Lettre ouverte aux sénateurs de Bernard Baudin, président de la Fédération Nationale des Chasseurs Monsieur le sénateur, A la veille de la troisième lecture du projet de loi sur la reconquête de la biodiversité, je tenais à vous faire part de mon point de vue, en tant que président de la Fédération Nationale des Chasseurs. Beaucoup de contre-vérités ont été formulées dans les médias ces dernières semaines, au lendemain du vote en seconde puis en troisième lecture du texte à l’Assemblée nationale. Quelques responsables politiques, et des ONG, ont dénoncé avec emphase l’intervention intempestive du lobby des chasseurs qui aurait cherché à transformer cette loi biodiversité en loi chasse. Comment est-il possible de travestir à ce point la vérité pour se donner bonne conscience ? Lors de la rédaction de ce projet de loi, la Fédération Nationale des Chasseurs a négocié en toute bonne foi, avec les ministres de l’Ecologie successifs et avec le Président de la République, afin que l’ONCFS ne soit pas fusionné avec l’Agence Française pour la Biodiversité. Comme il existe une filière agricole et une filière forestière, nous avons souhaité conserver l’autonomie de la filière chasse et de sa gouvernance. A ce titre, nous avons obtenu gain de cause avec un engagement très clair du Président de la République, François Hollande. En contrepartie, nous nous sommes engagés à ne pas profiter de ce texte pour en faire une loi chasse. Contrairement aux affirmations de la rapporteure de l’Assemblée nationale, nous nous y sommes tenus. Nous étions d’accord d’attendre une prochaine loi de simplification pour négocier un volet chasse. Lors de la première lecture à l’AN, nous nous sommes contentés de faire valoir notre vision de la biodiversité en défendant les valeurs d’usage, en plaidant pour la pluralité de la gouvernance nature et en améliorant les dispositifs censés favoriser les actions pour la biodiversité ordinaire en respectant les utilisateurs et les gestionnaires. Hélas, la culture anti chasse de certains députés Verts et de la rapporteure a conduit au dépôt de nombreux amendements totalement anti chasse. Certains de ces amendements ont été votés, en profitant de la faible présence des députés à deux jours d’un scrutin électoral qui mobilisait beaucoup de parlementaires ruraux. C’est cette tentative de détournement de la loi biodiversité en loi anti chasse qui a provoqué la colère légitime des chasseurs qui ont alors compris que la meilleure défense était l’attaque. Même l’arbitrage du Président de la République sur l’indépendance de la filière chasse, sa gouvernance, et de l’ONCFS a fait l’objet de multiples tentatives de remises en cause. Faire main basse sur les 70 millions d’euros payés directement par les chasseurs pour financer l’ONCFS était l’autre facette de cette OPA conduite au nom de la biodiversité par certains Verts et par la rapporteure, Géneviève Gaillard, avec le soutien des ONG. Heureusement la mobilisation des parlementaires de gauche et de droite à l’Assemblée comme au Sénat a mis un terme définitif à cette initiative déplorable et contreproductive. Au cours des débats, chacun a pu constater que ce sont les parlementaires sensibles à la défense de la chasse qui se sont le plus mobilisés pour que l’on engage une véritable réforme positive de la loi de 1976 sur la protection de la nature. Il est temps de mettre un terme à cette vision archaïque de la mise sous cloche de la nature pour gérer au mieux toutes les espèces et tous les espaces avec pragmatisme et bon sens. La Fédération Nationale des Chasseurs a pris des positions fortes pour l’interdiction des néonicotinoïdes entre 2018 et 2020, et pour l’interdiction du broyage des jachères pendant 90 jours au lieu des 40 jours. Ces positions claires irritent une partie du monde agricole et cela peut se comprendre. Toutefois, je constate que le monde agricole n’a pas cherché à avoir un dialogue constructif avec nous, comme si nous ne comptions pas dans ces débats environnementaux. Ce silence est tout aussi profond sur le principe de non régression dont l’impact sera pourtant très grave de conséquences, s’il est adopté. Il y a pourtant bien d’autres sujets dans cette loi qui doivent profondément inquiéter le monde agricole et sur lesquels nous sommes restés seuls en première ligne. Sur toutes les mesures du projet de loi, les chasseurs ont formulé des propositions constructives pour maintenir une gouvernance nature diversifiée avec le CNCFS, pour garantir l’indépendance des experts, pour conforter la contribution des chasseurs et des pêcheurs aux inventaires du patrimoine naturel, pour que les obligations réelles environnementales respectent les droits des tiers, pour que la création des réserves naturelles se fasse avec un dialogue réel et que les communes puissent fusionner sans que la chasse ne soit un facteur perturbant. C’est parce que la défense de la biodiversité ordinaire est dans l’ADN des chasseurs que la Fédération Nationale des Chasseurs souhaite aller plus vite et plus loin en matière de police de la chasse, de l’eau et de la nature. C’est pourquoi nous demandons avec détermination que l’on sépare les missions de police administrative et de police judiciaire et que ces dernières soient confiées à l’ONCFS. Tout le monde reconnait que l’ONCFS est un formidable atout en matière de police de la nature, car il a des personnels très compétents, qui sont à l’origine de la majeure partie des procédures judiciaires avec la Gendarmerie nationale. Hélas, tout comme les syndicats majoritaires de l’ONCFS, nous avons été particulièrement choqués par le rapport sur la mutualisation des services départementaux sur lequel la ministre s’est appuyée en troisième lecture. Ce rapport sorti du chapeau, rédigé en urgence et sous commande politique, est un modèle de la pensée technocratique qui méprise la réalité des faits. De plus, il dénigre le formidable travail des agents de l’ONCFS, au nom d’une vision « d’égal à égal » qui frôle la caricature entre l’ONCFS et l’ONEMA sur les missions de police judiciaire. Au moment où l’Etat a le devoir de se réformer, notre proposition visant à la clarification des compétences entre l’ONCFS et l’AFB, répond donc aux objectifs d’efficacité au service de la nature. Monsieur le sénateur, pardonnez-moi la longueur de mon plaidoyer, mais j’ai l’intime conviction que cette loi doit être un tournant dans notre façon de protéger la nature sans exclure les hommes et les femmes qui y vivent et qui en vivent. En vous remerciant pour votre écoute, je vous prie de croire à l’expression de mes sentiments distingués. Bernard Baudin Président de la Fédération Nationale des Chasseurs