Document d'origine

Oui les alternatives techniques aux néonicotinoïdes existent

Les pesticides néonicotinoïdes compromettent les services rendus par le vivant à l agriculture

Avec l arrivée des produits chimiques fertilisants et pesticides on a considéré la parcelle agricole comme une entité qui fonctionne en vase clos isolée de son

environnement immédiat Pourtant les interactions entre la plante cultivée et le reste de son milieu sont multiples Utilisés à bon escient les processus

naturels créent des interactions bénéfiques qui favorisent nettement la productivité des cultures et la durabilité des systèmes de production agricole La mise

en pratique de l agroécologie suppose de s appuyer sur ces processus Des parcelles de taille raisonnable ainsi que le bocage agricole sont indispensables

pour qu un équilibre s établisse entre la faune et la flore On observe au contraire avec l agrandissement des fermes l extension de la taille des parcelles

sans un arbre sans une haie pour protéger le champ et la culture et assurer le gîte et le couvert à un monde vivant tellement négligé depuis des décennies

Les pesticides néonicotinoïdes détruisent ces organismes vivants qui pollinisent les plantes travaillent le sol décomposent la matière organique favorisent

l alimentation des végétaux et les défendent contre les parasites

Un nécessaire retour à une approche systémique

La diminution progressive de l usage des pesticides ne repose pas seulement sur des alternatives symétriques aux produits chimiques En effet la gestion des

ravageurs n est pas exclusivement dépendante de l existence d une solution spécifique pour un ravageur donné mais elle suppose également le retour à une

approche systémique de protection des cultures Une agriculture qui réduit fortement des pesticides est une agriculture qui remet le travail paysan et la

biodiversité au cœur de la production Cela nécessite observation connaissance du milieu et des interactions qui s y développent des auxiliaires et

prospection Le développement de pratiques qui diversifient la production et la déconcentrent sont autant d outils qui réduisent la pression parasitaire

Des solutions de luttes antiparasitaires variées

Les options de lutte antiparasitaire pour éviter l utilisation des néonicotinoïdes sont variées et peuvent inclure la diversification et modification de la rotation des

cultures les dates de semis le travail du sol et l irrigation l utilisation de variétés moins sensibles l application des agents de lutte biologique dans les zones

infestées et en dernier recours l utilisation d insecticides à risque réduit Ces options sont souvent plus efficaces lorsqu elles sont appliquées en combinaison

dans une stratégie globale de lutte intégrée

Avertissements

i

Conformément à la directive européenne sur l utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ce document vise à présenter d abord

et avant tout autre chose les méthodes et alternatives n ayant pas recours à la chimie de synthèse

Les solutions présentées ci après ne se veulent pas exhaustives Il s agit d un échantillon de solutions mises en œuvre par des agriculteurs dans leurs

champs dans différentes régions de France

Le document ne concerne pas l ensemble des cultures sur lesquelles sont appliquées les néonicotinoïdes mais se limite aux grandes cultures qui

couvrent les plus grandes superficies et à l arboriculture la question se pose différemment de par la pérennité des cultures

1

Les alternatives dans les grandes cultures

Céréales d hiver blé orge seigle sorgho

Eviter les semis trop précoces avant le 15 octobre qui favorisent le développement des pucerons vecteurs de viroses

ii

Si la présence de pucerons se situe au delà des seuils définis dans les bulletins de santé du végétal traiter en cas de besoin avec des pyréthrines

simples moins chères que les traitements néonicotinoïdes et ayant moins d impacts négatifs sur l environnement

Contre le taupin :

Effectuer un travail du sol en vue de perturber leurs cycles de développement en remontant les larves en surface pour provoquer leur dessèchement

Augmenter la densité de semis

Introduire dans la rotation des cultures peu sensibles à ce ravageur et qui limitent la ponte des œufs crucifères pois féverole

Maïs

Eviter les semis trop précoces quand la terre est trop froide

Eviter la monoculture qui favorise le développement de divers insectes taupin chrysomèle du maïs etc

Contre le taupin : alterner les cultures implanter des variétés de maïs à démarrage rapide avec adaptation de la précocité de la variété à la zone

pédoclimatique si nécessaire utiliser des engrais localisés de démarrage

Contre la chrysomèle : pratiquer des rotations de cultures voire la lutte biologique avec des nématodes

Contre la pyrale : l utilisation de trichogrammes hyménoptère parasite de la pyrale est une méthode de lutte simple fiable et efficace

Betteraves

L utilisation de semences de betterave traitées aux néonicotinoïdes permet aux agriculteurs de ne pas vérifier les attaques d insectes pendant plusieurs

mois C est pourquoi certains agriculteurs considèrent ce type de pesticides comme une " solution de confort " La mise en œuvre de recommandations

simples permet pourtant de ne pas utiliser de néonicotinoïdes tout en contrôlant les principales attaques de ravageurs

Contre les pucerons :

Ne pas semer trop tôt dans une terre froide ainsi favoriser une croissance rapide des betteraves et réduire l impact des attaques de pucerons vecteurs

de viroses jaunisse Du fait du développement en foyer les dégâts des pucerons sur le rendement des betteraves sont localisés et souvent limités

Observer la culture et utiliser si nécessaire une pyréthrine simple

Un point clef : la régulation des pucerons se fait généralement naturellement s il y a un minimum de biodiversité syrphes coccinelles chrysope

condition incompatible avec l usage des néonicotinoïdes Les pertes éventuelles seront compensées par l économie réalisée par l achat de semences

sans néonicotinoïdes

Contre le taupin :

Effectuer un travail du sol en vue de perturber son cycle de développement en remontant les larves en surface pour provoquer leur dessèchement

Quelques fertilisants naturels peuvent être utilisés pour lutter indirectement contre les insectes du sol comme le tourteau de ricin propriétés

insecticides et nématicides

Colza

L utilisation de néonicotinoïdes est dans la grande majorité des cas inutile car ne répondant pas à une quelconque impasse technique Cette utilisation

est par contre très dangereuse pour les insectes auxiliaires le colza est une plante très visitée par les insectes pollinisateurs

2

Pomme de terre

Contre les taupins plusieurs possibilités selon les conditions et les niveaux de risques :

certaines variétés de moutardes utilisées en engrais verts

le déchaumage

les purins de plantes dont le plus connu contre le taupin est celui de fougère

les tourteaux de ricin

Les doryphores sont très bien gérés avec Bacillus thuringiensis subsp Tenebrionis

Produire sans néonicotinoïdes en grandes culture c est possible sans perte économique statistiquement significative L économie

des coûts des traitements des semences par des néonicotinoïdes doit être prise en compte

Rappelons que l interdiction européenne partielle de trois néonicotinoïdes clothianidine thiaméthoxam et imidaclopride en décembre 2013 par la

Commission européenne n a pas entraîné la catastrophe qu annonçaient plusieurs organisations

Syngenta affirmait que la productivité dans les cultures clés telles que le maïs le blé d hiver l orge le colza la betterave à sucre et le tournesol pourrait

diminuer de 40% L ECPA European Crop Protection Association affirmait des pertes potentielles de rendement pouvant aller jusqu à 10% en colza et

céréales 30% en betterave sucrière et 50% en maïs Quant au COPA COGECA il renchérissait en déclarant " ce traitement améliore de manière significative

les rendements des cultures Il présente des gains économiques de quelques 4 milliards d euros favorisant l emploi dans les zones rurales de l UE "

Les chiffres des statistiques de récoltes contredisent ces affirmations voir les rapports Agreste sur maïs et colza qui montrent une augmentation moyenne des

rendements entre 2013 et 2015

De nombreuses études montrent que l utilisation des insecticides néonicotinoïdes ne provoque pas d augmentation de rendement par rapport aux mêmes

iii

iv

v

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cultures non traitées On dispose de comparaisons intéressantes pour le Royaume Uni le Canada l Italie les Etats Unis et l Union Européenne Enfin

l Allemagne en a interdit l usage sur céréales d hiver et continue d être le second producteur européen de céréales

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Les alternatives pour l arboriculture

On trouve cinq grandes familles d alternatives non " chimiques " :

Les médiateurs chimiques la confusion sexuelle phéromones

Les protections physiques les filets anti insectes

Le recours aux micro organismes exemple bacillus thuringiensis Bt

Le recours aux macro organismes prédation parasitisme par les auxiliaires

Les substances naturelles huiles essentielles éliciteurs naturels extraits de plantes…

La biodiversité joue un rôle important dans la protection des récoltes Il est également important d avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l arbre

de la maîtrise de sa vigueur passant par la connaissance du sol et des sensibilités variétales

Contre les pucerons :

Les problèmes arrivent avec des variétés mises sur le marché malgré leur sensibilité aux pucerons avec des pratiques qui fragilisent le végétal et avec un

excès d azote minéral qui modifie la composition des sèves dans un sens favorisant la prolifération des pucerons

Les déséquilibres du végétal par exemple tailles trop fortes sur greffage en année 1 ou 2 vont favoriser les pucerons et particulièrement le puceron

lanigère

Les produits chimiques et l absence de biodiversité éliminant ou freinant les insectes prédateurs vont aussi mettre à mal les régulations naturelles

Pour y remédier il est recommandé d utiliser un enherbement diversifié et fleuri contenant des féveroles qui seront colonisées par des pucerons spécifiques

permettant le développement des populations d auxiliaires

On peut également utiliser de l argile calcinée comme barrière minérale répulsive pour le puceron cendré du talc des huiles blanches ou de colza sur

pommiers et aussi du pyrèthre naturel sur pêchers et pruniers

Pour les pucerons lanigères les néonicotinoïdes sont avantageusement remplacés par le lait de chaux qui protège également des chancres mais c est une

pratique peu répandue car plus chère

Contre les carpocapses et tordeuses plusieurs solutions :

Bacillus thurigensis

Carpovirusine

Confusion sexuelle

Ou filets de protection

Contre l anthonome :

Le Spinosad est efficace mais toxique pour l abeille et pour certains auxiliaires ce dernier est néanmoins moins dangereux que les néonicotinoïdes car non

rémanent

Les essais de dihydroxyde de calcium comme barrière active donnent des résultats intéressants

Favoriser l installation des prédateurs type mésanges et chauves souris est également une alternative

Des investissements à court terme à prendre en compte en arboriculture

Il est à noter que la mise en œuvre de ces alternatives peut requérir des investissements importants au moins à court terme les coûts à l hectare étant

souvent plus élevés que l usage de produits chimiques Par ailleurs à l instar des grandes cultures l observation humaine la prospection et la détection en

amont sont des moyens de lutte qui ne pourront jamais être remplacés par des machines ou des produits chimiques et qui sont indispensables pour limiter

l usage des pesticides En conclusion bien qu elles puissent poser d autres problèmes sanitaires mais moins importants ou des problèmes de coûts de

production dans certains cas les alternatives au néonicotinoïdes en arboriculture existent

4

Conclusion : accompagner l interdiction…

L urgence sanitaire et environnementale d interdire ces molécules ne peut pas occulter le débat sur les conséquences économiques de ces mesures

d interdiction pour certaines productions et une partie des cultivateurs Il est ainsi indispensable de coupler ces mesures à un soutien du monde agricole :

en prévenant les distorsions de concurrence

En effet dans un contexte de marché libre les pesticides sont parfois un outil de défense et de maintien d un revenu à peine décent Cette interdiction

française devra donc être suivie du portage politique d une harmonisation européenne de l utilisation des néonicotinoïdes A l instar d une exigence de

régulation des marchés afin de permettre le maintien et le développement d une agriculture respectueuse de la santé des humains et de l environnement

seuls des prix garantis et l assurance d accéder à un revenu décent peuvent pousser les cultivateurs à assurer une transition écologique sur leur ferme et à

prendre les risques économiques qui peuvent aller avec Les choix politiques de passage à une agriculture de qualité doivent prendre en compte la nécessité

du maintien de fermes et de cultivateurs en nombre sur l ensemble du territoire

en réorientant les fonds publics vers le soutien des modes de production agricoles plus respectueux de la santé et de

l environnement

Pour que le changement vers des modes de production plus respectueux de la santé et de l environnement devienne une réalité il est impératif de réorienter

des fonds publics destinés à l agriculture vers le soutien de ces pratiques et notamment la recherche

" Notre agriculture doit être productive tout en utilisant davantage les mécanismes naturels pour protéger à la fois les récoltes et les

personnes plutôt que de recourir systématiquement à des produits chimiques "

Stéphane Le Foll Ministre de l Agriculture vii

5

Différents types d alternatives permettant de ne pas utiliser de néonicotinoïdes en grandes cultures et en arboriculture

ARBORICULTURE

MAÏS

BETTERAVE

COLZA

POMME DE

TERRE

CEREALES

D HIVER

Méthodes

agronomiques

rotations dates

de semis

irrigation travail

du sol choix de

la variété etc

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Substances

naturelles

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Microorganismes

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Macroorganismes

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Médiateurs

chimiques

confusion

sexuelle

phéromones

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Directive 2009/128/CE instaurant un cadre d action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable

Le Bulletin de Santé du Végétal est mis à disposition de tous les acteurs gratuitement sur les sites internet des Chambres régionales d agriculture et des DRAAF

Goulson D 2013 REVIEW: An overview of the environmental risks posed by neonicotinoid insecticides Journal of Applied Ecology 50 pp 977 987

iv

Geneviève Labrie1 André Rondeau2 Yvan Faucher2 Stéphanie Mathieu2 Yves Perreault2 et Gilles Tremblay1 Impact des traitements insecticides de semences sur les insectes ravageurs du

sol et sur les paramètres agronomiques dans la culture du maïs grain CERO 1 LUT 11 1582

v

Furlan L Canzi S Toffoletto R di Bernardo A :Effetti sul mais della concia insetticida del seme L informator Agrario 5/2007 p92 96

vi

FranceAgriMer Note de conjecture Oléoprotéagineux : http://www franceagrimer fr/content/download/37200/341634/file/MEP_SMEF_UGC_panorama oleopro mars2015 pdf

vii

JO Sénat du 04/07/2014 page 5480 en réponse à une question parlementaire sur l interdiction des néonicotinoïdes

ii

iii

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Les normes applicables à l agriculture des régions ultrapériphériques RUP françaises en matière sanitaire et phytosanitaire trouvent leur origine pour l essentiel dans des règlements européens L enchaînement des interventions successives et parfois itératives des organes européens et nationaux dans le processus d évaluation et de prise de décision est complexe mais l échelon national garde de fortes compétences dévolues à l Anses et au ministre de l agriculture Le point essentiel est que les normes et les procédures sont les mêmes en Europe continentale et dans les RUP sans que soient prévus de dispositifs spécifiques à leur intention Il n est pas tenu compte des caractéristiques de l agriculture en contexte tropical et l application uniforme de la réglementation conçue pour des latitudes tempérées sans forte pression de maladies et de ravageurs conduit à des impasses L impasse phytosanitaire dont souffrent les filières agricoles ultramarines se traduit par la prégnance des usages orphelins la fragilité de la couverture phytopharmaceutique l absence de réponse contre des ravageurs dévastateurs un encadrement inadapté des conditions d utilisation des produits des dérogations difficiles à mettre en oeuvre et des interprétations françaises particulièrement rigoureuses des normes européennes Seuls 29 % des usages phytosanitaires sur cultures tropicales dans les DOM sont couverts alors que la moyenne nationale est d environ 80 % La difficulté ne réside pas dans l inexistence ou le faible développement de solutions phytopharmaceutiques pour des usages tropicaux C est l indisponibilité de produits existants déjà dans des pays tiers concurrents qui fait problème dès lors que les firmes ne souhaitent pas s engager dans les procédures européennes et françaises pour des marchés ultramarins très étroits et donc économiquement non rentables Le problème est exacerbé pour les cultures de diversification ananas mangue turbercules dont les filières sont particulièrement peu organisées et les surfaces cultivées très réduites Certaines maladies ou ravageurs font de tels dégâts que le retrait ou le non renouvellement de l homologation d un produit phytopharmaceutique efficace par exemple contre la cercosporiose du bananier ou l enherbement de la canne risque d entraîner l effondrement de la filière La méconnaissance des caractéristiques de la production agricole dans les RUP nuit considérablement à la lutte contre les ravageurs inconnus en Europe continentale La fourmi manioc est ainsi présente à la Guadeloupe et en Guyane Cet insecte constitue un problème majeur Les petits planteurs sont complètement démunis face à un ravageur qui peut défolier complètement une culture en l espace de 24 heures : c est le cas de la patate douce de l igname ou des agrumes par exemple Or actuellement aucun produit efficace contre la fourmi manioc ne peut être utilisé sur des cultures de plein champ C est une lacune dans la réglementation européenne et nationale qui n a pas prévu d usage agricole des moyens de lutte contre la fourmi manioc Ne sont envisagés que des usages domestiques qui dépendent d une réglementation sur les biocides de 2012 supervisée par l Agence européenne des produits chimiques alors que les pesticides répondent à un règlement de 2009 sous la responsabilité de l Agence européenne de sécurité des aliments l EFSA D autres espèces de fourmis sont sources de dégâts indirects qui nécessiteraient aussi des autorisations d usages agricoles qui manquent à l heure actuelle De plus les conditions d utilisation des produits phytopharmaceutiques autorisés par l Anses sont adaptées à un usage en climat tempéré Dans les DOM les conditions climatiques sont nettement différentes ce qui joue sur la rémanence des matières actives Elle est bien souvent inférieure à 8 ou 10 jours en raison d une évaporation plus forte Lorsque le nombre d applications autorisées par saison calculé dans les conditions " normales " de l Hexagone est limité les agriculteurs ultramarins se retrouvent dans des impasses techniques Pourtant une simple réduction des doses couplée avec une augmentation de la fréquence de traitement permettrait d adapter les conditions d utilisation aux périodes végétatives plus longues que connaissent les DOM De nombreuses restrictions d utilisation très contraignantes se sont empilées ces dernières années qu il s agisse de la réduction du nombre d applications de l extension des zones non traitées ZNT ou de l allongement des délais de traitement avant récolte Ces restrictions sont en partie dues au manque de données disponibles pour évaluer correctement les risques en milieu tropical tant au niveau de la France que de l Union européenne Par ailleurs les pays tiers bénéficient de différentiels de compétitivité considérables par rapport aux RUP quelle que soit la filière agricole considérée en raison d un coût du travail très faible et d une législation du travail souvent sommaire Mais les cultures des pays tiers concurrents des productions des RUP françaises sont aussi favorisées par la conjonction d une palette plus large de produits phytopharmaceutiques autorisés et d une politique commerciale européenne favorable D une part les producteurs des RUP ne peuvent pas recourir à certains produits librement utilisés dans les pays concurrents voisins mais pour lesquels aucune demande d autorisation de mise sur le marché AMM n a été déposée en France D autre part des autorisations sont accordées dans les pays tiers pour des substances interdites dans l Union européenne ou pour des produits non autorisés en France et les productions traitées sont ensuite exportées vers le marché européen dès lors qu elles respectent des limites maximales de résidus LMR Prenons un exemple celui de la cercosporiose : les producteurs de banane des Antilles ne peuvent utiliser que deux produits autorisés et ils procèdent à environ 7 traitements par an Par comparaison les concurrents africains et sud américains peuvent utiliser au moins 50 produits Le Costa Rica procède à 65 traitements par an et l Équateur à 40 traitements par an Plusieurs produits phytosanitaires qui ont été retirés d Europe ou qui sont très sévèrement contraints continuent à être utilisés ailleurs C est le cas du diuron ou de l atrazine sur la canne Le Brésil l Australie et l Afrique du Sud utilisent ces produits peu onéreux et à large spectre Cela leur procure un net avantage dans la compétition internationale féroce sur le marché du sucre de canne qui s accroîtra encore en 2017 avec la fin des quotas sucriers de l Union européenne Les filières ultramarines notamment celles qui sont exportatrices et fortement structurées comme la canne et la banane ne demandent pas le démantèlement de protections sanitaires française et européenne Dès lors que la pérennité des cultures est assurée par la garantie d une couverture phytosanitaire de base elles sont prêtes à poursuivre les démarches environnementales qu elles ont engagées Depuis 2006 l emploi des pesticides sur la banane a ainsi diminué de 50 % grâce au développement de techniques alternatives Ces filières désirent plutôt valoriser leurs efforts et leur mieux disant environnemental auprès du consommateur Encore faut il pour cela assurer les conditions d une lutte à armes égales avec les pays tiers et une véritable information du consommateur En matière de contrôle des importations on pourrait croire que le système européen est solide et contraignant Ce n est pas le cas La construction au niveau européen du système de contrôle des importations est faussée par plusieurs biais qui empêchent de rééquilibrer l écart de compétitivité normative dont souffrent les RUP et qui créent les conditions d une concurrence déloyale des pays tiers Tout l édifice repose sur les limites maximales de résidus LMR Même si les LMR de pesticides applicables pour les produits alimentaires sont les mêmes pour les produits d origine européenne et pour les produits importés des pays tiers cela ne veut pas dire qu il y ait une équivalence entre les normes de production sur le sol européen et celles qui prévalent dans les pays tiers Les normes de production sur le sol européen sont beaucoup plus exigeantes que les normes de mise sur le marché qui s appliquent aux produits en provenance des pays tiers Cette évidence doit être rappelée contre la fiction parfois entretenue par certaines déclarations imprécises tant des services de la Commission européenne que des ministères français selon lesquelles tous les produits destinés au marché de l Union européenne doivent respecter les normes européennes Dans les faits les denrées en provenance de pays tiers n ont que les LMR à respecter sans que soient prises en compte les conditions de production Et même plus fort encore : les pays tiers bénéficient de tolérances à l importation prévues spécifiquement pour permettre l entrée de produits agricoles traités avec des substances tout bonnement interdites dans l Union européenne En se bornant uniquement aux contrôles des résidus de pesticides on constate que les denrées issues des pays tiers présentent un taux de non conformité supérieure aux productions européennes D après la DGCCRF en 2014 3 3 % des échantillons de fruits et légumes en provenance de pays tiers contenaient des résidus de pesticides trop élevés plus du double de la moyenne Et les taux de non conformité sont encore bien supérieurs dans les produits importés faisant l objet de contrôles renforcés Les RUP ne subissent pas seulement cette concurrence des pays tiers à l export sur le marché européen pour leurs produits phare que sont la banane le sucre et le rhum Ils la subissent aussi sur leurs marchés locaux pour les produits issus des filières de diversification végétale et animale La porosité des outre mer aux importations illégales des pays tiers est avérée : la Guadeloupe vis à vis de la Dominique notamment en exploitant les failles du contrôle à Marie Galante la Martinique face à Sainte Lucie la Guyane vis à vis du Suriname et du Brésil Mayotte face aux Comores et La Réunion à l égard de Madagascar Cette porosité contribue à enfermer les économies ultramarines dans un cercle vicieux En effet plus la concurrence sur le marché local est rude et plus les filières de diversification végètent et ne peuvent s organiser pour résoudre le problème des usages orphelins ni s engager dans des démarches de labellisation ou d agriculture bio Les économies des outre mer restent éminemment dépendantes des grandes cultures de la banane et de la canne Or celles ci sont elles mêmes fragilisées par le changement climatique salinisation sécheresse épisodes violents et surtout touchées de plein fouet par la multiplication des accords de libre échange L Union européenne troque assez facilement les productions agricoles tropicales des RUP contre l ouverture putative des marchés industriels et de services des pays tiers La seule réponse de l Union européenne est alors de prévoir des compensations financières via le POSEI tant que le contexte budgétaire le permet Cela ne fait que miner les capacités de développement endogène des RUP et accroître leur dépendance aux subventions Seuls des outre mer disposant de la maîtrise normative comme la Nouvelle Calédonie paraissent bénéficier d un corpus normatif et de systèmes de contrôle adaptés à leurs besoins de développement des activités agricoles C est pourquoi le ministère de l agriculture et l Anses doivent accélérer l intégration des spécificités ultramarines et l allègement des procédures Ils doivent aussi porter cette préoccupation au niveau européen auprès de l EFSA et de la Commission En parallèle les autorités locales et les professionnels doivent se mobiliser pour définir des stratégies territoriales conquérantes misant sur la qualité et la promotion des performances environnementales C est au prix de ces efforts conjugués que les filières agricoles ultramarines pourront être sauvegardées et valorisées Avant de passer la parole à mes collègues rapporteurs Catherine Procaccia et Jacques Gillot qui vous présenteront en détail nos préconisations permettez moi encore un mot Je veux vous dire que ce rapport nous a donné l occasion de voyager au moins en esprit et de découvrir une autre facette de la richesse des outre mer Nous avons appris à connaître le papillon piqueur des agrumes et le citrus greening la lucilie bouchère dont le nom latin Cochliomyia hominivorax signifie " mouche mangeuse d hommes " et les trypanosomes contre lesquels aucun vermifuge n est opérant le champignon phytophtora la bactérie fastidiosa et la maladie moko Nous avons aussi découvert avec intérêt les méthodes de synchronisation de la floraison des ananas par charbon enrichi à l éthylène ou la technique de piégage de masse du charançon de la patate douce par confusion sexuelle Tous ces noms évocateurs vous laissent imaginer l étendue de notre champ d investigation

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http://www senat fr/compte rendu commissions/20160704/outremer html#par41

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commission

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rapporteur coordonnateur

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http://www nossenateurs fr/seance/14957#inter_3a8be2185602dc8877078c9aa3701efe