupe aussi, et paradoxalement, les herbicides, qui, eux, ne concourent pas toujours – et c’est un euphémisme – à cette protection. Si ces herbicides rendent des services attendus ou recherchés, ils n’en ont pas moins d’importants effets indésirables sur la santé et l’environnement.Si l’agriculture représente, et de loin, le premier utilisateur de produits phytosanitaires avec environ 90 % des quantités de substance épandues, les utilisations non agricoles ne sont pas négligeables : chaque année, environ 800 tonnes de substances actives sont utilisées pour les espaces verts et 4 500 tonnes dans les jardins de particuliers.Bien sûr, nous sommes loin de la situation que connaît l’Argentine, où jusqu’à 300 millions de tonnes de pesticides sont épandues pour la culture du soja.L’exposition répétée des utilisateurs de ces substances et des personnes fréquentant ces espaces, peut donc être nocive. Sans les citer toutes, je voudrais rappeler l’un des enseignements de l’étude publiée en juillet 2013 par le commissariat général au développement durable sur l’impact des produits phytosanitaires sur les milieux naturels. Ils tiennent en un chiffre : en 2011, 93 % des points de mesure dans les cours d’eaux étaient contaminées par des pesticides et près de 30 % de ces points de mesure révélaient une concentration supérieure à 0, 5 microgramme par litre, ce qui constitue le seuil de potabilité de l’eau.Le 17 juin 2013, une autre étude associant des universités allemandes et australiennes révélait que les pesticides présents dans les cours d’eau, même à faibles doses, avaient un effet d’empoissonnement à long terme sur certains invertébrés comme les éphémères et les libellules, perturbant ainsi toute une chaîne alimentaire ainsi que les écosystèmes aquatiques. Cette étude, conduite en France, en Allemagne et en Australie, a montré que certains pesticides pouvaient ainsi réduire localement de plus de 40 % les effectifs de ces invertébrés.Sur le plan de la santé, l’Institut national de veille sanitaire a révélé, le 29 avril 2013, que la population française était très exposée à la famille d’insecticides actuellement la plus utilisée, des molécules de synthèse inspirées du pyrèthre. Nos compatriotes sont d’ailleurs plus touchés que les populations allemande, canadienne et même américaine. Cette très forte imprégnation serait liée à la consommation d’aliments traités et à certains traitements domestiques, notamment dans les potagers.Enfin, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, publiait le 13 juin dernier les résultats d’une expertise scientifique collective portant sur les liens entre exposition professionnelle aux pesticides et certaines pathologies. Sur le fondement d’une analyse de la littérature scientifique publiée au cours des trente dernières années, l’INSERM a conclu qu’il semble exister une association proactive entre exposition professionnelle à des pesticides et, par exemple, la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certaines autres formes de cancers.L’étude montre aussi que l’exposition pendant la période prénatale ou pendant la petite enfance présente des risques particuliers pour le développement de l’enfant.Nous avons donc un devoir, collectif, de lucidité : celui de développer des solutions alternatives à cette utilisation excessive. Il nous faut inciter les utilisateurs à réduire l’emploi de ces substances, pour leur propre santé d’abord, pour celle de leurs voisins ensuite, pour la protection des milieux naturels enfin.C’est pourquoi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors de la conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013, a déclaré que nous devions aller vers la suppression des produits phytosanitaires en ville. Des démarches volontaires ont certes été entamées mais il faut maintenant les amplifier.Des actions concourent déjà à la réduction de l’emploi des produits phytosanitaires en agriculture, comme le renforcement du plan Écophyto, dont les résultats demeurent, hélas, insuffisants. Je peux également citer le relèvement de la redevance pour pollutions diffuses prélevée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires.Dans le cadre du plan Écophyto, l’axe 7, relatif aux zones non agricoles, qui, piloté par mon ministère, est actuellement en cours d’évaluation, des résultats substantiels ont été obtenus grâce à l’implication de toutes les parties prenantes : producteurs, distributeurs et utilisateurs.Ainsi, en quatre ans, le tonnage de substances actives employées dans les espaces verts a diminué d’un quart et, sur la même période, les quantités de substances actives achetées par les jardiniers amateurs ont baissé de 40 %.Je me réjouis que les dispositions de la proposition de loi examinée ce soir s’inscrivent dans cette dynamique d’encadrement et de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.L’objectif fixé par le Gouvernement peut et doit être atteint et de nombreuses expériences l’attestent : de plus en plus de collectivités choisissent de réduire progressivement l’emploi des produits phytosanitaires, puis de s’en passer pour entretenir leurs espaces verts. C’est le cas, par exemple, de la ville de Strasbourg, dont je salue ici le maire, Roland Ries, ou encore les villes de Nantes – le rapporteur en a parlé – et de Paris.(Sourires.) Il n’a pas eu, cher Joël Labbé, contrairement à sa prédécesseur, à signer de pétition à Montpellier, car il a agi. Et n’est-il pas préférable d’agir plutôt que de pétitionner ? 6060 http://www.senat.fr/seances/s201311/s20131119/s20131119_mono.html#par_1341 10231 42732 loi 2013-11-19 5282 2013-11-23 04:10:22 2013-11-23 04:10:22 http://www.nossenateurs.fr/seance/10231#inter_69d01c5bcf32278f9b392bf3f827f3e5