1512739 3108 c46777852ba6e0d3f95c9c2b76c4aaf4 En 2009 et 2010, le Parlement votait les deux lois Grenelle I et Grenelle II de l'environnement, qui marquaient une nouvelle étape dans l'ambition de la France en matière d'écologie et de biodiversité.Ces lois ont été l'expression d'une volonté politique en matière de développement durable, s'appuyant sur de nouveaux outils : trames vertes et bleues ; meilleure prise en compte de l'enjeu environnemental dans les documents d'urbanisme ; lutte contre la production de déchets ; protection accrue des eaux ; mise en place de schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ; développement des énergies renouvelables ...Cinq ans plus tard, le projet de loi relatif à la biodiversité ne vient pas contredire l'ambition d'alors, il l'approfondit.Je commencerai par trois remarques d'ordre général. L'importance de la préservation de la biodiversité ne fait de doute pour personne : les services indispensables rendus par les abeilles à travers la pollinisation, par les forêts pour la captation du carbone, par les sols pour la filtration de l'eau et les échanges thermiques, sont bien connus. Les estimations monétaires des services écosystémiques rendus à la planète sont difficiles à établir et réductrices, mais il existe un consensus pour considérer qu'au-delà de sa contribution à l'économie, la biodiversité apporte des aménités environnementales, contribue à l'attractivité du territoire, y compris touristique, et offre une matière première favorisant l'innovation, par exemple en matière agricole ou médicale.Il est donc indispensable de lutter contre l'érosion de la biodiversité, et cet enjeu est loin d'être secondaire pour la France, où existe, tant en métropole qu'outre-mer, une réserve considérable de biodiversité, notamment dans les forêts primaires de Guyane ou de La Réunion.J'en viens à ma deuxième remarque. L'exposé des motifs du projet de loi évoque « l'urgence à agir », mais l'agenda de la discussion de ce texte montre que l'urgence est toute relative. Issu des propositions émises dans le cadre de la conférence environnementale de 2012, ce projet de loi n'a été déposé qu'en mars 2014 sur le bureau de l'Assemblée nationale par le ministre de l'environnement d'alors, M. Philippe Martin. Il a ensuite fallu près d'un an pour que l'Assemblée nationale procède à la première lecture, intervenue en mars 2015, dans une certaine indifférence médiatique. Nous devrions examiner à notre tour ce texte en octobre prochain, mais nous serons loin d'être au bout du processus d'adoption du projet de loi, qui sera examiné selon la procédure ordinaire.Troisième remarque, enfin : c'est naturellement la commission du développement durable qui est chargée d'examiner le fond de ce texte. Néanmoins, parce qu'il a un impact, ainsi que vient de le rappeler le président, dans les champs de compétence de la commission des affaires économiques, nous avons souhaité nous saisir pour avis de plusieurs de ses articles. J'ai procédé à plus d'une trentaine d'auditions, avec le souci d'écouter toutes les parties, et d'obtenir un éclairage sur les conséquences pour les acteurs économiques des territoires des dispositions proposées, car les préoccupations environnementales et économiques ne peuvent pas être traitées indépendamment les unes des autres, faute de quoi nous risquons d'avoir une approche déséquilibrée et au final, inefficace.Mieux articuler, dans une approche pragmatique, développement économique et préservation de la biodiversité, telle a été ma préoccupation.Le droit de l'environnement a consacré le principe qui veut que des études d'impact sur l'environnement soient associées aux projets d'une certaine ampleur. Mais l'inverse n'est pas vrai : l'impact pour les acteurs économiques de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires prises dans l'intérêt de l'environnement est rarement étudié avec précision. L'étude d'impact annexée au projet de loi, bien que fort documentée, est souvent assez laconique sur les conséquences économiques de certaines dispositions.Par ailleurs, les députés, en première lecture, ont ajouté de nombreuses dispositions, par exemple en imposant, à l'article 2, un nouvel objectif d'absence de perte nette de biodiversité, en incitant fortement à construire des places de parking non imperméabilisées, ou encore en interdisant totalement les néonicotinoïdes dès 2016. Ces ajouts n'ont pas fait l'objet de réelles évaluations, et nous devrons en tirer les conséquences. Car, pour répondre à l'intention proclamée par la ministre de l'écologie, Mme Ségolène Royal, de passer d'une « écologie punitive » à une « écologie positive », il faut être extrêmement attentif aux conséquences de toutes nos décisions.Il convient aussi de donner une meilleure visibilité aux zonages environnementaux, très nombreux et vécus comme autant de contraintes par les acteurs économiques, mais aussi par les élus locaux. On peut regretter que ce projet de loi ne soit pas l'occasion de simplifier et rationaliser ces zonages, qui ont, à l'inverse, plutôt tendance à s'empiler, au point de rendre peu lisible la politique de protection des milieux. Les incompréhensions des professionnels dans la mise en oeuvre des politiques de l'eau illustrent parfaitement ce défaut des normes environnementales, qui ne sont pas bien appliquées lorsqu'elles ne sont pas comprises.Si l'impératif environnemental ne doit pas conduire à faire la guerre à l'activité économique, notons aussi que les acteurs de l'économie sont de plus en plus « éco-responsables » car ils sont directement dépendants de la nature. Tout d'abord, le monde économique est de plus en plus conscient de la nécessité de préserver l'environnement et la biodiversité, ainsi qu'en témoignent les initiatives en matière de responsabilité sociétale des entreprises. Dans le secteur de l'agriculture, de multiples organismes, comme les instituts techniques agricoles ou les grandes interprofessions, agissent pour faire partager au plus grand nombre les pratiques à la fois économiquement performantes et vertueuses du point de vue environnemental. La démarche d'agro-écologie portée par la loi agricole de 2014 s'inscrit dans cette philosophie de performance croisée économique et environnementale.Les pêcheurs, confrontés au défi de la préservation des ressources halieutiques, ont également dû s'adapter, dans le cadre institutionnel de la politique commune de la pêche. Le secteur de la pêche professionnelle en eau douce, dont nous avons entendu les représentants, poursuit également une démarche durable. Les pêcheurs, premières victimes des pollutions, ne sont jamais indemnisés pour les dommages liés à la pollution des rivières, qui les touchent par ricochet, les contraignant parfois à cesser leur activité. Même les enseignes de la grande distribution se sont lancées dans des démarches d'amélioration de leurs pratiques.Les chasseurs sont aussi les premières vigies de la biodiversité ; ils se préoccupent de l'avenir de la ressource et de la préservation des espèces.Les acteurs économiques, au total, peuvent être des acteurs de la biodiversité : les chasseurs, en assurant la régulation des populations, les forestiers, en préservant des essences d'arbres et en organisant l'exploitation durable de la forêt, ou encore les agriculteurs, qui assurent la conservation in situ des espèces végétales, et qui, dans le cadre du verdissement de la politique agricole commune ou du deuxième pilier de la PAC, réimplantent des haies, favorisent des rotations de cultures ou encore assurent la conservation des races animales.Sortir de l'écologie punitive, c'est aussi aider les agriculteurs, pêcheurs, industriels, commerçants, et l'ensemble des acteurs de la vie économique de nos territoires à faire leurs les objectifs de préservation, voire de développement de la biodiversité.J'en viens maintenant à l'examen des articles sur lesquels votre commission s'est saisie pour avis. En accord avec la commission du développement durable, saisie au fond, nous ne nous sommes pas saisis pour avis de l'ensemble du texte, mais uniquement des aspects touchant directement au champ de compétence de notre commission. Ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas d'avis sur le reste, et en particulier sur la gouvernance de l'Agence française pour la biodiversité.Je me suis d'abord intéressée aux mécanismes d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages, mis en place par le titre IV. Ces mécanismes mettent en oeuvre le droit des États à protéger leur patrimoine, pour lutter notamment contre la biopiraterie et l'appropriation abusive de ressources collectives. À l'article 18, je proposerai, après avoir entendu les craintes des professionnels de la recherche, en particulier dans le domaine des semences et de l'innovation variétale, de supprimer l'exigence de preuve de l'origine des ressources génétiques pour les collections anciennes.Au sein du titre V sur les espaces naturels et la protection des espèces, je n'ai examiné que les articles ayant un impact sur l'activité agricole, la pêche maritime, l'urbanisme, la chasse et la pêche de loisir.Plusieurs dispositions concernent l'urbanisme. J'ai veillé autant que possible à ne pas complexifier le droit actuel.L'article 27 bis prévoit que le schéma de cohérence territoriale (SCoT) devra transposer les dispositions pertinentes des chartes de parc national. Je vous proposerai de supprimer cet article qui revient une nouvelle fois sur le principe du SCoT intégrateur. Les élus, notamment par la voix de l'Association des maires de France (AMF), appellent de leurs voeux un moratoire sur ces documents.Je vous proposerai en revanche de ne pas modifier l'article 36 quater qui créé un nouvel outil pour identifier les espaces de continuités écologiques. Cette rédaction est un compromis trouvé à l'Assemblée nationale, et qui satisfait les agriculteurs. Je vous proposerai de supprimer l'article 36 quinquies A qui impose aux futurs centres commerciaux d'intégrer sur leur toiture des procédés de production d'énergies renouvelables ou un système de végétalisation et qui prévoit que la surface des places de stationnement imperméabilisées comptera pour le double de la surface. Nous avons déjà renforcé les exigences en matière environnementale applicables aux surfaces commerciales avec la loi « Alur » et la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Je crois préférable de privilégier le résultat sur les moyens.Concernant l'agriculture et l'utilisation des terrains agricoles, j'ai souhaité revenir sur certaines dispositions adoptées à l'Assemblée nationale, afin de retenir une approche plus réaliste.L'article 32 quater, en ouvrant un droit de préemption trop général sur les terrains non urbanisés à l'Agence des Espaces Verts de l'Ile-de-France, risque de mettre à mal la capacité à agir de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Ile-de-France, et de mettre sous cloche une large partie du territoire francilien. Un amendement de suppression de cet article vous sera proposé.L'article 33 A, qui perfectionne le dispositif de compensation écologique, va globalement dans le bon sens, à condition de bien veiller à ce que la compensation écologique ne se fasse pas au détriment systématique des terres agricoles.L'article 33, qui soulève un vif débat, crée les obligations réelles environnementales, qui peuvent restreindre drastiquement les conditions d'exploitation des terres agricoles. Plusieurs amendements seront proposés pour mieux encadrer ces restrictions et exiger une compensation systématique, dans un esprit d'équilibre des droits et obligations.Soucieuse que les agriculteurs ne soient pas les seuls à supporter la charge des mesures en faveur de la biodiversité, et considérant qu'il existe déjà une multitude d'instruments de protection, je propose également de supprimer l'article 34 qui crée des zones soumises à contraintes environnementales au sein desquelles des pratiques agricoles peuvent être imposées pour sauvegarder des espèces menacées. Là encore, une démarche contractuelle et partenariale me paraît préférable à une démarche forcée. L'exemple bien connu du grand hamster d'Alsace ne justifie pas de légiférer.L'élargissement des objectifs de l'assolement en commun à un objectif agricole, proposé par l'article 35, ainsi que l'élargissement du périmètre des associations foncières pastorales aux terrains intéressants pour la préservation de la biodiversité prévu par l'article 36 quinquies constituent des avancées satisfaisantes, qu'il faut conserver.En revanche, l'utilisation de l'aménagement foncier agricole et forestier dans un but principalement environnemental constitue un détournement de cette procédure, dangereux à long terme, d'où un amendement de suppression proposé à l'article 36.En matière de produits phytopharmaceutiques, l'introduction d'une nouvelle base légale pour réglementer les utilisations des fonds de cuve, à l'article 51 quinquies, peut faire consensus. En revanche, l'article 51 nonies, qui vise à réserver une enveloppe spécifique pour les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) et pour lutter contre les néonicotinoïdes au sein du plan Ecophyto risque de rigidifier la gestion de ce plan. Et l'interdiction complète, par l'article 51 quaterdecies, des néonicotinoïdes, dès le 1er janvier 2016, constitue une mesure excessive et mal cadrée sur le plan juridique, qui justifie aussi un amendement de suppression.En revanche, je salue le choix de donner enfin, à l'article 51 decies, une définition légale aux cours d'eau, et forme le voeu que les cartes puissent être rapidement connues, à l'issue d'un processus favorisant l'accord entre propriétaires riverains, exploitants et institutions oeuvrant dans le domaine de l'eau.Les dispositions relatives à la mer et à la pêche maritime sont très consensuelles. L'article 37 dispense les pêcheurs d'étude d'impact individuelle de leur activité en zone Natura 2000. Il est en effet sage que l'analyse soit collective, et sur cet article, je proposerai des amendements de coordination.À l'article 38, je propose simplement de rétablir le texte initial, en permettant aux organismes représentant les professionnels comme le comité national des pêches maritimes et élevages marins, d'être autorité gestionnaire des réserves naturelles en mer. Il n'y a aucune raison de jeter la suspicion sur ce type d'organisme, qui doit pouvoir être candidat à la gestion de ce type d'espaces.L'article 43 instaure en mer des zones de protection halieutiques. C'est une bonne initiative, qui avait été réclamée lors du Grenelle de la mer. Il convient cependant que la mise en oeuvre des mesures à l'intérieur de ces zones soit souple, pour tenir compte des caractéristiques des ressources halieutiques.À l'exception de quelques articles qui posent difficultés et que je vous inviterai à supprimer ou à modifier substantiellement, la plupart des dispositions concernant la chasse et la pêche de loisir vont dans le bon sens et les modifications que je vous soumettrai ne remettent pas en cause leur philosophie générale.S'agissant de la composition du conseil d'administration de l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), modifié par l'article 7 ter, je vous proposerai de conserver aux chasseurs leur majorité et d'ouvrir le conseil à des représentants des collectivités territoriales. L'article 8, qui prévoit la possibilité de rattacher un établissement public du code de l'environnement à un autre à la majorité des deux tiers, peut être adopté en l'état.A l'article 53 bis, je vous soumettrai un amendement de réécriture afin d'harmoniser les délais de transmission des procès-verbaux pour l'ensemble des gardes assermentés et non pour les seuls gardes-pêche comme le prévoit l'article. L'article 58 fait oeuvre de simplification en supprimant les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats et le schéma départemental de vocation piscicole, qui ne sont plus mis à jour. L'entrée en vigueur de la loi agricole a modifié le périmètre de ces suppressions et le texte prévoit désormais que sera supprimée la compatibilité du schéma de gestion cynégétique avec les programmes régionaux de la forêt et du bois. Je vous proposerai un amendement pour revenir au compromis entre chasseurs et forestiers qui avait été trouvé lors de la loi agricole. Je vous proposerai également, afin d'éviter tout vide juridique, de donner la possibilité au préfet de proroger de six mois le schéma de gestion cynégétique lorsque les travaux d'élaboration du nouveau schéma n'ont pu être menés à leur terme.Les articles 59 et 60 prévoient des habilitations à légiférer par ordonnances sur le régime dérogatoire applicable aux fédérations interdépartementales de chasseurs d'Ile-de-France et sur la notion d'animaux nuisibles. Il m'a paru plus simple de modifier directement le droit en vigueur.Je vous proposerai de supprimer l'article 68 quater qui interdit de chasser les mammifères pendant les périodes de reproduction et de dépendance et l'article 68 quinquies qui interdit la chasse à la glu. Ces articles remettent en cause des chasses dites traditionnelles, sans aucune justification. Ils ont peu à voir avec le projet de loi.Je vous proposerai également de supprimer l'article 54 ter qui applique aux piscicultures les règles de classement des cours d'eau en deux catégories. En effet, la rédaction retenue pose de sérieuses difficultés d'application.Enfin, je vous proposerai de ne pas modifier l'article 54 bis qui sécurise sur le plan juridique la pratique du « no kill fishing », l'article 54 quater qui rétablit le droit de pêche banal à une seule ligne aux associations agrées de pêcheurs amateurs aux engins et filets, l'article 54 quinquies qui limite les cas d'incompatibilités entre les fonctions de gardes assermentés et de membres de bureau d'associations de chasse ou de pêche, et l'article 55 qui durcit les sanctions encourues pour la pêche d'espèces de poissons en danger.Mes propositions sont inspirées par un seul objectif : préserver la biodiversité, certes, mais de manière pragmatique, sans le faire contre les acteurs économiques et les professionnels de terrain. Les députés, peut-être par dogmatisme, au nom d'une conception un peu trop rigide de la défense de la biodiversité, avaient marqué une méfiance excessive à l'encontre de ces professionnels, qui n'incite pas à une démarche partenariale. Essayons plutôt de faire confiance, pour créer les conditions de la réussite collective en matière de biodiversité. 100 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150622/eco.html#par53 13119 51004 commission 2015-06-24 4 rapporteur pour avis 2015-06-27 04:17:17 2015-06-27 04:17:17 http://www.nossenateurs.fr/seance/13119#inter_c46777852ba6e0d3f95c9c2b76c4aaf4