Document d'origine

Oui les alternatives techniques aux néonicotinoïdes existent

Les pesticides néonicotinoïdes compromettent les services rendus par le vivant à l agriculture

Avec l arrivée des produits chimiques fertilisants et pesticides on a considéré la parcelle agricole comme une entité qui fonctionne en vase clos isolée de son

environnement immédiat Pourtant les interactions entre la plante cultivée et le reste de son milieu sont multiples Utilisés à bon escient les processus

naturels créent des interactions bénéfiques qui favorisent nettement la productivité des cultures et la durabilité des systèmes de production agricole La mise

en pratique de l agroécologie suppose de s appuyer sur ces processus Des parcelles de taille raisonnable ainsi que le bocage agricole sont indispensables

pour qu un équilibre s établisse entre la faune et la flore On observe au contraire avec l agrandissement des fermes l extension de la taille des parcelles

sans un arbre sans une haie pour protéger le champ et la culture et assurer le gîte et le couvert à un monde vivant tellement négligé depuis des décennies

Les pesticides néonicotinoïdes détruisent ces organismes vivants qui pollinisent les plantes travaillent le sol décomposent la matière organique favorisent

l alimentation des végétaux et les défendent contre les parasites

Un nécessaire retour à une approche systémique

La diminution progressive de l usage des pesticides ne repose pas seulement sur des alternatives symétriques aux produits chimiques En effet la gestion des

ravageurs n est pas exclusivement dépendante de l existence d une solution spécifique pour un ravageur donné mais elle suppose également le retour à une

approche systémique de protection des cultures Une agriculture qui réduit fortement des pesticides est une agriculture qui remet le travail paysan et la

biodiversité au cœur de la production Cela nécessite observation connaissance du milieu et des interactions qui s y développent des auxiliaires et

prospection Le développement de pratiques qui diversifient la production et la déconcentrent sont autant d outils qui réduisent la pression parasitaire

Des solutions de luttes antiparasitaires variées

Les options de lutte antiparasitaire pour éviter l utilisation des néonicotinoïdes sont variées et peuvent inclure la diversification et modification de la rotation des

cultures les dates de semis le travail du sol et l irrigation l utilisation de variétés moins sensibles l application des agents de lutte biologique dans les zones

infestées et en dernier recours l utilisation d insecticides à risque réduit Ces options sont souvent plus efficaces lorsqu elles sont appliquées en combinaison

dans une stratégie globale de lutte intégrée

Avertissements

i

Conformément à la directive européenne sur l utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ce document vise à présenter d abord

et avant tout autre chose les méthodes et alternatives n ayant pas recours à la chimie de synthèse

Les solutions présentées ci après ne se veulent pas exhaustives Il s agit d un échantillon de solutions mises en œuvre par des agriculteurs dans leurs

champs dans différentes régions de France

Le document ne concerne pas l ensemble des cultures sur lesquelles sont appliquées les néonicotinoïdes mais se limite aux grandes cultures qui

couvrent les plus grandes superficies et à l arboriculture la question se pose différemment de par la pérennité des cultures

1

Les alternatives dans les grandes cultures

Céréales d hiver blé orge seigle sorgho

Eviter les semis trop précoces avant le 15 octobre qui favorisent le développement des pucerons vecteurs de viroses

ii

Si la présence de pucerons se situe au delà des seuils définis dans les bulletins de santé du végétal traiter en cas de besoin avec des pyréthrines

simples moins chères que les traitements néonicotinoïdes et ayant moins d impacts négatifs sur l environnement

Contre le taupin :

Effectuer un travail du sol en vue de perturber leurs cycles de développement en remontant les larves en surface pour provoquer leur dessèchement

Augmenter la densité de semis

Introduire dans la rotation des cultures peu sensibles à ce ravageur et qui limitent la ponte des œufs crucifères pois féverole

Maïs

Eviter les semis trop précoces quand la terre est trop froide

Eviter la monoculture qui favorise le développement de divers insectes taupin chrysomèle du maïs etc

Contre le taupin : alterner les cultures implanter des variétés de maïs à démarrage rapide avec adaptation de la précocité de la variété à la zone

pédoclimatique si nécessaire utiliser des engrais localisés de démarrage

Contre la chrysomèle : pratiquer des rotations de cultures voire la lutte biologique avec des nématodes

Contre la pyrale : l utilisation de trichogrammes hyménoptère parasite de la pyrale est une méthode de lutte simple fiable et efficace

Betteraves

L utilisation de semences de betterave traitées aux néonicotinoïdes permet aux agriculteurs de ne pas vérifier les attaques d insectes pendant plusieurs

mois C est pourquoi certains agriculteurs considèrent ce type de pesticides comme une " solution de confort " La mise en œuvre de recommandations

simples permet pourtant de ne pas utiliser de néonicotinoïdes tout en contrôlant les principales attaques de ravageurs

Contre les pucerons :

Ne pas semer trop tôt dans une terre froide ainsi favoriser une croissance rapide des betteraves et réduire l impact des attaques de pucerons vecteurs

de viroses jaunisse Du fait du développement en foyer les dégâts des pucerons sur le rendement des betteraves sont localisés et souvent limités

Observer la culture et utiliser si nécessaire une pyréthrine simple

Un point clef : la régulation des pucerons se fait généralement naturellement s il y a un minimum de biodiversité syrphes coccinelles chrysope

condition incompatible avec l usage des néonicotinoïdes Les pertes éventuelles seront compensées par l économie réalisée par l achat de semences

sans néonicotinoïdes

Contre le taupin :

Effectuer un travail du sol en vue de perturber son cycle de développement en remontant les larves en surface pour provoquer leur dessèchement

Quelques fertilisants naturels peuvent être utilisés pour lutter indirectement contre les insectes du sol comme le tourteau de ricin propriétés

insecticides et nématicides

Colza

L utilisation de néonicotinoïdes est dans la grande majorité des cas inutile car ne répondant pas à une quelconque impasse technique Cette utilisation

est par contre très dangereuse pour les insectes auxiliaires le colza est une plante très visitée par les insectes pollinisateurs

2

Pomme de terre

Contre les taupins plusieurs possibilités selon les conditions et les niveaux de risques :

certaines variétés de moutardes utilisées en engrais verts

le déchaumage

les purins de plantes dont le plus connu contre le taupin est celui de fougère

les tourteaux de ricin

Les doryphores sont très bien gérés avec Bacillus thuringiensis subsp Tenebrionis

Produire sans néonicotinoïdes en grandes culture c est possible sans perte économique statistiquement significative L économie

des coûts des traitements des semences par des néonicotinoïdes doit être prise en compte

Rappelons que l interdiction européenne partielle de trois néonicotinoïdes clothianidine thiaméthoxam et imidaclopride en décembre 2013 par la

Commission européenne n a pas entraîné la catastrophe qu annonçaient plusieurs organisations

Syngenta affirmait que la productivité dans les cultures clés telles que le maïs le blé d hiver l orge le colza la betterave à sucre et le tournesol pourrait

diminuer de 40% L ECPA European Crop Protection Association affirmait des pertes potentielles de rendement pouvant aller jusqu à 10% en colza et

céréales 30% en betterave sucrière et 50% en maïs Quant au COPA COGECA il renchérissait en déclarant " ce traitement améliore de manière significative

les rendements des cultures Il présente des gains économiques de quelques 4 milliards d euros favorisant l emploi dans les zones rurales de l UE "

Les chiffres des statistiques de récoltes contredisent ces affirmations voir les rapports Agreste sur maïs et colza qui montrent une augmentation moyenne des

rendements entre 2013 et 2015

De nombreuses études montrent que l utilisation des insecticides néonicotinoïdes ne provoque pas d augmentation de rendement par rapport aux mêmes

iii

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v

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cultures non traitées On dispose de comparaisons intéressantes pour le Royaume Uni le Canada l Italie les Etats Unis et l Union Européenne Enfin

l Allemagne en a interdit l usage sur céréales d hiver et continue d être le second producteur européen de céréales

3

Les alternatives pour l arboriculture

On trouve cinq grandes familles d alternatives non " chimiques " :

Les médiateurs chimiques la confusion sexuelle phéromones

Les protections physiques les filets anti insectes

Le recours aux micro organismes exemple bacillus thuringiensis Bt

Le recours aux macro organismes prédation parasitisme par les auxiliaires

Les substances naturelles huiles essentielles éliciteurs naturels extraits de plantes…

La biodiversité joue un rôle important dans la protection des récoltes Il est également important d avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l arbre

de la maîtrise de sa vigueur passant par la connaissance du sol et des sensibilités variétales

Contre les pucerons :

Les problèmes arrivent avec des variétés mises sur le marché malgré leur sensibilité aux pucerons avec des pratiques qui fragilisent le végétal et avec un

excès d azote minéral qui modifie la composition des sèves dans un sens favorisant la prolifération des pucerons

Les déséquilibres du végétal par exemple tailles trop fortes sur greffage en année 1 ou 2 vont favoriser les pucerons et particulièrement le puceron

lanigère

Les produits chimiques et l absence de biodiversité éliminant ou freinant les insectes prédateurs vont aussi mettre à mal les régulations naturelles

Pour y remédier il est recommandé d utiliser un enherbement diversifié et fleuri contenant des féveroles qui seront colonisées par des pucerons spécifiques

permettant le développement des populations d auxiliaires

On peut également utiliser de l argile calcinée comme barrière minérale répulsive pour le puceron cendré du talc des huiles blanches ou de colza sur

pommiers et aussi du pyrèthre naturel sur pêchers et pruniers

Pour les pucerons lanigères les néonicotinoïdes sont avantageusement remplacés par le lait de chaux qui protège également des chancres mais c est une

pratique peu répandue car plus chère

Contre les carpocapses et tordeuses plusieurs solutions :

Bacillus thurigensis

Carpovirusine

Confusion sexuelle

Ou filets de protection

Contre l anthonome :

Le Spinosad est efficace mais toxique pour l abeille et pour certains auxiliaires ce dernier est néanmoins moins dangereux que les néonicotinoïdes car non

rémanent

Les essais de dihydroxyde de calcium comme barrière active donnent des résultats intéressants

Favoriser l installation des prédateurs type mésanges et chauves souris est également une alternative

Des investissements à court terme à prendre en compte en arboriculture

Il est à noter que la mise en œuvre de ces alternatives peut requérir des investissements importants au moins à court terme les coûts à l hectare étant

souvent plus élevés que l usage de produits chimiques Par ailleurs à l instar des grandes cultures l observation humaine la prospection et la détection en

amont sont des moyens de lutte qui ne pourront jamais être remplacés par des machines ou des produits chimiques et qui sont indispensables pour limiter

l usage des pesticides En conclusion bien qu elles puissent poser d autres problèmes sanitaires mais moins importants ou des problèmes de coûts de

production dans certains cas les alternatives au néonicotinoïdes en arboriculture existent

4

Conclusion : accompagner l interdiction…

L urgence sanitaire et environnementale d interdire ces molécules ne peut pas occulter le débat sur les conséquences économiques de ces mesures

d interdiction pour certaines productions et une partie des cultivateurs Il est ainsi indispensable de coupler ces mesures à un soutien du monde agricole :

en prévenant les distorsions de concurrence

En effet dans un contexte de marché libre les pesticides sont parfois un outil de défense et de maintien d un revenu à peine décent Cette interdiction

française devra donc être suivie du portage politique d une harmonisation européenne de l utilisation des néonicotinoïdes A l instar d une exigence de

régulation des marchés afin de permettre le maintien et le développement d une agriculture respectueuse de la santé des humains et de l environnement

seuls des prix garantis et l assurance d accéder à un revenu décent peuvent pousser les cultivateurs à assurer une transition écologique sur leur ferme et à

prendre les risques économiques qui peuvent aller avec Les choix politiques de passage à une agriculture de qualité doivent prendre en compte la nécessité

du maintien de fermes et de cultivateurs en nombre sur l ensemble du territoire

en réorientant les fonds publics vers le soutien des modes de production agricoles plus respectueux de la santé et de

l environnement

Pour que le changement vers des modes de production plus respectueux de la santé et de l environnement devienne une réalité il est impératif de réorienter

des fonds publics destinés à l agriculture vers le soutien de ces pratiques et notamment la recherche

" Notre agriculture doit être productive tout en utilisant davantage les mécanismes naturels pour protéger à la fois les récoltes et les

personnes plutôt que de recourir systématiquement à des produits chimiques "

Stéphane Le Foll Ministre de l Agriculture vii

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Différents types d alternatives permettant de ne pas utiliser de néonicotinoïdes en grandes cultures et en arboriculture

ARBORICULTURE

MAÏS

BETTERAVE

COLZA

POMME DE

TERRE

CEREALES

D HIVER

Méthodes

agronomiques

rotations dates

de semis

irrigation travail

du sol choix de

la variété etc

x

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Substances

naturelles

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x

Microorganismes

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Macroorganismes

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Médiateurs

chimiques

confusion

sexuelle

phéromones

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Directive 2009/128/CE instaurant un cadre d action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable

Le Bulletin de Santé du Végétal est mis à disposition de tous les acteurs gratuitement sur les sites internet des Chambres régionales d agriculture et des DRAAF

Goulson D 2013 REVIEW: An overview of the environmental risks posed by neonicotinoid insecticides Journal of Applied Ecology 50 pp 977 987

iv

Geneviève Labrie1 André Rondeau2 Yvan Faucher2 Stéphanie Mathieu2 Yves Perreault2 et Gilles Tremblay1 Impact des traitements insecticides de semences sur les insectes ravageurs du

sol et sur les paramètres agronomiques dans la culture du maïs grain CERO 1 LUT 11 1582

v

Furlan L Canzi S Toffoletto R di Bernardo A :Effetti sul mais della concia insetticida del seme L informator Agrario 5/2007 p92 96

vi

FranceAgriMer Note de conjecture Oléoprotéagineux : http://www franceagrimer fr/content/download/37200/341634/file/MEP_SMEF_UGC_panorama oleopro mars2015 pdf

vii

JO Sénat du 04/07/2014 page 5480 en réponse à une question parlementaire sur l interdiction des néonicotinoïdes

ii

iii

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Éric Doligé a présenté très fidèlement les grandes lignes et les conclusions du rapport L organisation de nombreuses auditions et visioconférences a heureusement permis de compenser l absence de déplacement car tous les rapporteurs avaient déjà une connaissance approfondie des outre mer Pour simplifier et adapter le cadre normatif qui s applique aux agricultures des outre mer les efforts doivent être menés à deux niveaux : d abord en France par le ministère de l agriculture et l Anses qui commencent à prendre conscience des spécificités ultramarines mais qui doivent aller plus loin ce qui est un pas positif si l on considère le rapport que j ai rendu en 2009 sur le chlordécone puis également au niveau européen nous devons parvenir à faire évoluer les règlements communautaires qui laissent les outre mer dans l ombre Je vous présenterai d abord les mesures qui pourraient être mises en place au plan national à brève échéance L extrême fragilité des filières ultramarines confrontées à de nombreux usages orphelins doit être beaucoup mieux prise en compte Le ministre de l agriculture a créé un comité des usages orphelins outre mer et rénové le catalogue des usages agricoles pour faire officiellement toute leur place aux cultures tropicales L Anses s est dotée d un référent outre mer qui dialogue avec les filières en amont de la procédure d homologation Ce sont des évolutions intéressantes mais qui sont à elles seules insuffisantes pour remplir l objectif d une couverture à hauteur de 49 % en 2017 des besoins phytosanitaires objectif que les autorités françaises se sont elles mêmes fixé Notre première recommandation est d adapter aux spécificités des outre mer les limites maximales de résidus LMR et les conditions d utilisation qui encadrent les autorisations de mise sur le marché AMM Il est clair que les prescriptions associées à l AMM doivent être différenciées selon le climat Les conditions d utilisation dose nombre d applications cadence zones non traitées délais avant récolte ne peuvent plus être définies de façon uniforme car ce sont toujours les producteurs des DOM qui en pâtissent Pour réduire les usages orphelins et accélérer le déploiement d une couverture phytosanitaire adaptée nous préconisons d obliger les firmes pétitionnaires à joindre à tout dossier d AMM d un produit phytopharmaceutique des analyses portant sur son utilisation sur cultures tropicales En contrepartie la firme bénéficierait simultanément de l AMM et de son extension pour l usage tropical Cela réduirait immanquablement les délais et les coûts au bénéfice des producteurs ultramarins Actuellement la plupart des produits phytopharmaceutiques utilisés pour des cultures tropicales ne sont pas homologués directement pour la banane la canne l ananas ou l igname Ils sont d abord homologués pour les grandes cultures de l Hexagone comme le blé le maïs la tomate ou la pomme et suivent ensuite une deuxième procédure d extension d autorisation pour usage mineur qui permet leur utilisation sur culture tropicale Notre proposition permet de fusionner les procédures tout en forçant les firmes à fournir des données sur les cultures tropicales qui permettront à l Anses de mieux calibrer les AMM et les conditions d utilisation Ce serait une petite révolution Il nous paraît également indispensable d assurer un traitement spécifique des substances indispensables à la survie des cultures La France doit rester vigilante sur de nombreux dossiers En particulier elle doit veiller au maintien d une couverture en herbicide pour la culture de la canne et suivre à ce titre attentivement la procédure de renouvellement d AMM de l asulox À titre général il convient de faciliter les prolongations temporaires d AMM sur des produits phytopharmaceutiques indispensables pour certaines cultures fragiles comme l ananas et la mangue en cas de retrait d autorisation ou de non renouvellement faute de dépôt de dossier par une firme Le ministre de l agriculture devra aussi prendre garde à ajuster les autorisations de traitement en urgence pour s assurer que les productions ultramarines puissent effectivement en bénéficier On nous a donné l exemple d un fongicide autorisé en urgence pendant 120 jours pour protéger les plants de melon Le seul problème est que la période d autorisation d urgence fixée par le ministre de l agriculture tient compte de la récolte du melon des Charentes mais pas de celle du melon de Guadeloupe qui est décalée Les maraîchers guadeloupéens ne peuvent donc pas en bénéficier Cela fait partie des aberrations intolérables Par ailleurs nous devrions revenir sur certaines interprétations françaises des normes européennes car elles sont maximalistes par rapport à celles d autres États membres de l Union Par exemple des préparations comme les biostimulants qui sont à la frontière entre les fertilisants et les produits phytosanitaires ne sont pas évaluées de la même manière partout en Europe En France si le biostimulant a un effet sur les mécanismes de défense de la plante contre un bioagresseur il doit suivre la procédure d AMM des pesticides En revanche l Espagne et l Allemagne les évaluent comme de simples fertilisants et les font bénéficier d une procédure d autorisation spécifique beaucoup plus souple Nous proposons donc de simplifier l homologation des préparations biostimulantes en les traitant comme des fertilisants même lorsqu elles présentent des usages phytosanitaires complémentaires Un décret du 27 avril 2016 est censé apporter une amélioration à vrai dire il est très laconique et ambigu puisqu il soumet les biostimulants à une évaluation préalable de l Anses sans plus de précisions L Anses confrontée à un biostimulant à usage phytosanitaire indirect le fera entrer dans la réglementation pesticides donc il n y aura aucun progrès D ailleurs une première liste de biostimulants naturels vient d être fixée par le ministre de l agriculture mais cette liste ne reprend que les plantes médicinales déjà inscrites à la pharmacopée et énumérées dans le code de la santé publique Ce n est donc pas une avancée concrète Il sera impératif de compléter la liste des biostimulants autorisés par la mention des essences employées traditionnellement outre mer En matière d aquaculture l adaptation des normes aux conditions d activité en contexte tropical n est pas encore une réalité La réglementation française ne fait pas un sort particulier à l aquaculture ultramarine et calque la limite des rejets sur celle applicable aux piscicultures intensives de truites Les rejets de matières en suspension dans les sites d élevage de crevette en outre mer sont plus élevés que la norme à cause des conditions tropicales Mais ces matières en suspension sont constituées essentiellement de phytoplancton vivant très différent de la matière organique inerte observée en sortie de pisciculture de truite qui elle est polluante une fois rejetée en mer C est pourquoi nous préconisons de différencier les normes de rejet de matières en suspension pour permettre l essor de l aquaculture ultramarine dont le potentiel est aujourd hui bridé Nous recommandons également de faciliter la réutilisation comme matières fertilisantes des déchets verts broyats et compost dès lors que ces méthodes sont validées par les instituts de recherche Sur deux dossiers précis au niveau français il paraît d ores et déjà possible de débloquer la valorisation des déchets verts issus de la culture de la canne à La Réunion Pour cela le ministère de l agriculture doit prendre les textes règlementaires nécessaires pour déroger aux teneurs limites en nickel et en chrome en tenant compte de la composition naturelle des sols volcaniques de La Réunion 200 000 tonnes par an de déchets pourraient ainsi être valorisées à la place d engrais chimiques Au niveau national une prise de conscience générale et une mobilisation nouvelle commencent à porter quelques fruits mais il demeure facile d oublier les outre mer Par exemple le Comité national des normes agricoles créé en mars 2016 à parité entre le ministère et les syndicats agricoles doit impérativement travailler à un bilan des normes existantes en outre mer pour proposer des adaptations rapides Force est néanmoins de constater que les principaux blocages qui pénalisent les agricultures ultramarines se situent à l échelon européen En effet les RUP demeurent largement invisibles pour les autorités communautaires qui ne prennent pas en considération leurs contraintes particulières ni dans l élaboration des normes phytosanitaires ni dans l évaluation des risques En particulier l Agence européenne de sécurité alimentaire l EFSA a clairement admis devant nous que les spécificités de l agriculture des RUP n étaient pas prises en compte dans ses travaux En d autres termes les RUP restent délibérément hors du champ d investigation de l agence qui n est donc pas en mesure d infléchir ses avis ou de proposer des adaptations en fonction du contexte tropical Ainsi par exemple le potentiel de contamination des eaux souterraines par une substance active est évalué par l EFSA en considérant neuf lieux représentatifs des grandes zones de productions agricoles en Europe Le site de Châteaudun dans la Beauce est retenu pour la France Les conditions spécifiques de sols et de climat en milieu tropical ne sont donc pas considérées malgré d énormes différences qui jouent sur la diffusion des polluants En outre les évaluations d exposition des consommateurs aux résidus de pesticides sont basées sur les régimes alimentaires inclus dans un modèle appelé PRIMo qui prend en considération 22 régimes alimentaires européens pour l évaluation de l ingestion chronique et 19 pour l ingestion aiguë Aucun régime alimentaire ultramarin n en fait partie Les spécificités alimentaires des populations caribéennes ou de l océan Indien ne sont ainsi absolument pas prises en compte Il nous paraît donc amplement justifié de demander à l EFSA de compléter les référentiels européens utilisés pour l évaluation d une substance active d un pesticide pour inclure parmi les terroirs européens représentatifs un site implanté en outre mer et parmi les régimes alimentaires du modèle PRIMo au moins un régime représentatif des habitudes de consommation des populations ultramarines C est en matière d encadrement des moyens de lutte biologique appelée aussi biocontrôle que les normes européennes apparaissent les plus pénalisantes C est d autant plus surprenant que leur faible nocivité en fait une alternative de choix aux traitements chimiques Nos instituts de recherche comme l INRA et le Cirad y travaillent activement mais il semble que ce soit plus les pays tiers qui soient une fois de plus en mesure d exploiter ces techniques La question des normes applicables aux phéromones est particulièrement importante Certaines phéromones pourraient être utilisées pour compenser les usages orphelins sur les cultures fruitières et légumières des DOM L INRA a développé un moyen de biocontrôle contre le charançon de la patate douce à base de phéromones Ce type de technique a déjà été élaboré il y a 10 ans pour lutter contre le charançon de la banane Mais les phéromones sont considérées comme des substances actives au niveau européen Elles sont soumises à la procédure du règlement " pesticides " de 2009 et doivent obtenir une AMM comme n importe quel produit phytopharmaceutique Malgré une efficacité certaine la méthode de l INRA ne peut légalement être utilisée par les producteurs en l absence d AMM Pourtant cette phéromone n est pas en contact avec la culture et n est pas dispersée dans l environnement Elle présente donc un risque très faible Malheureusement la longueur et le coût de la procédure d homologation sont trop élevés pour intéresser une firme Les instituts de recherche n ont ni les moyens financiers ni la vocation de s y substituer si bien que les résultats de la recherche restent lettre morte Il en va de même en matière de substances naturelles Des produits de traitement à base d extraits d huiles essentielles autorisés en Floride ou en Californie ont été développés par l INRA et le Cirad notamment pour lutter contre le citrus greening qui décime les agrumes Ces travaux valorisent des traditions locales issues d un savoir faire ancien Des décoctions à base d arbre à pain d abricot " péi " ou de feuilles de manguier ont été testées avec succès Mais la réglementation est telle que l EFSA évalue ces substances naturelles selon une procédure similaire à celle qui s impose pour les produits chimiques Alors que nous délibérons sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages nous mesurons combien cette façon d aborder les substances naturelles est obsolète Même l agence européenne a admis lors de son audition que la règlementation européenne n était pas adaptée en la matière Nous préconisons en réponse une mesure forte pour dynamiser la lutte biologique : il faut dispenser d homologation tous les moyens de biocontrôle développés par les instituts de recherche nationaux comme l INRA et le Cirad Pour cela il faudra obtenir une révision du règlement européen de 2009 pour exclure de son champ les moyens de biocontrôle et dispenser d AMM les phéromones et les extraits de plantes dès lors qu ils ont été testés et validés comme instrument de lutte biologique par les instituts agronomiques publics Une réglementation spécifique est nécessaire pour encourager l innovation En attendant l aboutissement de la révision du règlement de 2009 nous proposons d ouvrir un financement public État régions pour soutenir directement les dossiers d approbation au niveau européen des moyens de biocontrôle développés par les instituts de recherche nationaux dans les outre mer Puis au niveau national l Anses devrait adopter une procédure allégée : sur le fondement de la caution scientifique des instituts de recherche on pourrait recourir à un simple enregistrement et à un dépôt de la substance qui vaudrait homologation Ce sont des mesures simples qui constitueraient de très grandes avancées Je conclurai sur une dernière proposition forte qui vise à la fois à réduire les usages orphelins et à rétablir une concurrence saine et loyale entre les outre mer et les pays tiers Nous recommandons de faire établir par la Commission européenne sur demande de la France une liste positive de pays dont les procédures d homologation de produits phytopharmaceutiques sont équivalentes aux procédures européennes Ensuite le ministre de l agriculture saisi par un groupe de producteurs aurait le pouvoir d autoriser un produit homologué dans un des pays de la liste pour la même culture et le même usage Des pays comme le Brésil l Afrique du Sud ou l Australie qui sont des concurrents importants pourraient faire partie de la liste positive Dans la mesure l Union européenne entame des négociations commerciales avec des pays tiers et ouvre son marché agricole il serait juste qu en contrepartie elle donne les armes adéquates aux producteurs ultramarins pour faire face à la concurrence Au moment la Grande Bretagne s est prononcée pour le Brexit le fonctionnement rigide de l Union européenne doit évoluer Notre rapport sort à point nommé C est le moment opportun pour nous d insister et d intervenir afin de diffuser largement ce rapport au delà du Sénat et même le porter au niveau européen

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http://www senat fr/compte rendu commissions/20160704/outremer html#par70

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commission

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rapporteur

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http://www nossenateurs fr/seance/14957#inter_001d23c8e1cc59827583915775219a44