1421189 1025 39f3fb84a38db05bb05298746d80d326 Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire d’emblée à Joël Labbé que sa proposition de résolution ne nous dérange pas. Pour ma part, je ne veux pas accuser. Je veux tout simplement que nous puissions réfléchir, ensemble, aux vraies questions.L’agriculture française est confrontée depuis longtemps à différents enjeux qui ne cessent de complexifier son activité : il faut tout ensemble fournir une production agricole de qualité, répondre aux attentes tant des consommateurs que du marché et limiter les impacts sur l’environnement.Notre agriculture ne cesse de s’adapter pour répondre aux enjeux écologiques, mais elle ne peut assumer seule le poids de mesures qui relèvent, au demeurant, de l’expérimentation.Cette proposition de résolution semble découler d’un recours excessif au principe de précaution : elle n’est fondée sur aucune nouvelle étude scientifique susceptible de remettre en cause la technologie de protection insecticide des semences apportée par les néonicotinoïdes.Quels avantages présentent les molécules en question pour l’environnement et l’utilisateur ? Les produits issus de la famille des néonicotinoïdes actuellement autorisés en grandes cultures sont utilisés pour les productions de betteraves, de céréales, de protéagineux, de maïs, de laitues et de chicorées. Ces molécules, qui ont l’avantage d’apporter une réponse non pas curative, mais préventive, constituent une solution bien meilleure en termes d’impact environnemental.Permettez-moi de citer quelques chiffres. Ces substances concernent aujourd'hui environ 30 % des céréales d’hiver, et 15 % des surfaces de colza sont ainsi protégées sur notre territoire.J’en viens à leur intérêt technique. Là encore, il convient de considérer les évolutions intervenues. Auparavant, on traitait systématiquement l’ensemble des surfaces, par exemple un hectare, soit 10 000 mètres carrés. Aujourd'hui, parce qu’on enrobe uniquement la graine, on se contente de traiter 50 mètres carrés. On est passé d’un dosage de plus de 600 grammes par hectare à 60 grammes par hectare. Ce sont les nouvelles techniques qui ont permis ces progrès considérables : l’impact environnemental est diminué et la production destinée à l’alimentation est garantie.Cette proposition de résolution n’est en outre pas fondée, dans la mesure où nous ne disposons d’aucun travail scientifique dont les résultats permettraient de justifier les mesures ici proposées.Nous avons besoin d’approfondir nos connaissances en la matière. Surtout, nous sommes confrontés à la nécessité absolue de ne pas placer l’agriculture européenne, et donc française, dans une situation de distorsion de concurrence : nous ne pouvons pas soumettre notre agriculture à des interdits, tout en important des produits qui ne seraient pas soumis aux mêmes règles du jeu.On peut, à cet égard, dresser un parallèle avec les OGM. On n’a pas souvent le courage de le dire, mais les impacts de certaines décisions sur la performance de notre agriculture sont absolument considérables.La Commission européenne a pris des décisions. Ainsi, en 2013, elle a suspendu provisoirement trois néonicotinoïdes, et trois seulement. Cette proposition de résolution va donc à l’encontre des conclusions de l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments.De surcroît, un certain nombre d’erreurs manifestes sont à relever dans les arguments avancés pour justifier la présente demande d’interdiction. Ainsi, vous mentionnez, mon cher collègue, une interdiction décidée par le Parlement néerlandais, en omettant de signaler que le gouvernement néerlandais l’a rejetée, faute de preuve scientifique.Dans un de ses rapports, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, a passé en revue un certain nombre de travaux permettant d’avoir une meilleure connaissance de la mortalité des abeilles.Notons aussi le projet EPILOBEE, évoqué précédemment, qui est financé par la Commission européenne. Il constitue la première surveillance épidémiologique de la mortalité des colonies d’abeilles domestiques. Il a été démontré dans ce cadre que la mortalité des abeilles est essentiellement due à d’autres facteurs que celui qui est retenu par ce texte.De même, il faut citer l’étude COLOSS, menée par une association à but non lucratif de recherche sur les abeilles composée de plus de 360 scientifiques professionnels issus de 60 pays : il apparaît que le taux de mortalité des colonies, qui était auparavant de 37 %, est passé l’année dernière à 9 %. Le varroa destructor constitue en vérité la plus grande menace pour la santé des abeilles.L’avis de l’ANSES va d’ailleurs dans le même sens.J’évoquerai enfin l’énorme impact économique qu’aurait une interdiction pour l’industrie agricole : à l’échelle de l’Union européenne, la perte serait de 4, 5 milliards d’euros et 50 000 emplois agricoles seraient menacés. Pour les cultures de pommiers, par exemple, la perte serait de 20 % et, pour l’ensemble de la filière, il s’agirait de 260 millions d’euros en moins chaque année.L’abeille est un maillon essentiel de la vie. Il faut donc prendre des décisions, mais éclairées. En France, le plan ECOPHYTO en fait partie. Le plan Protéines végétales permettra également d’œuvrer en ce sens.Monsieur le ministre, en matière d’agro-écologie, nous pourrions aller bien plus loin ! Permettez-moi de prendre un exemple personnel.Le paysan des Vosges qui vous parle sait que, en 2015, notre pays compte 60 % de terres labourées de moins qu’il y a un siècle. La rotation est donc un élément essentiel pour la sécurité sanitaire en ce qu’elle favorise la diminution de l’utilisation d’insecticides. 2300 http://www.senat.fr/seances/s201502/s20150204/s20150204_mono.html#intv_par_450 12036 48440 loi 2015-02-04 655 2015-02-08 04:14:54 2015-02-08 04:14:54 http://www.nossenateurs.fr/seance/12036#inter_39f3fb84a38db05bb05298746d80d326