NOTE sur les utilisations actuelles des néonicotinoïdes, les alternatives à ces produits, et proposition de rédaction de l’article 51 quaterdecies du projet de la loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages 16 mars 2016 I - les utilisations actuelles en France et les alternatives à l’usage des néonicotinoïdes Suite aux interdictions intervenues en 2012 et 2013, les principaux usages en France sont les suivants (voir annexe 1 pour le bilan d’usages autorisés en France par substance active) : Céréales à paille : blé, orge Surface totale cultivée en France : 5,5 millions d’hectares de blé d’hiver et de triticale, 1,2 millions d’hectares d’orge d’hiver - Traitement des semences (semences enrobées) par l’imidaclopride pour lutter contre les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse nanisante • 20% des blés, les semis les plus précoces : 1,1 million d’ha • 80% des orges d’hiver (plus sensibles) : 1 million d’ha Alternative disponible : utilisation d’insecticide foliaire de la famille des pyréthrinoïdes, par traitements à répéter dans le temps si automne doux comme 2015. • - Betteraves à sucre : Surface totale cultivée en France : 400 000 hectares Traitement des semences (semences enrobées) par l’imidaclopride et thiametoxam pour lutter contre contre les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse grave ou de la jaunisse modérée de la betterave. • 90 % des betteraves à sucres sont protégées contre les pucerons vecteurs de ces virus. Alternative : utilisation d’insecticides foliaires de la famille des pyréthrinoïdes, moins efficace et traitement à répéter dans le temps au cours du printemps et du début de l’été. Nb : avant l’arrivée de l’imidaclopride en 1992, le temik à base d’aldicarbe était largement utilisé pour cet usage, mais cette substance n’est plus autorisée depuis 1999. • - Colza : Surface totale cultivée en France : 1.5 millions d’hectares : Traitements foliaires contre les pucerons à l’automne et les coléoptères ravageurs du colza au printemps – substance active concernée thiaclopride sur 100% des surfaces cultivées Alternatives : utilisation d’insecticide foliaires de la famille des pyréthrinoïdes (avec des populations d’insectes résistants) ou organophorés ( chlorpyriphos éthyl) , moins efficace et traitement à répéter dans le temps au cours du printemps et du début de l’été. • - • - Maïs : 3 millions d’hectares potentiels Substance active concernée : thiaclopride, appliqué sur la semence contre les insectes du sol principalement les taupins. Alternative : utilisation d’insecticide dans la raie de semis de la famille des pyréthrinoïdes, peu de perte d’efficacité par rapport au thiaclopride mais perte de souplesse dans l’utilisation puisque microgranulateur nécessaire. • Arboriculture : Utilisation foliaire en lutte contre le balanin du Noisetier, insecte qui perfore les noisettes et les rend impossibles à commercialiser. Autres stratégies de protection possibles : Aucune connue à ce jour • - Cultures légumières (essentiellement tomates, concombres, poivrons sous serres et salades) et pommes de terre : usages actuels : thiamethoxam et acétamipride pour les usages les plus représentatifs, chlothianidine (sur pommes de terre essentiellement) et thiaclopride. Le thiamethoxam permet le contrôle des ravageurs souterrains (mouche des semis, mais aussi tipules et taupins), un meilleur contrôle des ravageurs aérien (pucerons, aleurodes, thrips, coléoptères phytophages), une réduction significative des interventions en traitement des parties aériennes, notamment par les pyréthrinoïdes qui représentent à l’heure actuelle près de 80 % des insecticides employés sur certaines cultures (comme le petit pois de conserve, par ex, suite au retrait du thiamethoxam en traitement de semences en 2013). L’acétamipride pour les cultures légumières permet de lutter contre les pucerons et les aleurodes. Ces deux ravageurs présentent la particularité de pouvoir développer des résistances très rapidement d’où l’importance de pouvoir disposer de produits ayant des sites d’actions différents. Les traitements de semences ne sont pas développés pour cette substance. Le retrait de cette substance poserait de véritables problèmes à la filière. L’interdiction de l’utilisation de l’ensemble des produits de la famille des néonicotinoïdes entrainerait donc un recours à d’autres insecticides, principalement les pyréthrinoïdes en traitement foliaire, avec plusieurs passages au cours de la culture, essentiellement au printemps et en été, en pleine période d’activité des abeilles. S’agissant d’insecticides, ces produits sont également dangereux pour les abeilles. Pour les producteurs de noisettes, aucune solution de remplacement n’est connue à ce jour. L’interdiction aurait pour conséquences immédiates de remettre en cause une grande partie de la production de la filière. Il apparait donc nécessaire de mener une évaluation comparative entre les néonicotinoïdes et les insecticides alternatifs qui pourraient être utilisés pour protéger les cultures concernées, concernant les risques pour la santé humaine, l’environnement et les pollinisateurs. Le ministre de l’agriculture demandera cette évaluation à l’ANSES. II – Situation dans d’autres pays européens souvent cités : L’Allemagne n’a pas interdit l’ensemble des néonicotinoïdes, que ce soit en traitement de semences pour les betteraves, en traitement du sol pour les pommes de terre ou en pulvérisation notamment sur colza, blé et orge. Concernant les traitements de semences pour les céréales d’hiver, l’Allemagne a cherché à interdire les importations de semences enrobées (beaucoup venant de France). Compte tenu des conditions climatiques hivernales en Allemagne, les pucerons attaquent beaucoup moins les cultures qu’en France (cf. carte en annexe), permettant ainsi aux céréaliers allemands de se passer sans difficulté des traitements de semences sur ces cultures. Pour interdire ces importations, l’Allemagne avait besoin d’une autorisation explicite de la Commission européenne qu’elle n’a pas obtenue dans le délai imparti. L’interdiction d’importation de semences enrobées avec des néonicotinoïdes est donc inopérante. Par ailleurs, l’Allemagne autorise encore aujourd’hui le traitement des sols par l’usage de thiaclopride et de diméthoate (usages interdits en France), cette dernière substance est signalée au niveau européen pour ses risques pour les consommateurs (effets toxiques avérés en cas de dépassement de limites de résidus chez l’enfant). L’Autriche n’a pas non plus interdit l’ensemble des néonicotinoïdes, que ce soit en traitement de semences pour les betteraves, en traitement du sol pour les pommes de terre ou en pulvérisation notamment sur l’arboriculture. L’Italie, à titre d’illustration, a interdit, comme la France, les enrobages de semences de maïs avec de la clothianidine et du thiamétoxam. Ils sont interdits, suite à la demande de la France, dans toute l’UE depuis 2013. L’Italie autorise toujours, comme la France, le thiaclopride en enrobage de semences de maïs pour lutter contre les taupins. III - Proposition de rédaction de l’article 51 quaterdecies du projet de la loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : Etant donné les éléments exposés ci-dessus, et dans le prolongement de la lettre de Stéphane Le Foll adressée aux députés le 14 mars 2016, la solution qui consisterait à interdire de manière transversale les utilisations des produits phytosanitaires contenant des substances néonicotinoïdes, en traitement de semences et en pulvérisation foliaire, ne peut pas être retenue à ce jour, sans évaluation préalable du bilan efficacité-risques pour les pollinisateurs (et la santé) entre ces produits et les solutions alternatives autorisées en France pour lutter contre les ravageurs et maladies des cultures. L’option qui consisterait à tout interdire, puis à délivrer, en cas de danger grave pour les cultures, des dérogations provisoires uniquement en pulvérisation, n’apparaît pas opérationnelle, pour plusieurs raisons : - Les enrobages de semences permettent de lutter efficacement contre certains ravageurs qui attaquent les semences elles-mêmes ou encore les racines des - - plantes, et non pas les plantes dans leurs parties aériennes (ex : taupins). Aucune dérogation une fois la plante attaquée par ses racines ou sa semence ne permettra de lutter contre ces ravageurs. Une évaluation préalable est nécessaire, qui doit être menée par l’ANSES, permettant d’éclairer le choix entre maintien de tel ou tel usage de néonicotinoïde et son alternative, au regard de leur efficacité respective et des risques qu’ils présentent sur les pollinisateurs en particulier. Les pulvérisations, au printemps et à l’été en période d’activité des abeilles, présentent des risques évidents pour les pollinisateurs qu’il semble dangereux d’écarter a priori. Il vous est donc proposé ici de soutenir la solution qui consiste à demander : - Un arrêté conjoint des Ministres en charge de l’agriculture, de l’environnement, et de la santé - Pour déterminer les conditions d’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes afin de tenir compte de l’avis du 7 janvier 2016 de l’ANSES - Et permettant d’interdire, dans ce cadre, les usages des produits pour lesquels des alternatives existent, après évaluation comparative de l’ANSES, et sous réserve que ces alternatives bénéficient d’une autorisation en France. L’arrêté interministériel pourra donc à la fois encadrer davantage certains usages et en interdire d’autres au regard de cette évaluation qui s’avère nécessaire et que le Ministre de l’agriculture s’engage à demander dans les plus brefs délais, sans placer les agriculteurs dans des impasses techniques, et en garantissant que le risque pour les pollinisateurs diminue dans notre pays. Une fois ces décisions prises en France, sur la base de données scientifiques consolidées, il conviendra de porter ces mêmes interdictions au niveau européen, comme la France l’avait fait en 2012 suite au retrait du thiametoxam sur colza. Annexe 1 : bilan des autorisations en France par substance active néonicotinoïde Acétamipride (aucune restriction au niveau européen) : 7 produits autorisés en France à destination des jardiniers amateurs, 3 produits sont autorisés à usage professionnel et bénéficiant de la mention dite « abeilles », à savoir « utilisable en période de floraison, en l’absence d’abeilles ». Pas de traitements de semences Clothianidine (restrictions au niveau européen) : 2 produits autorisés en France Pas de traitements de semences Imidaclopride (restrictions au niveau européen) : 10 produits autorisés en France, dont 5 produits avec des usages en traitement de semences (2 sur céréales d’hiver), Thiaclopride (aucune restriction au niveau européen), inscrite sur la liste européenne des candidates à la substitution : 5 produits autorisés en France, dont 1 produit avec des usages en traitement de semences (0 sur céréales d’hiver) Thiametoxam (restrictions au niveau européen) : 7 produits autorisés dont 1 produit avec des usages en traitement de semences (0 sur céréales d’hiver). Annexe 2 : Carte climatique de l’Europe en Hiver – Moyenne Température minimum en hiver Premiers gels annuels, et nombre de jours de gel http://www.plantmaps.com/interactive-germany-first-frost-date-map.php