Document d'origine

Oui les alternatives techniques aux néonicotinoïdes existent

Les pesticides néonicotinoïdes compromettent les services rendus par le vivant à l agriculture

Avec l arrivée des produits chimiques fertilisants et pesticides on a considéré la parcelle agricole comme une entité qui fonctionne en vase clos isolée de son

environnement immédiat Pourtant les interactions entre la plante cultivée et le reste de son milieu sont multiples Utilisés à bon escient les processus

naturels créent des interactions bénéfiques qui favorisent nettement la productivité des cultures et la durabilité des systèmes de production agricole La mise

en pratique de l agroécologie suppose de s appuyer sur ces processus Des parcelles de taille raisonnable ainsi que le bocage agricole sont indispensables

pour qu un équilibre s établisse entre la faune et la flore On observe au contraire avec l agrandissement des fermes l extension de la taille des parcelles

sans un arbre sans une haie pour protéger le champ et la culture et assurer le gîte et le couvert à un monde vivant tellement négligé depuis des décennies

Les pesticides néonicotinoïdes détruisent ces organismes vivants qui pollinisent les plantes travaillent le sol décomposent la matière organique favorisent

l alimentation des végétaux et les défendent contre les parasites

Un nécessaire retour à une approche systémique

La diminution progressive de l usage des pesticides ne repose pas seulement sur des alternatives symétriques aux produits chimiques En effet la gestion des

ravageurs n est pas exclusivement dépendante de l existence d une solution spécifique pour un ravageur donné mais elle suppose également le retour à une

approche systémique de protection des cultures Une agriculture qui réduit fortement des pesticides est une agriculture qui remet le travail paysan et la

biodiversité au cœur de la production Cela nécessite observation connaissance du milieu et des interactions qui s y développent des auxiliaires et

prospection Le développement de pratiques qui diversifient la production et la déconcentrent sont autant d outils qui réduisent la pression parasitaire

Des solutions de luttes antiparasitaires variées

Les options de lutte antiparasitaire pour éviter l utilisation des néonicotinoïdes sont variées et peuvent inclure la diversification et modification de la rotation des

cultures les dates de semis le travail du sol et l irrigation l utilisation de variétés moins sensibles l application des agents de lutte biologique dans les zones

infestées et en dernier recours l utilisation d insecticides à risque réduit Ces options sont souvent plus efficaces lorsqu elles sont appliquées en combinaison

dans une stratégie globale de lutte intégrée

Avertissements

i

Conformément à la directive européenne sur l utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ce document vise à présenter d abord

et avant tout autre chose les méthodes et alternatives n ayant pas recours à la chimie de synthèse

Les solutions présentées ci après ne se veulent pas exhaustives Il s agit d un échantillon de solutions mises en œuvre par des agriculteurs dans leurs

champs dans différentes régions de France

Le document ne concerne pas l ensemble des cultures sur lesquelles sont appliquées les néonicotinoïdes mais se limite aux grandes cultures qui

couvrent les plus grandes superficies et à l arboriculture la question se pose différemment de par la pérennité des cultures

1

Les alternatives dans les grandes cultures

Céréales d hiver blé orge seigle sorgho

Eviter les semis trop précoces avant le 15 octobre qui favorisent le développement des pucerons vecteurs de viroses

ii

Si la présence de pucerons se situe au delà des seuils définis dans les bulletins de santé du végétal traiter en cas de besoin avec des pyréthrines

simples moins chères que les traitements néonicotinoïdes et ayant moins d impacts négatifs sur l environnement

Contre le taupin :

Effectuer un travail du sol en vue de perturber leurs cycles de développement en remontant les larves en surface pour provoquer leur dessèchement

Augmenter la densité de semis

Introduire dans la rotation des cultures peu sensibles à ce ravageur et qui limitent la ponte des œufs crucifères pois féverole

Maïs

Eviter les semis trop précoces quand la terre est trop froide

Eviter la monoculture qui favorise le développement de divers insectes taupin chrysomèle du maïs etc

Contre le taupin : alterner les cultures implanter des variétés de maïs à démarrage rapide avec adaptation de la précocité de la variété à la zone

pédoclimatique si nécessaire utiliser des engrais localisés de démarrage

Contre la chrysomèle : pratiquer des rotations de cultures voire la lutte biologique avec des nématodes

Contre la pyrale : l utilisation de trichogrammes hyménoptère parasite de la pyrale est une méthode de lutte simple fiable et efficace

Betteraves

L utilisation de semences de betterave traitées aux néonicotinoïdes permet aux agriculteurs de ne pas vérifier les attaques d insectes pendant plusieurs

mois C est pourquoi certains agriculteurs considèrent ce type de pesticides comme une " solution de confort " La mise en œuvre de recommandations

simples permet pourtant de ne pas utiliser de néonicotinoïdes tout en contrôlant les principales attaques de ravageurs

Contre les pucerons :

Ne pas semer trop tôt dans une terre froide ainsi favoriser une croissance rapide des betteraves et réduire l impact des attaques de pucerons vecteurs

de viroses jaunisse Du fait du développement en foyer les dégâts des pucerons sur le rendement des betteraves sont localisés et souvent limités

Observer la culture et utiliser si nécessaire une pyréthrine simple

Un point clef : la régulation des pucerons se fait généralement naturellement s il y a un minimum de biodiversité syrphes coccinelles chrysope

condition incompatible avec l usage des néonicotinoïdes Les pertes éventuelles seront compensées par l économie réalisée par l achat de semences

sans néonicotinoïdes

Contre le taupin :

Effectuer un travail du sol en vue de perturber son cycle de développement en remontant les larves en surface pour provoquer leur dessèchement

Quelques fertilisants naturels peuvent être utilisés pour lutter indirectement contre les insectes du sol comme le tourteau de ricin propriétés

insecticides et nématicides

Colza

L utilisation de néonicotinoïdes est dans la grande majorité des cas inutile car ne répondant pas à une quelconque impasse technique Cette utilisation

est par contre très dangereuse pour les insectes auxiliaires le colza est une plante très visitée par les insectes pollinisateurs

2

Pomme de terre

Contre les taupins plusieurs possibilités selon les conditions et les niveaux de risques :

certaines variétés de moutardes utilisées en engrais verts

le déchaumage

les purins de plantes dont le plus connu contre le taupin est celui de fougère

les tourteaux de ricin

Les doryphores sont très bien gérés avec Bacillus thuringiensis subsp Tenebrionis

Produire sans néonicotinoïdes en grandes culture c est possible sans perte économique statistiquement significative L économie

des coûts des traitements des semences par des néonicotinoïdes doit être prise en compte

Rappelons que l interdiction européenne partielle de trois néonicotinoïdes clothianidine thiaméthoxam et imidaclopride en décembre 2013 par la

Commission européenne n a pas entraîné la catastrophe qu annonçaient plusieurs organisations

Syngenta affirmait que la productivité dans les cultures clés telles que le maïs le blé d hiver l orge le colza la betterave à sucre et le tournesol pourrait

diminuer de 40% L ECPA European Crop Protection Association affirmait des pertes potentielles de rendement pouvant aller jusqu à 10% en colza et

céréales 30% en betterave sucrière et 50% en maïs Quant au COPA COGECA il renchérissait en déclarant " ce traitement améliore de manière significative

les rendements des cultures Il présente des gains économiques de quelques 4 milliards d euros favorisant l emploi dans les zones rurales de l UE "

Les chiffres des statistiques de récoltes contredisent ces affirmations voir les rapports Agreste sur maïs et colza qui montrent une augmentation moyenne des

rendements entre 2013 et 2015

De nombreuses études montrent que l utilisation des insecticides néonicotinoïdes ne provoque pas d augmentation de rendement par rapport aux mêmes

iii

iv

v

vi

cultures non traitées On dispose de comparaisons intéressantes pour le Royaume Uni le Canada l Italie les Etats Unis et l Union Européenne Enfin

l Allemagne en a interdit l usage sur céréales d hiver et continue d être le second producteur européen de céréales

3

Les alternatives pour l arboriculture

On trouve cinq grandes familles d alternatives non " chimiques " :

Les médiateurs chimiques la confusion sexuelle phéromones

Les protections physiques les filets anti insectes

Le recours aux micro organismes exemple bacillus thuringiensis Bt

Le recours aux macro organismes prédation parasitisme par les auxiliaires

Les substances naturelles huiles essentielles éliciteurs naturels extraits de plantes…

La biodiversité joue un rôle important dans la protection des récoltes Il est également important d avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l arbre

de la maîtrise de sa vigueur passant par la connaissance du sol et des sensibilités variétales

Contre les pucerons :

Les problèmes arrivent avec des variétés mises sur le marché malgré leur sensibilité aux pucerons avec des pratiques qui fragilisent le végétal et avec un

excès d azote minéral qui modifie la composition des sèves dans un sens favorisant la prolifération des pucerons

Les déséquilibres du végétal par exemple tailles trop fortes sur greffage en année 1 ou 2 vont favoriser les pucerons et particulièrement le puceron

lanigère

Les produits chimiques et l absence de biodiversité éliminant ou freinant les insectes prédateurs vont aussi mettre à mal les régulations naturelles

Pour y remédier il est recommandé d utiliser un enherbement diversifié et fleuri contenant des féveroles qui seront colonisées par des pucerons spécifiques

permettant le développement des populations d auxiliaires

On peut également utiliser de l argile calcinée comme barrière minérale répulsive pour le puceron cendré du talc des huiles blanches ou de colza sur

pommiers et aussi du pyrèthre naturel sur pêchers et pruniers

Pour les pucerons lanigères les néonicotinoïdes sont avantageusement remplacés par le lait de chaux qui protège également des chancres mais c est une

pratique peu répandue car plus chère

Contre les carpocapses et tordeuses plusieurs solutions :

Bacillus thurigensis

Carpovirusine

Confusion sexuelle

Ou filets de protection

Contre l anthonome :

Le Spinosad est efficace mais toxique pour l abeille et pour certains auxiliaires ce dernier est néanmoins moins dangereux que les néonicotinoïdes car non

rémanent

Les essais de dihydroxyde de calcium comme barrière active donnent des résultats intéressants

Favoriser l installation des prédateurs type mésanges et chauves souris est également une alternative

Des investissements à court terme à prendre en compte en arboriculture

Il est à noter que la mise en œuvre de ces alternatives peut requérir des investissements importants au moins à court terme les coûts à l hectare étant

souvent plus élevés que l usage de produits chimiques Par ailleurs à l instar des grandes cultures l observation humaine la prospection et la détection en

amont sont des moyens de lutte qui ne pourront jamais être remplacés par des machines ou des produits chimiques et qui sont indispensables pour limiter

l usage des pesticides En conclusion bien qu elles puissent poser d autres problèmes sanitaires mais moins importants ou des problèmes de coûts de

production dans certains cas les alternatives au néonicotinoïdes en arboriculture existent

4

Conclusion : accompagner l interdiction…

L urgence sanitaire et environnementale d interdire ces molécules ne peut pas occulter le débat sur les conséquences économiques de ces mesures

d interdiction pour certaines productions et une partie des cultivateurs Il est ainsi indispensable de coupler ces mesures à un soutien du monde agricole :

en prévenant les distorsions de concurrence

En effet dans un contexte de marché libre les pesticides sont parfois un outil de défense et de maintien d un revenu à peine décent Cette interdiction

française devra donc être suivie du portage politique d une harmonisation européenne de l utilisation des néonicotinoïdes A l instar d une exigence de

régulation des marchés afin de permettre le maintien et le développement d une agriculture respectueuse de la santé des humains et de l environnement

seuls des prix garantis et l assurance d accéder à un revenu décent peuvent pousser les cultivateurs à assurer une transition écologique sur leur ferme et à

prendre les risques économiques qui peuvent aller avec Les choix politiques de passage à une agriculture de qualité doivent prendre en compte la nécessité

du maintien de fermes et de cultivateurs en nombre sur l ensemble du territoire

en réorientant les fonds publics vers le soutien des modes de production agricoles plus respectueux de la santé et de

l environnement

Pour que le changement vers des modes de production plus respectueux de la santé et de l environnement devienne une réalité il est impératif de réorienter

des fonds publics destinés à l agriculture vers le soutien de ces pratiques et notamment la recherche

" Notre agriculture doit être productive tout en utilisant davantage les mécanismes naturels pour protéger à la fois les récoltes et les

personnes plutôt que de recourir systématiquement à des produits chimiques "

Stéphane Le Foll Ministre de l Agriculture vii

5

Différents types d alternatives permettant de ne pas utiliser de néonicotinoïdes en grandes cultures et en arboriculture

ARBORICULTURE

MAÏS

BETTERAVE

COLZA

POMME DE

TERRE

CEREALES

D HIVER

Méthodes

agronomiques

rotations dates

de semis

irrigation travail

du sol choix de

la variété etc

x

x

x

x

x

x

Substances

naturelles

x

x

x

x

x

x

Microorganismes

x

Macroorganismes

x

x

Médiateurs

chimiques

confusion

sexuelle

phéromones

x

x

x

x

x

x

i

Directive 2009/128/CE instaurant un cadre d action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable

Le Bulletin de Santé du Végétal est mis à disposition de tous les acteurs gratuitement sur les sites internet des Chambres régionales d agriculture et des DRAAF

Goulson D 2013 REVIEW: An overview of the environmental risks posed by neonicotinoid insecticides Journal of Applied Ecology 50 pp 977 987

iv

Geneviève Labrie1 André Rondeau2 Yvan Faucher2 Stéphanie Mathieu2 Yves Perreault2 et Gilles Tremblay1 Impact des traitements insecticides de semences sur les insectes ravageurs du

sol et sur les paramètres agronomiques dans la culture du maïs grain CERO 1 LUT 11 1582

v

Furlan L Canzi S Toffoletto R di Bernardo A :Effetti sul mais della concia insetticida del seme L informator Agrario 5/2007 p92 96

vi

FranceAgriMer Note de conjecture Oléoprotéagineux : http://www franceagrimer fr/content/download/37200/341634/file/MEP_SMEF_UGC_panorama oleopro mars2015 pdf

vii

JO Sénat du 04/07/2014 page 5480 en réponse à une question parlementaire sur l interdiction des néonicotinoïdes

ii

iii

6

Document similaire

1104533

4139

43509254b9e414bacd04c92247cb9de2

Monsieur le président madame la ministre monsieur le ministre mes chers collègues alertée par un agriculteur victime des pesticides M Paul François j ai sollicité du président du groupe socialiste du Sénat au début de l année 2012 la création d une mission commune d information consacrée aux impacts des pesticides sur la santé Le sujet n était pas complètement nouveau pour le Sénat Dès lors pourquoi remettre l ouvrage sur le métier Précisément parce que nous avions le sentiment d être face à un problème complexe nécessitant des investigations poussées mais aussi parce que nous sentions une évolution de la sensibilité de nos concitoyens et d abord des premiers concernés les agriculteurs sur les risques que font courir les pesticides à ceux qui les manipulent et vivent au quotidien à leur contact Dès le début des travaux de la mission au mois de mars 2012 l étendue et la complexité du champ à explorer sont apparues imposantes En effet il nous fallait confronter les enseignements de plusieurs disciplines agronomie chimie médecine biologie toxicologie écotoxicologie expologie épidémiologie droit… et rencontrer des acteurs d une grande diversité aux modes de pensée spécifiques et aux intérêts parfois divergents Avec la présidente et l ensemble des membres de la mission nous avons décidé de centrer nos travaux sur les effets des pesticides sur la santé des utilisateurs directs à savoir les personnels intervenant dans leur fabrication et leur application les familles d agriculteurs et les riverains des épandages mettant de côté les investigations sur les effets de ces produits sur l environnement et sur leur présence dans l alimentation Pour mener nos travaux nous ne sommes pas partis d une feuille vierge Nous avons pu nous appuyer sur des rapports parlementaires en particulier ceux de l Office parlementaire d évaluation des choix scientifiques et technologiques l OPESCT Je pense au rapport présenté en 2010 par nos collègues Jean Claude Étienne et Claude Gatignol mais également à d autres rapports à l instar de ceux qui furent respectivement présentés par nos collègues Gilbert Barbier en 2011 sur les perturbateurs endocriniens Catherine Procaccia en 2009 sur l emploi du chlordécone aux Antilles et Marie Christine Blandin en 2008 sur l expertise sanitaire des risques chimiques du quotidien Nous avons surtout eu le souci d écouter très largement l ensemble des protagonistes liés de près ou de loin à la question des pesticides menant près d une centaine d auditions et de dégager un consensus entre nous sur le sujet À l issue de sept mois de travail la mission a adopté à l unanimité plus d une centaine de recommandations visant à réorienter la politique des pesticides en France et en Europe Si l on a coutume de dire que le risque zéro n existe pas tendre vers cet objectif nous a paru devoir être le but des décideurs publics en la matière Je me réjouis qu une telle orientation politique ait pu être partagée entre tous les groupes qui composaient la mission lesquels au départ n avaient ni nécessairement la même vision de la question ni nécessairement la même sensibilité C est la preuve qu en écoutant les acteurs de chaque domaine concerné économique agricole scientifique sanitaire et en débattant on peut produire du consensus sur un problème qui concerne au premier chef la santé publique Je ne procéderai pas devant vous à la lente et fastidieuse énumération de toutes les recommandations de la mission : j énoncerai simplement quelques axes forts de notre réflexion et profiterai de la présence des ministres pour poser quelques questions Premier axe de réflexion de la mission : la priorité à la santé Cette priorité a constitué le fil rouge des investigations menées par la mission sénatoriale Cela pourra en étonner certains mais dans les faits à tous les stades du cycle de vie d un produit pesticide la priorité à la santé est loin d aller de soi Je prendrai trois exemples pour illustrer mon propos en suivant le cycle de vie d un produit phytopharmaceutique avant son autorisation de mise sur le marché lors de la délivrance de cette autorisation et après celle ci Avant tout engagement dans une procédure d autorisation lors des recherches tendant à l élaboration d une nouvelle molécule ou d un nouveau produit les considérations de santé sont secondaires L essentiel est de trouver un produit efficace sur les plantes les insectes ou les champignons que l on cherche à éradiquer Ces recherches sont longues dix ans de recherche en moyenne sur une nouvelle molécule et coûteuses pour les industriels qui les mènent Ce n est que dans un second temps après avoir vérifié l efficacité du produit que sa toxicité pour les utilisateurs est examinée Les recherches comprennent généralement des études toxicologiques mais devraient aussi comprendre des études immunologiques Au fond la mission a estimé que l évaluation des risques présentait trois lacunes majeures : elles ne sont pas menées sur la vie entière des animaux de laboratoire ni sur plusieurs générations de ces animaux et les résultats de ces investigations relatives à la santé ne sont pas rendus publics Notons d ailleurs que l ANSES dans son avis sur l étude du professeur Séralini consacrée à la consommation combinée de maïs génétiquement modifié traité au Roundup regrettait elle même le manque d études à long terme dans tous les processus d évaluation L autorisation de mise sur le marché est la deuxième occasion de constater que la priorité à la santé est insuffisamment prise en compte La méthodologie suivie pour la délivrance d une AMM définit une dose journalière admissible d exposition de l homme au produit dose en deçà de laquelle on est censé ne courir aucun risque Or les avancées de la science ont montré qu il est devenu précisément inadmissible de continuer à raisonner en fonction de cette notion de dose décrétée " admissible " puisqu elle n a aucune signification lorsqu il s agit de pesticides ayant comme propriété d être des perturbateurs endocriniens En effet la perturbation endocrinienne se manifeste en fonction du moment de l exposition par exemple au cours de la septième semaine d une grossesse et non en fonction de la dose reçue Cette perturbation peut même exister à une dose infime et ne pas apparaître à une forte dose Par ailleurs quelles que soient les précautions et les limites propres à une substance ou à un produit chaque individu peut être soumis à un cocktail de substances et de produits au cours d une seule journée de sa vie En réalité ce sont les effets sur la santé de ce cocktail qu il faudrait évaluer même s il faut bien convenir que cela peut se révéler difficile Sur ce point le groupe scientifique de l unité " pesticides " de l EFSA l Autorité européenne de sécurité des aliments a émis en 2008 un avis sur tous les types de toxicité combinée des pesticides Elle a conclu que seuls les effets cumulés résultant d une exposition simultanée à des substances ayant un mode d action commun étaient préoccupants Depuis 2009 le choix des pesticides devant être l objet d un examen conjoint est toujours en cours…Enfin le troisième et dernier moment cette priorité accordée à la santé nous est apparue comme insuffisamment prise en compte correspond à la période d utilisation effective des produits Durant des années d utilisation d un pesticide ni les conditions et l ampleur de son utilisation ni même les effets négatifs observés sur la santé ne font l objet d un suivi et donc ne sont réellement recensés et exploités Pourtant les agriculteurs doivent tenir un registre retraçant leur utilisation de pesticides mais ces innombrables sources ne sont pas exploitées Il existe des réseaux de vigilance censés recevoir des alertes sur les risques liés aux pesticides permettant de provoquer une nouvelle évaluation de ces produits et potentiellement de remettre en cause des AMM délivrées mais un rapport administratif récent a pointé le manque de centralisation des informations ainsi collectées et finalement les faiblesses de l évaluation des risques en continu Face à cette situation la mission commune d information recommande notamment de renforcer les obligations de remontée et d harmonisation des informations sanitaires de terrain par les réseaux existants et de centraliser les informations collectées en un lieu les alertes puissent être données et les décisions prises que ce soit à l Institut de veille sanitaire l InVS ou à l ANSES Plus d un siècle d histoire des pesticides montre que c est généralement plusieurs dizaines d années après l autorisation de mise sur le marché d un produit devenu suspect pour la santé qu est prise la décision d interdiction de fabrication de commercialisation et d utilisation Mais même à ce stade plus que tardif l interdiction a tendance à laisser encore du temps au temps : une période de restriction de l usage est prévue d abord dans la commercialisation puis dans l utilisation avant que le pesticide ne disparaisse tout à fait du commerce tandis qu il demeurera durant des dizaines et des dizaines d années dans l organisme humain ou dans l environnement L une des préoccupations majeures pour la santé publique résulte de la persistance des effets des pesticides dans le temps et parfois dans le temps long Je prends ici l exemple du chlordécone aux Antilles dont il est établi qu il peut demeurer plus de sept cents ans dans l environnement La difficulté à prendre les bonnes décisions vient aussi du fait que les effets de l exposition aux produits ne se font sentir parfois que de nombreuses années après Le lien entre le produit et la détérioration de la santé est ainsi distendu et n apparaît pas immédiatement La quantification de l effet des pesticides est malaisée mais le lien apparaît de plus en plus évident ce qui permet de présumer leur responsabilité dans l apparition de certaines pathologies Il en va ainsi de l arsénite de soude interdit depuis 2003 du fait de son rôle dans l apparition de cancers en particulier de cancers de la vessie Nous saluons aussi la reconnaissance en 2012 de la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle des agriculteurs Des liens ont en effet été établis entre l utilisation d insecticides aux propriétés neurotoxiques et cette pathologie ce qui prouve qu en la matière les mentalités évoluent La mission d information dont j ai été la rapporteur contribue sans doute à cette prise de conscience de la nécessité de mettre la santé avant toute autre préoccupation lorsque l on parle de pesticides La dangerosité de ces produits était encore il y a peu soit niée soit minimisée Leurs effets nocifs étaient trop souvent considérés comme le résultat d une mauvaise utilisation voire un mal nécessaire Depuis quelques années ce point de vue n est plus acceptable Je m en réjouis et souhaite que nous améliorions encore le suivi sanitaire des effets des pesticides Ainsi il conviendrait de généraliser les registres du cancer qui n existent aujourd hui que dans treize départements Ces instruments de suivi épidémiologique seraient d ailleurs utiles bien au delà du seul enjeu des pesticides Partant de cette priorité à la santé la mission commune d information a réinterrogé la réglementation des pesticides : c est le deuxième axe de notre réflexion Cette réglementation n est pas nouvelle et s est même renforcée au fil du temps avec désormais une forte dimension européenne aux termes de laquelle la mise sur le marché des produits s organise en deux temps Un premier temps est consacré à l évaluation des substances qui aboutit à leur homologation L harmonisation européenne en la matière est forte car le " paquet pesticides " de 2009 applicable depuis juin 2011 prévoit désormais une homologation de l ensemble des substances au niveau de l Union européenne après un processus d évaluation qui fait intervenir l ensemble des organismes nationaux d expertise sous la houlette de l EFSA Le processus garantit ainsi une vision commune des États membres et nécessite qu un dialogue permanent de la communauté scientifique s instaure Une fois les substances inscrites sur la liste de celles qui sont autorisées dans l Union européenne encore faut il autoriser les produits créés à partir de celles ci : c est le deuxième temps et c est l affaire des firmes qui se retournent vers les autorités nationales Le " paquet pesticides " a renforcé aussi l harmonisation en Europe en permettant des évaluations des produits par groupes de pays et en définissant trois grandes zones géographiques en Europe La France fait un peu office de pays de référence pour les évaluations de la zone sud en s appuyant sur l ANSES La mission ne remet nullement en cause le rôle et l excellence technique de l ANSES mais force est de constater que le dispositif d évaluation des risques liés aux pesticides souffre de plusieurs faiblesses D abord il est quasi impossible de s appuyer sur une expertise totalement indépendante des firmes phytopharmaceutiques Les experts totalement " hors sol " n existent pas et la transparence exigée sur leurs liens avec l industrie à travers les déclarations d intérêts qu ils doivent effectuer n est qu un pis aller Une nouvelle loi sur la prévention des conflits d intérêt sera peut être un jour nécessaire Ensuite les données sur lesquelles travaillent les organismes d évaluation sont fournies par les firmes elles mêmes qui ont financé et réalisé les études préalables Toute une série de biais dans les études sont possibles fragilisant les investigations sur l évaluation des risques et transformant quelque peu l évaluation publique en audit du processus d évaluation du produit effectué par les firmes Certes il semble difficile d exiger des études indépendantes avant que les produits soient soumis à la procédure d autorisation de mise sur le marché mais la mission a recommandé que pour les études complémentaires exigées après la délivrance de l autorisation de mise sur le marché l ANSES puisse choisir elle même les laboratoires chargés de les effectuer en toute indépendance De même la mission a recommandé qu un réexamen complet de l AMM puisse être effectué non plus au moment de son renouvellement décennal mais à mi parcours pour prendre en compte les effets connus en situation réelle in vivo des produits autorisésEnfin les acteurs extérieurs à l évaluation des produits sont insuffisamment associés au processus ainsi organisé Or une bonne expertise résulte de la confrontation des points de vue L ANSES ne saurait détenir seule une vérité immuable La mission recommande une transparence accrue des évaluations mais aussi un statut pour les donneurs d alerte Le Parlement pourrait se voir doté du droit de saisir directement l ANSES de demandes d évaluation ou de réévaluation des risques liés à certains produits ou à certaines substances car ce qui hier pouvait paraître inoffensif peut demain se révéler dangereux Je consacrerai le troisième axe de mon propos aux utilisations des pesticides car si la santé doit être au cœur de nos préoccupations si l évaluation doit être améliorée il faut aussi et surtout agir pour maîtriser et réduire les usages Le secteur agricole est le principal utilisateur de pesticides en France et dans le monde Cela n étonnera personne : c est l utilité de ces produits dans la protection des cultures contre leurs ravageurs qui a construit leur succès En France l agriculture consomme plus de 90 % des doses commercialisées toutes classes de produits confondues Le marché des pesticides avec un chiffre d affaires d un peu moins de 2 milliards d euros par an en France est loin d être négligeable Ces pesticides sont fortement utilisés dans les cultures maraîchères et fruitières ou encore en viticulture les achats de produits peuvent représenter entre 5 % et 10 % du chiffre d affaires des exploitations Certes il existe aussi des usages non agricoles mais ceux ci sont modestes sans être pour autant insignifiants D ailleurs la mission recommande une stricte limitation des usages non agricoles qui ne répondent pas à une logique économique mais à une logique d agrément car c est probablement sur ce segment qu une révolution des mentalités serait la plus féconde Longtemps considérés comme les produits miracle de la révolution agricole les produits phytopharmaceutiques ainsi nommés dans la réglementation commencent à être remis en cause radicalement par l agriculture biologique qui décide de se passer de la chimie minérale et ne s appuie que sur des traitements issus de préparations naturelles peu préoccupantes Sans aller jusqu à cette contestation radicale l agriculture conventionnelle est aussi traversée par un mouvement de remise en cause du " tout pesticide " Les pouvoirs publics à travers le plan Écophyto 2018 lancé en 2008 ont contribué à ce changement de mentalité Notons que ce plan malgré d importants moyens dédiés issus d une fraction de la redevance pour pollutions diffuses a pour l instant des résultats modestes Si l interdiction des trente substances les plus dangereuses en 2008 est très positive la réduction des quantités globales utilisées n est pas au rendez vous Il faut donc monsieur le ministre de l agriculture passer à la vitesse supérieure Je salue au passage votre détermination à encourager les changements de pratiques agricoles Le concept d agroécologie que vous avez mis en avant le 18 décembre dernier lors du grand colloque intitulé " Agricultures : produisons autrement " montre qu on ne doit pas opposer performance et protection de l environnement Les pesticides ne sont pas la seule voie vers la productivité À long terme leurs effets délétères sur l eau ou encore la qualité des sols peuvent avoir un effet contraire à celui qui était recherché initialement en faisant chuter les rendements Notre mission ne dit pas autre chose Les nombreuses auditions réalisées de représentants du monde agricole nous ont convaincus que l utilisation de pesticides relevait aussi d habitudes prises et elles ont la vie dure Il s agit sans doute d une pratique sécurisante mais beaucoup prennent conscience qu il existe aujourd hui des alternatives Deux exemples montrent que le changement reste cependant un combat Le premier concerne les épandages aériens Ils ne touchent que 0 3 % de la surface agricole soit moins de 100 000 hectares mais sont particulièrement symboliques Les deux lois issues du Grenelle de l environnement avaient interdit cette technique tout en laissant subsister quelques exceptions Or au printemps 2012 la mission a été alertée sur le caractère pas si exceptionnel des exceptions… Nous avons été surpris de constater que malgré l exigence communautaire d une évaluation spécifique des risques liés à cette technique plusieurs produits pourraient être utilisés durant la campagne 2012 en épandage aérien avant l évaluation les concernant La mission a souhaité qu il soit mis fin aux dérogations Elle encourage l adoption de techniques alternatives Le second exemple concerne les équipements de protection individuelle communément appelés " EPI " aussi la persistance de mauvaises pratiques montre que la prise de conscience des effets nocifs des produits manipulés n est pas encore totale Il n était pas rare il y a quelques années de voir des agriculteurs effectuer leurs mélanges sans gants et sans masques Nous n en sommes plus mais le port des équipements le recyclage des tenues usagées ne sont pas encore des réflexes pour tous Les équipements eux mêmes sont ils totalement adaptés suffisamment résistants et protecteurs Sur ce point la mission a estimé que d importants progrès pouvaient encore être faits L obligation faite à tout agriculteur et plus largement à tout professionnel devant utiliser des pesticides de disposer d un certificat délivré après une formation de deux jours dénommé " Certiphyto " est un puissant facteur de modification des comportements Mais il faut aussi travailler sur les circuits de distribution des produits La mission estime indispensable qu il n y ait aucune incitation économique à vendre plus de produits que nécessaire En ce qui concerne les jardiniers amateurs la mission est favorable à une solution radicale: elle recommande de proscrire à terme la commercialisation à destination des non professionnels des produits autres que ceux qui sont autorisés en agriculture biologique Ce n est pas l abus de pesticides qui est dangereux pour la santé et l environnement comme le disait le slogan de la campagne " Jardiner autrement " ce sont les produits eux mêmes qui posent problème En attendant d interdire leur utilisation dans les jardins des particuliers la mission recommande d en interdire la vente dans les commerces alimentaires et de garantir la présence permanente d un conseiller vendeur formé dans les rayons des magasins Pour terminer je forme le vœu c est encore de saison que la centaine de recommandations résultant des travaux de la mission adoptées à l unanimité des groupes politiques entrent en vigueur le plus rapidement possible Madame le ministre monsieur le ministre votre présence conjointe aujourd hui au Sénat témoigne de l intérêt porté par le Gouvernement à la santé Les premiers contacts pris par la présidente et par moi même à l occasion de la remise du rapport en vos ministères respectifs ont montré que vous aviez à cœur de faire entrer spontanément en vigueur de nombreuses recommandations de la mission Je suis certaine que vous nous en direz un peu plus dans quelques instants Il appartiendra ensuite aux vingt sept membres de la mission commune d information en tant que législateurs d agir pour que les recommandations restantes puissent être concrétisées C est seulement ainsi collectivement que nous permettrons l amélioration de la protection des fabricants et des utilisateurs de pesticides tout en préservant les riverains et les familles des professionnels d une exposition parfois dangereuse Pour terminer tout à fait je tiens à adresser mes remerciements les plus chaleureux au président du Sénat aux présidents des commissions aux fonctionnaires qui nous ont accompagnés durant ces sept mois ainsi qu aux membres de la mission particulièrement à ceux qui ont organisé des déplacements très instructifs dans leur département Nous devons tous avoir conscience que nous sommes également des acteurs d une réduction de l emploi des pesticides sur nos territoires dans nos collectivités Certaines d entre elles ont déjà purement et simplement supprimé le recours à ces produits Je formule le souhait que de tels comportements se généralisent rapidement Mes remerciements s adressent également de nouveau aux ministres ainsi qu aux personnes entendues par la mission à Paris et en province dont certaines venues de loin et en dépit de la neige sont présentes aujourd hui dans les tribunes Nombre d entre elles nous ont déjà fait part de leurs réactions toujours constructives face au rapport d information lequel je le rappelle constitue non un aboutissement mais un point de départ

340

http://www senat fr/seances/s201301/s20130123/s20130123_mono html#par_147

8862

37751

loi

2013 01 23

271

rapporteur de la mission commune d information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l environnement

2013 01 26 04:16:20

2013 01 26 04:16:20

http://www nossenateurs fr/seance/8862#inter_43509254b9e414bacd04c92247cb9de2