1421168 1248 4dffe36ac62ca41b7bad6b7366a8c581 Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Joël Labbé s’est forgé depuis le début de son mandat une expertise sur les questions agricoles. Son combat inlassable et crucial pour la protection des abeilles et des insectes pollinisateurs est connu de vous toutes et tous. Son intervention, à l’instant, l’a encore démontré avec force. Mon groupe soutient, bien évidemment et totalement, l’ensemble de sa démarche, que je tiens à compléter d’un point de vue sanitaire.Si l’incidence dramatique des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs, les macro-invertébrés et les oiseaux comme les dangers terribles qu’ils font donc courir à la pollinisation, et par voie de conséquence à toute la production agricole ne peuvent plus être niés, nous savons à présent que les risques graves que cette famille d’insecticides fait peser sur la santé humaine ne peuvent plus être exclus.En effet, dans un communiqué du 17 décembre 2013, l’Agence européenne de sécurité des aliments a déclaré : « Deux insecticides néonicotinoïdes – l’acétamipride et l’imidaclopride – peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain ». Elle a ainsi constaté que ces deux produits « peuvent affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l’apprentissage et la mémoire. »En 2012 déjà, une étude menée par les chercheurs Komuta et Kuroda sur des rats avait suggéré que les néonicotinoïdes pourraient affecter défavorablement la santé humaine, et signalé, elle aussi, l’éventualité de risques particuliers pesant sur le développement du cerveau. Sur ce fondement, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du Canada a, en 2013, classé trois néonicotinoïdes dans la catégorie des perturbateurs endocriniens potentiels.Dès 2004, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis a classé l’une de ces substances parmi les cancérogènes probables.Quant au Parlement néerlandais, sur le fondement des études montrant le lien entre ces pesticides et la mortalité élevée des abeilles ainsi que l’apparition de lésions cérébrales chez les enfants, il a invité le gouvernement de son pays à adopter un moratoire sur l’ensemble des nicotinoïdes, jusqu’à ce que l’innocuité de ces derniers pour les abeilles et la santé humaine soit établie.Tel est précisément l’objet de la proposition de résolution que nous soumettons à l’examen du Sénat. Il ne s’agit que d’une proposition de prise de position, extrêmement modérée au regard des enjeux. Vraiment, cette résolution est à nos yeux le minimum vital !En effet, mes chers collègues, ayons bien à l’esprit que, si ces pesticides sont cancérogènes, une étude rendue publique au mois de juin 2013 par l’association Générations futures doit nous préoccuper : en recherchant des traces des cinq principaux néonicotinoïdes dans des aliments végétaux courants non concernés par les récentes restrictions d’usage de ces insecticides, les auteurs de cette étude ont constaté que les aliments testés contenaient, à des degrés divers, mais fréquemment, des résidus de pesticides.Cette étude a fait apparaître que certaines limites maximales en résidus étaient largement dépassées à propos d’un certain nombre de fruits et légumes. Songez que 45 % des échantillons de courgettes, et pas moins de 80 % des échantillons de thés, contenaient des résidus de néonicotinoïdes !Mes chers collègues, nous sommes clairement confrontés à un risque de dommages graves ou irréversibles. Or, en pareil cas, il résulte du principe de précaution que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives. Ne commettons pas de nouveau des erreurs qui nous ont coûté cher par le passé !Le groupe écologiste vous propose de nous rassembler pour dresser un constat, lancer une alerte et demander au Gouvernement d’agir auprès des autorités européennes ; la présente proposition de résolution ne contient rien de plus. Pourquoi ?Parce que les études scientifiques sont extrêmement préoccupantes et nombreuses.Parce qu’il s’agit non pas encore de se mettre d’accord sur des mesures concrètes, mais d’inciter le Gouvernement à alerter l’Europe.Parce que le rapport de la table ronde Environnement et santé de la conférence environnementale qui s’est tenue au mois de novembre dernier, à laquelle j’ai participé, souligne dans son paragraphe 44 la dangerosité des néonicotinoïdes, sur laquelle nombre de participants ont insisté.Parce que, dans son discours de clôture de cette même conférence, le Président de la République a déclaré qu’il voulait aller « plus loin » dans le sens de l’interdiction de ces produits ; c’est exactement l’évolution que cette proposition de résolution vise à appuyer.Pendant des décennies, la réglementation sur les pesticides a été fondée sur des études de toxicité financées par l’industrie, tandis que le travail des scientifiques indépendants et des lanceurs d’alerte n’était généralement ni encouragé ni pris en compte. À l’évidence, il faut rompre avec ces pratiques si l’on veut réellement servir l’intérêt général.Alors que près de 1 500 médecins de France ont lancé, l’an dernier, une alerte sur les pesticides en général, après avoir constaté une augmentation des troubles de la fertilité et des troubles neurologiques sur leurs patients exposés – agriculteurs, enfants d’agriculteurs, riverains des champs concernés –, il serait dramatique que le Sénat se refuse à lancer l’alerte sur les plus dangereux de ces produits.L’adoption de la présente proposition de résolution ne serait qu’une première étape, encourageante, mais elle est indispensable. De plus, elle permettrait au Sénat de jouer son rôle d’avant-garde éclairée, de prouver son utilité et son sens de la responsabilité.Mes chers collègues, nous ne pouvons pas, collectivement, faire moins qu’adopter cette proposition de résolution. Nous ne pouvons pas continuer à placer les intérêts économiques privés au-dessus de la santé de nos concitoyens, ni à opposer, de façon fallacieuse, l’emploi et le développement économique à la santé, alors que des solutions existent qui concilient les deux objectifs.Si nous ne sommes pas au rendez-vous, il ne faudra pas s’étonner de la défiance croissante des citoyens à l’égard des politiques, à l’heure où, nous le constatons bien, cette perte massive de confiance vis-à-vis de l’action politique favorise la montée d’extrémismes au plus haut point dangereux pour la République.Mes chers collègues, nous comptons sur vous et sur votre engagement au service de l’intérêt général. Monsieur le ministre, nous espérons que vous saisirez l’opportunité de l’initiative parlementaire et que vous vous appuierez sur elle pour aller de l’avant ! 1880 http://www.senat.fr/seances/s201502/s20150204/s20150204_mono.html#par_336 12036 48440 loi 2015-02-04 26 2015-02-08 04:14:34 2015-02-08 04:14:34 http://www.nossenateurs.fr/seance/12036#inter_4dffe36ac62ca41b7bad6b7366a8c581