1562606 1580 2101d147b4fb2471e73ff4e178257a64 Le travail dominical, chaque fois que le sujet est soumis au législateur, suscite un débat passionnel. Il est vrai qu'il soulève, au-delà des questions juridiques, des enjeux de société majeurs.La loi du 13 juillet 1906 a institué un repos hebdomadaire pour les employés et les ouvriers. Il devait être donné le dimanche. Des dérogations individuelles pouvaient déjà être accordées par le préfet aux établissements dont la fermeture serait préjudiciable au public ou compromettrait leur fonctionnement normal. Dans certains secteurs, comme le transport, la santé ou l'hôtellerie-restauration, la dérogation était de droit. Les maires pouvaient supprimer le repos dominical dans les commerces en cas de fête locale.En 1934 il a été décidé que le maire pouvait autoriser les commerces de détail à ouvrir pendant trois dimanches par an en doublant la rémunération de leurs salariés et en leur offrant un repos compensateur. Ce nombre fut porté à cinq en 1993. L'application de cette disposition, laissée à l'appréciation du maire, a été très variée : le plus souvent ces dimanches, lorsqu'ils sont accordés, sont ceux qui précèdent Noël ou qui se situent en période de soldes. Les commerces alimentaires sont soumis à une réglementation spécifique et peuvent ouvrir le dimanche jusqu'à 13 heures.Les ouvertures illégales se sont développées, notamment dans les grandes zones commerciales en périphérie de nos villes. En 2009, la loi Mallié, dont l'objet était de remédier à ce problème, n'a pas vraiment simplifié la réglementation. À certains égards, elle l'a même rendue plus complexe !Elle a tout d'abord créé les « périmètres d'usage de consommation exceptionnel » (Puce), zones situées en périphérie des agglomérations de plus d'un million d'habitants dans lesquelles existe un usage de consommation dominicale et qui peuvent être délimitées, à l'initiative des maires, par le préfet. L'ouverture des commerces y est conditionnée à la signature d'un accord collectif offrant des contreparties ou, à défaut, à une décision unilatérale de l'employeur assortie du doublement de la rémunération et d'un repos compensateur. Sur les 41 Puce institués, 38 l'ont été en Ile-de-France. À l'origine d'un important contentieux, ils s'inscrivent dans une logique de régularisation a posteriori d'usages contraires à la loi : un nouveau centre commercial, ne pouvant justifier d'une habitude d'ouverture dominicale, ne recevra pas la qualification de Puce. La loi Mallié a également simplifié le cadre dérogatoire dont bénéficient les communes et zones touristiques, également définies par les préfets sur demande des maires : aucune obligation de contrepartie pour les salariés ne s'y applique.Les nombreux cas d'ouverture dominicale sans autorisation (en particulier des magasins de bricolage) portés devant les tribunaux et sur la scène médiatique, ainsi que le développement du commerce en ligne, qui fragilise tous les commerces, ont conduit le Gouvernement à confier à Jean-Paul Bailly une réflexion sur l'évolution des exceptions au repos dominical, dont les conclusions ont inspiré les présentes dispositions.Ce texte vise à rationaliser le zonage dérogatoire au repos dominical et harmoniser le régime social qui lui est lié. Il institue les zones touristiques internationales (ZTI), caractérisées par un rayonnement international, une affluence exceptionnelle de touristes étrangers et l'importance de leurs achats. Les ZTI seront délimitées par le Gouvernement après consultation du maire. Les Puce sont remplacés par des zones commerciales (ZC) où il n'y aura plus à faire la preuve d'usages antérieurs de consommation dominicale. Les différentes dérogations dont bénéficiaient les communes touristiques, thermales ou d'animation culturelle permanente sont fusionnées au sein des zones touristiques (ZT). L'initiative de la délimitation des ZC et des ZT - prononcée par le préfet de région - appartiendra au maire et se traduira par une large concertation locale, avec notamment le conseil municipal, les partenaires sociaux, ou encore l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI).Dans les ZTI, les ZT et les ZC, l'ouverture le dimanche sera conditionnée à la conclusion d'un accord collectif - de branche, d'entreprise, d'établissement ou territorial - fixant des compensations, notamment salariales. La loi ne fixe pas de plancher et laisse au dialogue social toute liberté pour fixer des contreparties adaptées : pourquoi ne pas imaginer, dans certains secteurs d'activité, que les salariés travaillant le dimanche bénéficient d'un accès facilité à la formation ? Il ne faut pas se limiter à des contreparties salariales.Le texte permet également aux commerces situés dans les ZTI, par accord collectif, d'ouvrir en soirée et de décaler l'heure de démarrage du travail de nuit de 21 heures à minuit. Dans ce cas, toutefois, en raison de l'impact sur la vie familiale et sociale du salarié, la majoration minimale de la rémunération est fixée dans la loi - le salaire devra être au moins doublé - et elle devra s'accompagner d'un repos compensateur, ainsi que de la mise à disposition d'un moyen de transport. Ces dispositions viennent répondre à la fermeture, sur décision de justice, du magasin Sephora des Champs-Élysées tous les soirs à 20 h 30 au lieu de minuit, qui a entraîné une baisse d'un quart de son chiffre d'affaires ; sa clientèle était, après cette heure-là, majoritairement étrangère.Le projet de loi portait de cinq à douze le nombre d'ouvertures dominicales à la discrétion du maire et rendait les cinq premières obligatoires. L'Assemblée nationale, tout en gardant le passage à douze, a rétabli leur caractère facultatif et a conditionné l'ouverture, pendant les sept dimanches supplémentaires, à l'avis conforme de l'EPCI, afin de réguler la concurrence entre communes limitrophes. L'Assemblée nationale a apporté plusieurs autres modifications que je n'approuve pas car elles vont dans le sens d'un corsetage accru, en ajoutant des étapes de concertation, ou introduisant une distorsion entre certains secteurs d'activité. Je vous proposerai également de revenir sur la possibilité qu'elle a ouverte, dans les départements d'outre-mer, de modifier les jours fériés.Après avoir rencontré les représentants des salariés et des employeurs, des professeurs de droit, les secteurs d'activité particulièrement concernés et les services du ministère du travail, j'ai pu constater à quel point les attentes pouvaient diverger mais aussi combien le principe du repos dominical est solidement ancré. J'ai acquis la conviction que l'équilibre général atteint à l'Assemblée nationale, au terme d'un débat parfois violent entre le ministre et sa propre majorité, doit être préservé, en particulier concernant les « dimanches du maire ». En 2011, 29 % des salariés ont travaillé le dimanche de manière habituelle ou occasionnelle, en particulier dans le secteur sanitaire et social, dans les activités culturelles, sportives, récréatives qui sont au coeur de notre vie sociale, ou dans les transports. Il faut prendre acte de cet état de fait et en tirer parti, dans l'intérêt des salariés, des employeurs et de notre société. Ce texte fait confiance à l'intelligence des territoires et à l'esprit de responsabilité des élus locaux pour mettre en place un éventuel zonage dérogatoire ou augmenter le nombre de « dimanches du maire ».En raison de leur impact sur le tourisme international et l'attractivité de notre territoire, il est parfaitement légitime qu'il revienne au Gouvernement de définir les ZTI. Est-il acceptable que Paris ne compte que sept zones touristiques où l'ouverture dominicale est possible, et que la plupart d'entre elles ne soient constituées que d'une unique rue ? La seule conséquence en est la multiplication des ouvertures illégales de commerces, au détriment des salariés puisque l'employeur n'offre pas, alors, de contreparties. Et ce que les touristes étrangers ne dépenseront pas à Paris, ils iront le dépenser à Londres, Berlin ou Madrid.Comme l'ont montré les travaux de la commission Perrot à partir des exemples étrangers, l'ouverture le dimanche, pour avoir un effet significatif sur l'emploi, doit être la plus large possible. Les mesures proposées ne sont pas de cette ampleur. Elles ne remettent pas en cause le choix fait par la société française de consacrer le dimanche à des activités cultuelles, culturelles, familiales ou sociales et améliorent la lisibilité du cadre juridique actuel. Je vous demande de les adopter, ainsi que mes amendements, qui visent à faire en sorte que des commerces ouvrant aujourd'hui le dimanche ne se retrouvent pas dans l'obligation de fermer. Ce sujet est complexe et les sollicitations sont aussi nombreuses que les possibilités de dérogation. À mes yeux, l'important est de conforter la responsabilité du maire et des élus locaux dans la définition des zones d'ouverture dominicale - à l'exception des ZTI - et du nombre de dimanches que le maire peut accorder, et de garantir la liberté du dialogue social - de branche, d'entreprise, d'établissement ou territorial - pourvu que l'avis des salariés soit pris en compte. Pour les commerces alimentaires, la législation actuelle me paraît suffisante, qui prévoit une journée de repos compensateur tous les quinze jours : il ne faut pas infliger des contraintes à certains magasins seulement. La règle du volontariat, enfin, a été maintenue et étendue aux dimanches du maire. 3240 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150316/cs_croissance.html#par1059 13529 52791 commission 2015-03-18 22 rapporteure 2015-10-27 04:18:26 2015-10-27 04:18:26 http://www.nossenateurs.fr/seance/13529#inter_2101d147b4fb2471e73ff4e178257a64