1649482 1254 2f9e8d159c85c05e452fdc3d8cbbf7de Le CIRAD travaille depuis longtemps avec des partenaires aussi bien dans le domaine du développement que dans celui de la recherche, traditionnellement l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA). Je souhaite apporter des compléments à ce qui a été dit, en m'appuyant sur mon expérience dans la culture de la banane et sur des exemples de cultures fruitières et maraîchères.Les plantes de couverture représentent des techniques très intéressantes pour réduire l'utilisation des pesticides, puisque la filière banane a divisé par deux sa consommation d'herbicides entre 2002 et aujourd'hui, grâce au travail que nous avons mené en lien avec l'INRA. L'association de plantes de service et de plantes de couverture permet également de modifier l'agrosystème, en améliorant la structure du sol et en augmentant l'activité biologique des bactéries et des champignons. Planter des graminées en inter-rang entre les arbres fruitiers ou entre les bananiers entraîne l'augmentation de l'activité fongique. Elle-même conduit à multiplier la quantité d'animaux qui se nourrissent au détriment des champignons, par exemple des nématodes mycophages, ainsi que la population des prédateurs de ces êtres vivants qui agissent ensuite sur les phytophages. Le CIRAD utilise ces plantes de service pour augmenter le nombre de prédateurs naturels des insectes nématodes qui se nourrissent au détriment de la culture, que ce soit sur le bananier, le goyavier ou sur certaines plantes à tubercule comme le taro.Ce type de méthode est aussi utilisé pour lutter contre certains champignons. Un grand nombre de plantes de service émettent par leurs racines des substances dotées de propriétés bactéricides. Le CIRAD travaille actuellement sur l'oignon pays pour limiter le développement d'une bactérie qui entrave la culture des solanacées (la tomate, le piment et l'aubergine) en Martinique et en Guadeloupe. Les résultats de ces travaux sont en cours de transfert auprès des agriculteurs. Utilisée pendant deux à trois mois, cette plante peut leur assurer une culture rentable.Les associations de plantes permettent aussi de lutter contre des ravageurs aériens. Le basilic à grandes feuilles permet par exemple de repousser les mouches blanches qui transmettent les virus de la tomate. Le maïs sert aussi de plante piège contre les noctuelles des cultures maraîchères.En complément des travaux de l'INRA sur les bio-pesticides contre le psylle, le vecteur du greening, le CIRAD cherche à modifier l'agrosystème pour favoriser une petite guêpe, Tamariseia radiata, qui est l'un des prédateurs naturels du psylle. L'utilisation d'une co-culture associant des goyaviers associés au verger d'agrumes constitue une autre piste. Ces techniques visent à limiter les re-contaminations des vergers et à allonger la période durant laquelle le verger est sain. Par ce biais, le pari du zéro pesticide que La Réunion a remporté sera gagné en Guadeloupe et en Martinique. En Guadeloupe, le greening est vécu comme une véritable catastrophe, ce qui n'est pas le cas en Martinique où les populations sont beaucoup plus faibles, le psylle étant arrivé plus tard et avec son parasitoïde.Les agriculteurs peuvent considérer les normes comme des contraintes, mais celles-ci n'en demeurent pas moins un excellent levier dont dispose le législateur pour faire évoluer les pratiques. Quand le CIRAD a développé de nouvelles variétés de banane pour limiter les quantités de fongicides, il a dû faire face aux résistances des producteurs qui ont invoqué les contraintes imposées par la grande distribution sur les prix. Ils exigeaient que les nouvelles variétés se conservent dans les mêmes conditions que les Cavendish qui sont des produits normés. Nous travaillons sur des plantes triploïdes et donc naturellement stériles, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas être améliorées. Le CIRAD a obtenu des variétés résistantes à la cercosporiose, mais souffrant jusqu'à présent de plusieurs défauts rédhibitoires, dont un problème de conservation. Avec l'arrivée de la cercosporiose noire aux Antilles et l'interdiction du traitement aérien, l'UGPBAN a toutefois racheté au groupe Pomona des mûrisseries adaptées aux conditions de conservation de notre nouvelle variété qui est résistante à la cercosporiose, baptisée « la 925 ». Ce nom témoigne du nombre très important d'hybrides qu'il a fallu développer avant de trouver cette variété exceptionnelle. Une variété d'ananas a récemment révolutionné le marché américain, la MD2, que l'université d'Hawaï a baptisée ainsi et qui est connue depuis, du fait des Costaricains, sous le nom de Sweetee, plus sympathique.Je souhaite nuancer ce qui a été dit sur les normes de nos voisins. Il est exact que la banane dite « bio » de République dominicaine, comme celle de Colombie, pose problème, puisque le cahier des charges est beaucoup plus léger que celui auquel sont soumis les agriculteurs des DOM. La réglementation de nos partenaires africains au Sénégal, au Cameroun et au Cap Vert est en revanche exactement conforme à celle de l'Union européenne, leurs produits étant destinés au marché européen. Il est donc possible de proposer à certains de nos partenaires des règles compatibles avec les intérêts de nos agriculteurs. Ce qui est vrai avec nos partenaires d'Afrique ne l'est pas avec ceux d'Amérique latine et des Caraïbes. Toutes les plantations de bananes chiquita au Costa Rica sont certifiées ISO 14 000 et Rain Forest Alliance, alors qu'elles sont traitées trois fois par an avec des produits interdits - respectivement en 2008 et 2003 - en Europe, le cadusafos et le terbufos. En Guadeloupe et en Martinique, le taux de nématicides s'élève en moyenne à 0,2 % par an. La plupart des plantations de bananes ont développé certaines des méthodes que le CIRAD a mises au point avec l'IRD et qui combinent l'assainissement des parcelles par rotation culturale et l'utilisation de matériels sains issus de vitro-plants.Concernant la surveillance des eaux, tous les instituts de recherche ont consenti un énorme travail dans le cadre du plan national d'action contre le chordécone et bénéficié de moyens très importants, mais il n'existe pas à La Réunion et à Mayotte l'équivalent de l'Observatoire des pesticides. Faute de ressources, notre travail dans ces derniers territoires se limite aux commandes locales, par exemple la gestion des effluents d'élevage ou de l'industrie cannière, sans étudier le devenir des pesticides sur les différents compartiments, sol et eau.Sur le recours des pays tiers au chlordécone, le Cameroun l'a utilisé de façon systématique de 1966 à 1986 avec des quantités de produit deux ou trois fois supérieures par rapport aux Antilles. Il a arrêté ses applications en 1995 dans les plantations industrielles. Le CIRAD, en tant qu'ancien bras armé de la coopération française en Afrique, s'est senti tenu d'attirer l'attention des autorités camerounaises sur la question. Elles nous ont répondu qu'elles se préoccupaient plus de nourrir leur population que de s'assurer de la qualité des eaux. Chaque pays est souverain et nous n'avons pas les moyens d'obliger un partenaire à se saisir d'un problème qu'il refuse de voir. 160 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160321/outremer.html#par84 14292 56043 commission 2016-03-24 7030 chercheur au CIRAD 2016-04-16 03:52:19 2016-04-16 03:52:19 http://www.nossenateurs.fr/seance/14292#inter_2f9e8d159c85c05e452fdc3d8cbbf7de