693620 990 1ebfa05c94d9fa454d4b5289c69b9e83 Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, le monde rural évolue aujourd'hui selon un double mouvement : d'une part, une désertification toujours plus grande de certains territoires ; d'autre part, une urbanisation des espaces situés à proximité des villes.Une loi à laquelle on fixe pour objectif la redynamisation et la revitalisation du monde rural doit à la fois permettre de lutter contre la désertification de certains territoires et prévoir des protections environnementales efficaces contre un développement urbanistique sauvage d'autres territoires.Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis en deuxième lecture se présente sous la forme d'une juxtaposition de problématiques telles que le développement économique de l'espace rural, l'aménagement foncier dans les zones rurales, l'accès aux services publics ou des questions concernant plus directement l'environnement. Mais cette juxtaposition manque de cohérence.Malgré les bonnes intentions et les ambitions affichées, ce projet de loi est donc hétéroclite et ne fait pas apparaître de stratégie globale de développement du monde rural.Certes, il faut bien reconnaître quelques avancées : sociétés d'investissement pour le développement rural, ou SIDER, suppression de la taxe sur le foncier non bâti pour les espaces naturels, mesures concernant les saisonniers. Néanmoins, ce projet de loi est un texte de saupoudrage, sectoriel et surtout lacunaire puisque rien n'est prévu concrètement pour améliorer le quotidien des habitants des territoires ruraux en matière d'éducation, de transport ou de soutien à la vie associative. De nombreux exemples ont d'ailleurs été cités ce soir.En outre, toute la seconde partie du projet de loi apparaît comme une attaque en règle contre l'environnement, la biodiversité et le développement durable. Messieurs les secrétaires d'Etat, vous avez dû lire l'excellent, mais très sévère, article de Nicolas Hulot publié le 12 novembre dernier dans Libération. Selon lui, ce projet de loi remet en cause les lois montagne et littoral, deux remparts législatifs fondamentaux en matière de protection environnementale.Ainsi - et ce n'est qu'un exemple -, il élargit, dans son article 64, la possibilité de création d'unités touristiques nouvelles en montagne dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale. De ce fait, la portée de la loi montagne de 1985 s'érode peu à peu. Alors qu'elle devait garantir un « équilibre entre les aménagements touristiques, l'urbanisation, les activités agricoles et la protection de la nature », il semblerait que les intérêts particuliers d'élus et de promoteurs aient primé sur l'intérêt général et le développement durable, pourtant affiché comme l'une des priorités du chef de l'Etat.De même, ce projet de loi est corporatiste et, en particulier, favorise largement les chasseurs, à tel point que l'on peut affirmer qu'il est la cinquième « loi chasse » depuis dix ans. Et le Gouvernement ne lésine pas, car tout y passe : atteinte aux espèces protégées ; obligation d'adhérer à une société de chasse pour tout propriétaire terrien ; l'Office national de la chasse et de la faune sauvage offert aux chasseurs ; légalisation de la chasse aux gluaux et du braconnage des pigeons ramiers ardéchois ; autorisation de la chasse en automobile... Le Gouvernement a même l'audace de lier, dans un article, chasse et développement durable des territoires ruraux !Je me dois d'ailleurs de souligner le caractère anti-constitutionnel de ce projet de loi, qui est contraire à de nombreux textes internationaux.Ainsi, il contrevient tout d'abord à la convention de Berne, qui interdit la chasse aux gluaux, technique particulièrement « raffinée » !Et pour faire bonne mesure, il méprise la directive européenne Oiseaux prohibant la chasse « lors des trajets de retour vers les milieux de nidification » en classant sans discernement le ramier comme espèce nuisible.Enfin, ce projet de loi bafoue allègrement la directive européenne Habitats, qui préconise la conservation stricte des grands prédateurs - ours, lynx, loups -, dont ce texte tend à éradiquer la présence sur notre territoire au travers de son article 65 bis AC.Jeudi dernier, le ministre de l'environnement s'est engagé à doubler d'ici à trois ans la population des ours dans les Pyrénées, après la vive émotion qu'a suscitée la mort de Cannelle. Si je me réjouis de cette initiative, je ne peux que m'interroger sur la cohérence d'une telle mesure alors même que l'on étend les droits de chasse à l'ensemble des loups et des ours.Par ailleurs, ce texte paraît simplement traduire l'a recherche d'un effet d'annonce. En effet, alors que les volets consacrés aux agriculteurs ou aux services publics en milieu rural sont encore insuffisants, le Gouvernement nous promet d'en combler les lacunes dans des projets de loi à venir : loi de modernisation agricole et projet de loi sur la régulation postale actuellement discuté à l'Assemblée nationale. Autrement dit, comme à son habitude, il renvoie à plus tard des questions qui pourraient être réglées une fois pour toutes.Enfin, si le projet de loi incite, par des exonérations, au développement économique rural, aucune compensation par l'Etat n'est prévue. Il y a donc fort à parier que ces coûts supplémentaires devront, une fois de plus, être assumés par la fiscalité locale. Les élus locaux apprécieront cette nouvelle charge transférée par l'Etat...Aussi, messieurs les secrétaires d'Etat, vous ne serez pas surpris que nous souhaitions amender très fortement ce texte disparate et contraire à notre vision d'un développement durable des territoires ruraux. 1580 http://www.senat.fr/seances/s200501/s20050118/s20050118_mono.html#par_1458 1678 23324 loi 2005-01-18 524 2011-11-06 15:16:07 2011-11-06 15:16:07 http://www.nossenateurs.fr/seance/1678#inter_1ebfa05c94d9fa454d4b5289c69b9e83