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NOTE sur les utilisations actuelles des néonicotinoïdes les alternatives à ces produits et

proposition de rédaction de l article 51 quaterdecies du projet de la loi relatif à la

reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages

16 mars 2016

I les utilisations actuelles en France et les alternatives à l usage des néonicotinoïdes

Suite aux interdictions intervenues en 2012 et 2013 les principaux usages en France sont

les suivants voir annexe 1 pour le bilan d usages autorisés en France par substance active :

Céréales à paille : blé orge

Surface totale cultivée en France : 5 5 millions d hectares de blé d hiver et de

triticale 1 2 millions d hectares d orge d hiver

Traitement des semences semences enrobées par l imidaclopride pour lutter contre

les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse nanisante

20% des blés les semis les plus précoces : 1 1 million d ha

80% des orges d hiver plus sensibles : 1 million d ha

Alternative disponible : utilisation d insecticide foliaire de la famille des pyréthrinoïdes par

traitements à répéter dans le temps si automne doux comme 2015

Betteraves à sucre :

Surface totale cultivée en France : 400 000 hectares

Traitement des semences semences enrobées par l imidaclopride et

thiametoxam pour lutter contre contre les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse

grave ou de la jaunisse modérée de la betterave

90 % des betteraves à sucres sont protégées contre les pucerons vecteurs de

ces virus

Alternative : utilisation d insecticides foliaires de la famille des pyréthrinoïdes moins

efficace et traitement à répéter dans le temps au cours du printemps et du début de l été

Nb : avant l arrivée de l imidaclopride en 1992 le temik à base d aldicarbe était largement

utilisé pour cet usage mais cette substance n est plus autorisée depuis 1999

Colza :

Surface totale cultivée en France : 1 5 millions d hectares :

Traitements foliaires contre les pucerons à l automne et les coléoptères ravageurs

du colza au printemps substance active concernée thiaclopride sur 100% des

surfaces cultivées

Alternatives : utilisation d insecticide foliaires de la famille des pyréthrinoïdes avec des

populations d insectes résistants ou organophorés chlorpyriphos éthyl moins efficace et

traitement à répéter dans le temps au cours du printemps et du début de l été

Maïs :

3 millions d hectares potentiels

Substance active concernée : thiaclopride appliqué sur la semence contre les

insectes du sol principalement les taupins

Alternative : utilisation d insecticide dans la raie de semis de la famille des pyréthrinoïdes

peu de perte d efficacité par rapport au thiaclopride mais perte de souplesse dans l utilisation

puisque microgranulateur nécessaire

Arboriculture :

Utilisation foliaire en lutte contre le balanin du Noisetier insecte qui perfore les noisettes et

les rend impossibles à commercialiser

Autres stratégies de protection possibles : Aucune connue à ce jour

Cultures légumières essentiellement tomates concombres poivrons sous serres et

salades et pommes de terre :

usages actuels : thiamethoxam et acétamipride pour les usages les plus

représentatifs

chlothianidine sur pommes de terre essentiellement et thiaclopride

Le thiamethoxam permet le contrôle des ravageurs souterrains mouche des semis mais

aussi tipules et taupins un meilleur contrôle des ravageurs aérien pucerons aleurodes

thrips coléoptères phytophages une réduction significative des interventions en traitement

des parties aériennes notamment par les pyréthrinoïdes qui représentent à l heure actuelle

près de 80 % des insecticides employés sur certaines cultures comme le petit pois de

conserve par ex suite au retrait du thiamethoxam en traitement de semences en 2013

L acétamipride pour les cultures légumières permet de lutter contre les pucerons et les

aleurodes Ces deux ravageurs présentent la particularité de pouvoir développer des

résistances très rapidement d l importance de pouvoir disposer de produits ayant des

sites d actions différents Les traitements de semences ne sont pas développés pour cette

substance Le retrait de cette substance poserait de véritables problèmes à la filière

L interdiction de l utilisation de l ensemble des produits de la famille des néonicotinoïdes

entrainerait donc un recours à d autres insecticides principalement les pyréthrinoïdes en

traitement foliaire avec plusieurs passages au cours de la culture essentiellement au

printemps et en été en pleine période d activité des abeilles S agissant d insecticides ces

produits sont également dangereux pour les abeilles

Pour les producteurs de noisettes aucune solution de remplacement n est connue à ce

jour L interdiction aurait pour conséquences immédiates de remettre en cause une grande

partie de la production de la filière

Il apparait donc nécessaire de mener une évaluation comparative entre les

néonicotinoïdes et les insecticides alternatifs qui pourraient être utilisés pour protéger les

cultures concernées concernant les risques pour la santé humaine l environnement et les

pollinisateurs Le ministre de l agriculture demandera cette évaluation à l ANSES

II Situation dans d autres pays européens souvent cités :

L Allemagne n a pas interdit l ensemble des néonicotinoïdes que ce soit en traitement de

semences pour les betteraves en traitement du sol pour les pommes de terre ou en

pulvérisation notamment sur colza blé et orge

Concernant les traitements de semences pour les céréales d hiver l Allemagne a cherché à

interdire les importations de semences enrobées beaucoup venant de France Compte

tenu des conditions climatiques hivernales en Allemagne les pucerons attaquent beaucoup

moins les cultures qu en France cf carte en annexe permettant ainsi aux céréaliers

allemands de se passer sans difficulté des traitements de semences sur ces cultures Pour

interdire ces importations l Allemagne avait besoin d une autorisation explicite de la

Commission européenne qu elle n a pas obtenue dans le délai imparti L interdiction

d importation de semences enrobées avec des néonicotinoïdes est donc inopérante

Par ailleurs l Allemagne autorise encore aujourd hui le traitement des sols par l usage de

thiaclopride et de diméthoate usages interdits en France cette dernière substance est

signalée au niveau européen pour ses risques pour les consommateurs effets toxiques

avérés en cas de dépassement de limites de résidus chez l enfant

L Autriche n a pas non plus interdit l ensemble des néonicotinoïdes que ce soit en

traitement de semences pour les betteraves en traitement du sol pour les pommes de terre

ou en pulvérisation notamment sur l arboriculture

L Italie à titre d illustration a interdit comme la France les enrobages de semences de maïs

avec de la clothianidine et du thiamétoxam Ils sont interdits suite à la demande de la

France dans toute l UE depuis 2013 L Italie autorise toujours comme la France le

thiaclopride en enrobage de semences de maïs pour lutter contre les taupins

III Proposition de rédaction de l article 51 quaterdecies du projet de la loi relatif à la

reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages :

Etant donné les éléments exposés ci dessus et dans le prolongement de la lettre de

Stéphane Le Foll adressée aux députés le 14 mars 2016 la solution qui consisterait à

interdire de manière transversale les utilisations des produits phytosanitaires contenant

des substances néonicotinoïdes en traitement de semences et en pulvérisation foliaire ne

peut pas être retenue à ce jour sans évaluation préalable du bilan efficacité risques pour

les pollinisateurs et la santé entre ces produits et les solutions alternatives autorisées en

France pour lutter contre les ravageurs et maladies des cultures

L option qui consisterait à tout interdire puis à délivrer en cas de danger grave pour les

cultures des dérogations provisoires uniquement en pulvérisation n apparaît pas

opérationnelle pour plusieurs raisons :

Les enrobages de semences permettent de lutter efficacement contre certains

ravageurs qui attaquent les semences elles mêmes ou encore les racines des

plantes et non pas les plantes dans leurs parties aériennes ex : taupins Aucune

dérogation une fois la plante attaquée par ses racines ou sa semence ne permettra

de lutter contre ces ravageurs

Une évaluation préalable est nécessaire qui doit être menée par l ANSES

permettant d éclairer le choix entre maintien de tel ou tel usage de néonicotinoïde

et son alternative au regard de leur efficacité respective et des risques qu ils

présentent sur les pollinisateurs en particulier

Les pulvérisations au printemps et à l été en période d activité des abeilles

présentent des risques évidents pour les pollinisateurs qu il semble dangereux

d écarter a priori

Il vous est donc proposé ici de soutenir la solution qui consiste à demander :

Un arrêté conjoint des Ministres en charge de l agriculture de l environnement et

de la santé

Pour déterminer les conditions d utilisation des produits contenant des substances

actives de la famille des néonicotinoïdes afin de tenir compte de l avis du 7 janvier

2016 de l ANSES

Et permettant d interdire dans ce cadre les usages des produits pour lesquels des

alternatives existent après évaluation comparative de l ANSES et sous réserve que

ces alternatives bénéficient d une autorisation en France

L arrêté interministériel pourra donc à la fois encadrer davantage certains usages et en

interdire d autres au regard de cette évaluation qui s avère nécessaire et que le Ministre

de l agriculture s engage à demander dans les plus brefs délais sans placer les agriculteurs

dans des impasses techniques et en garantissant que le risque pour les pollinisateurs

diminue dans notre pays

Une fois ces décisions prises en France sur la base de données scientifiques consolidées il

conviendra de porter ces mêmes interdictions au niveau européen comme la France l avait

fait en 2012 suite au retrait du thiametoxam sur colza

Annexe 1 : bilan des autorisations en France par substance active néonicotinoïde

Acétamipride aucune restriction au niveau européen : 7 produits autorisés en France à

destination des jardiniers amateurs 3 produits sont autorisés à usage professionnel et

bénéficiant de la mention dite " abeilles " à savoir " utilisable en période de floraison en

l absence d abeilles "

Pas de traitements de semences

Clothianidine restrictions au niveau européen : 2 produits autorisés en France

Pas de traitements de semences

Imidaclopride restrictions au niveau européen : 10 produits autorisés en France dont 5

produits avec des usages en traitement de semences 2 sur céréales d hiver

Thiaclopride aucune restriction au niveau européen inscrite sur la liste européenne des

candidates à la substitution : 5 produits autorisés en France dont 1 produit avec des usages

en traitement de semences 0 sur céréales d hiver

Thiametoxam restrictions au niveau européen : 7 produits autorisés dont 1 produit avec

des usages en traitement de semences 0 sur céréales d hiver

Annexe 2 :

Carte climatique de l Europe en Hiver Moyenne Température minimum en hiver

Premiers gels annuels et nombre de jours de gel

http://www plantmaps com/interactive germany first frost date map php

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Monsieur le président madame la ministre monsieur le ministre mes chers collègues alertée par un agriculteur victime des pesticides M Paul François j ai sollicité du président du groupe socialiste du Sénat au début de l année 2012 la création d une mission commune d information consacrée aux impacts des pesticides sur la santé Le sujet n était pas complètement nouveau pour le Sénat Dès lors pourquoi remettre l ouvrage sur le métier Précisément parce que nous avions le sentiment d être face à un problème complexe nécessitant des investigations poussées mais aussi parce que nous sentions une évolution de la sensibilité de nos concitoyens et d abord des premiers concernés les agriculteurs sur les risques que font courir les pesticides à ceux qui les manipulent et vivent au quotidien à leur contact Dès le début des travaux de la mission au mois de mars 2012 l étendue et la complexité du champ à explorer sont apparues imposantes En effet il nous fallait confronter les enseignements de plusieurs disciplines agronomie chimie médecine biologie toxicologie écotoxicologie expologie épidémiologie droit… et rencontrer des acteurs d une grande diversité aux modes de pensée spécifiques et aux intérêts parfois divergents Avec la présidente et l ensemble des membres de la mission nous avons décidé de centrer nos travaux sur les effets des pesticides sur la santé des utilisateurs directs à savoir les personnels intervenant dans leur fabrication et leur application les familles d agriculteurs et les riverains des épandages mettant de côté les investigations sur les effets de ces produits sur l environnement et sur leur présence dans l alimentation Pour mener nos travaux nous ne sommes pas partis d une feuille vierge Nous avons pu nous appuyer sur des rapports parlementaires en particulier ceux de l Office parlementaire d évaluation des choix scientifiques et technologiques l OPESCT Je pense au rapport présenté en 2010 par nos collègues Jean Claude Étienne et Claude Gatignol mais également à d autres rapports à l instar de ceux qui furent respectivement présentés par nos collègues Gilbert Barbier en 2011 sur les perturbateurs endocriniens Catherine Procaccia en 2009 sur l emploi du chlordécone aux Antilles et Marie Christine Blandin en 2008 sur l expertise sanitaire des risques chimiques du quotidien Nous avons surtout eu le souci d écouter très largement l ensemble des protagonistes liés de près ou de loin à la question des pesticides menant près d une centaine d auditions et de dégager un consensus entre nous sur le sujet À l issue de sept mois de travail la mission a adopté à l unanimité plus d une centaine de recommandations visant à réorienter la politique des pesticides en France et en Europe Si l on a coutume de dire que le risque zéro n existe pas tendre vers cet objectif nous a paru devoir être le but des décideurs publics en la matière Je me réjouis qu une telle orientation politique ait pu être partagée entre tous les groupes qui composaient la mission lesquels au départ n avaient ni nécessairement la même vision de la question ni nécessairement la même sensibilité C est la preuve qu en écoutant les acteurs de chaque domaine concerné économique agricole scientifique sanitaire et en débattant on peut produire du consensus sur un problème qui concerne au premier chef la santé publique Je ne procéderai pas devant vous à la lente et fastidieuse énumération de toutes les recommandations de la mission : j énoncerai simplement quelques axes forts de notre réflexion et profiterai de la présence des ministres pour poser quelques questions Premier axe de réflexion de la mission : la priorité à la santé Cette priorité a constitué le fil rouge des investigations menées par la mission sénatoriale Cela pourra en étonner certains mais dans les faits à tous les stades du cycle de vie d un produit pesticide la priorité à la santé est loin d aller de soi Je prendrai trois exemples pour illustrer mon propos en suivant le cycle de vie d un produit phytopharmaceutique avant son autorisation de mise sur le marché lors de la délivrance de cette autorisation et après celle ci Avant tout engagement dans une procédure d autorisation lors des recherches tendant à l élaboration d une nouvelle molécule ou d un nouveau produit les considérations de santé sont secondaires L essentiel est de trouver un produit efficace sur les plantes les insectes ou les champignons que l on cherche à éradiquer Ces recherches sont longues dix ans de recherche en moyenne sur une nouvelle molécule et coûteuses pour les industriels qui les mènent Ce n est que dans un second temps après avoir vérifié l efficacité du produit que sa toxicité pour les utilisateurs est examinée Les recherches comprennent généralement des études toxicologiques mais devraient aussi comprendre des études immunologiques Au fond la mission a estimé que l évaluation des risques présentait trois lacunes majeures : elles ne sont pas menées sur la vie entière des animaux de laboratoire ni sur plusieurs générations de ces animaux et les résultats de ces investigations relatives à la santé ne sont pas rendus publics Notons d ailleurs que l ANSES dans son avis sur l étude du professeur Séralini consacrée à la consommation combinée de maïs génétiquement modifié traité au Roundup regrettait elle même le manque d études à long terme dans tous les processus d évaluation L autorisation de mise sur le marché est la deuxième occasion de constater que la priorité à la santé est insuffisamment prise en compte La méthodologie suivie pour la délivrance d une AMM définit une dose journalière admissible d exposition de l homme au produit dose en deçà de laquelle on est censé ne courir aucun risque Or les avancées de la science ont montré qu il est devenu précisément inadmissible de continuer à raisonner en fonction de cette notion de dose décrétée " admissible " puisqu elle n a aucune signification lorsqu il s agit de pesticides ayant comme propriété d être des perturbateurs endocriniens En effet la perturbation endocrinienne se manifeste en fonction du moment de l exposition par exemple au cours de la septième semaine d une grossesse et non en fonction de la dose reçue Cette perturbation peut même exister à une dose infime et ne pas apparaître à une forte dose Par ailleurs quelles que soient les précautions et les limites propres à une substance ou à un produit chaque individu peut être soumis à un cocktail de substances et de produits au cours d une seule journée de sa vie En réalité ce sont les effets sur la santé de ce cocktail qu il faudrait évaluer même s il faut bien convenir que cela peut se révéler difficile Sur ce point le groupe scientifique de l unité " pesticides " de l EFSA l Autorité européenne de sécurité des aliments a émis en 2008 un avis sur tous les types de toxicité combinée des pesticides Elle a conclu que seuls les effets cumulés résultant d une exposition simultanée à des substances ayant un mode d action commun étaient préoccupants Depuis 2009 le choix des pesticides devant être l objet d un examen conjoint est toujours en cours…Enfin le troisième et dernier moment cette priorité accordée à la santé nous est apparue comme insuffisamment prise en compte correspond à la période d utilisation effective des produits Durant des années d utilisation d un pesticide ni les conditions et l ampleur de son utilisation ni même les effets négatifs observés sur la santé ne font l objet d un suivi et donc ne sont réellement recensés et exploités Pourtant les agriculteurs doivent tenir un registre retraçant leur utilisation de pesticides mais ces innombrables sources ne sont pas exploitées Il existe des réseaux de vigilance censés recevoir des alertes sur les risques liés aux pesticides permettant de provoquer une nouvelle évaluation de ces produits et potentiellement de remettre en cause des AMM délivrées mais un rapport administratif récent a pointé le manque de centralisation des informations ainsi collectées et finalement les faiblesses de l évaluation des risques en continu Face à cette situation la mission commune d information recommande notamment de renforcer les obligations de remontée et d harmonisation des informations sanitaires de terrain par les réseaux existants et de centraliser les informations collectées en un lieu les alertes puissent être données et les décisions prises que ce soit à l Institut de veille sanitaire l InVS ou à l ANSES Plus d un siècle d histoire des pesticides montre que c est généralement plusieurs dizaines d années après l autorisation de mise sur le marché d un produit devenu suspect pour la santé qu est prise la décision d interdiction de fabrication de commercialisation et d utilisation Mais même à ce stade plus que tardif l interdiction a tendance à laisser encore du temps au temps : une période de restriction de l usage est prévue d abord dans la commercialisation puis dans l utilisation avant que le pesticide ne disparaisse tout à fait du commerce tandis qu il demeurera durant des dizaines et des dizaines d années dans l organisme humain ou dans l environnement L une des préoccupations majeures pour la santé publique résulte de la persistance des effets des pesticides dans le temps et parfois dans le temps long Je prends ici l exemple du chlordécone aux Antilles dont il est établi qu il peut demeurer plus de sept cents ans dans l environnement La difficulté à prendre les bonnes décisions vient aussi du fait que les effets de l exposition aux produits ne se font sentir parfois que de nombreuses années après Le lien entre le produit et la détérioration de la santé est ainsi distendu et n apparaît pas immédiatement La quantification de l effet des pesticides est malaisée mais le lien apparaît de plus en plus évident ce qui permet de présumer leur responsabilité dans l apparition de certaines pathologies Il en va ainsi de l arsénite de soude interdit depuis 2003 du fait de son rôle dans l apparition de cancers en particulier de cancers de la vessie Nous saluons aussi la reconnaissance en 2012 de la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle des agriculteurs Des liens ont en effet été établis entre l utilisation d insecticides aux propriétés neurotoxiques et cette pathologie ce qui prouve qu en la matière les mentalités évoluent La mission d information dont j ai été la rapporteur contribue sans doute à cette prise de conscience de la nécessité de mettre la santé avant toute autre préoccupation lorsque l on parle de pesticides La dangerosité de ces produits était encore il y a peu soit niée soit minimisée Leurs effets nocifs étaient trop souvent considérés comme le résultat d une mauvaise utilisation voire un mal nécessaire Depuis quelques années ce point de vue n est plus acceptable Je m en réjouis et souhaite que nous améliorions encore le suivi sanitaire des effets des pesticides Ainsi il conviendrait de généraliser les registres du cancer qui n existent aujourd hui que dans treize départements Ces instruments de suivi épidémiologique seraient d ailleurs utiles bien au delà du seul enjeu des pesticides Partant de cette priorité à la santé la mission commune d information a réinterrogé la réglementation des pesticides : c est le deuxième axe de notre réflexion Cette réglementation n est pas nouvelle et s est même renforcée au fil du temps avec désormais une forte dimension européenne aux termes de laquelle la mise sur le marché des produits s organise en deux temps Un premier temps est consacré à l évaluation des substances qui aboutit à leur homologation L harmonisation européenne en la matière est forte car le " paquet pesticides " de 2009 applicable depuis juin 2011 prévoit désormais une homologation de l ensemble des substances au niveau de l Union européenne après un processus d évaluation qui fait intervenir l ensemble des organismes nationaux d expertise sous la houlette de l EFSA Le processus garantit ainsi une vision commune des États membres et nécessite qu un dialogue permanent de la communauté scientifique s instaure Une fois les substances inscrites sur la liste de celles qui sont autorisées dans l Union européenne encore faut il autoriser les produits créés à partir de celles ci : c est le deuxième temps et c est l affaire des firmes qui se retournent vers les autorités nationales Le " paquet pesticides " a renforcé aussi l harmonisation en Europe en permettant des évaluations des produits par groupes de pays et en définissant trois grandes zones géographiques en Europe La France fait un peu office de pays de référence pour les évaluations de la zone sud en s appuyant sur l ANSES La mission ne remet nullement en cause le rôle et l excellence technique de l ANSES mais force est de constater que le dispositif d évaluation des risques liés aux pesticides souffre de plusieurs faiblesses D abord il est quasi impossible de s appuyer sur une expertise totalement indépendante des firmes phytopharmaceutiques Les experts totalement " hors sol " n existent pas et la transparence exigée sur leurs liens avec l industrie à travers les déclarations d intérêts qu ils doivent effectuer n est qu un pis aller Une nouvelle loi sur la prévention des conflits d intérêt sera peut être un jour nécessaire Ensuite les données sur lesquelles travaillent les organismes d évaluation sont fournies par les firmes elles mêmes qui ont financé et réalisé les études préalables Toute une série de biais dans les études sont possibles fragilisant les investigations sur l évaluation des risques et transformant quelque peu l évaluation publique en audit du processus d évaluation du produit effectué par les firmes Certes il semble difficile d exiger des études indépendantes avant que les produits soient soumis à la procédure d autorisation de mise sur le marché mais la mission a recommandé que pour les études complémentaires exigées après la délivrance de l autorisation de mise sur le marché l ANSES puisse choisir elle même les laboratoires chargés de les effectuer en toute indépendance De même la mission a recommandé qu un réexamen complet de l AMM puisse être effectué non plus au moment de son renouvellement décennal mais à mi parcours pour prendre en compte les effets connus en situation réelle in vivo des produits autorisésEnfin les acteurs extérieurs à l évaluation des produits sont insuffisamment associés au processus ainsi organisé Or une bonne expertise résulte de la confrontation des points de vue L ANSES ne saurait détenir seule une vérité immuable La mission recommande une transparence accrue des évaluations mais aussi un statut pour les donneurs d alerte Le Parlement pourrait se voir doté du droit de saisir directement l ANSES de demandes d évaluation ou de réévaluation des risques liés à certains produits ou à certaines substances car ce qui hier pouvait paraître inoffensif peut demain se révéler dangereux Je consacrerai le troisième axe de mon propos aux utilisations des pesticides car si la santé doit être au cœur de nos préoccupations si l évaluation doit être améliorée il faut aussi et surtout agir pour maîtriser et réduire les usages Le secteur agricole est le principal utilisateur de pesticides en France et dans le monde Cela n étonnera personne : c est l utilité de ces produits dans la protection des cultures contre leurs ravageurs qui a construit leur succès En France l agriculture consomme plus de 90 % des doses commercialisées toutes classes de produits confondues Le marché des pesticides avec un chiffre d affaires d un peu moins de 2 milliards d euros par an en France est loin d être négligeable Ces pesticides sont fortement utilisés dans les cultures maraîchères et fruitières ou encore en viticulture les achats de produits peuvent représenter entre 5 % et 10 % du chiffre d affaires des exploitations Certes il existe aussi des usages non agricoles mais ceux ci sont modestes sans être pour autant insignifiants D ailleurs la mission recommande une stricte limitation des usages non agricoles qui ne répondent pas à une logique économique mais à une logique d agrément car c est probablement sur ce segment qu une révolution des mentalités serait la plus féconde Longtemps considérés comme les produits miracle de la révolution agricole les produits phytopharmaceutiques ainsi nommés dans la réglementation commencent à être remis en cause radicalement par l agriculture biologique qui décide de se passer de la chimie minérale et ne s appuie que sur des traitements issus de préparations naturelles peu préoccupantes Sans aller jusqu à cette contestation radicale l agriculture conventionnelle est aussi traversée par un mouvement de remise en cause du " tout pesticide " Les pouvoirs publics à travers le plan Écophyto 2018 lancé en 2008 ont contribué à ce changement de mentalité Notons que ce plan malgré d importants moyens dédiés issus d une fraction de la redevance pour pollutions diffuses a pour l instant des résultats modestes Si l interdiction des trente substances les plus dangereuses en 2008 est très positive la réduction des quantités globales utilisées n est pas au rendez vous Il faut donc monsieur le ministre de l agriculture passer à la vitesse supérieure Je salue au passage votre détermination à encourager les changements de pratiques agricoles Le concept d agroécologie que vous avez mis en avant le 18 décembre dernier lors du grand colloque intitulé " Agricultures : produisons autrement " montre qu on ne doit pas opposer performance et protection de l environnement Les pesticides ne sont pas la seule voie vers la productivité À long terme leurs effets délétères sur l eau ou encore la qualité des sols peuvent avoir un effet contraire à celui qui était recherché initialement en faisant chuter les rendements Notre mission ne dit pas autre chose Les nombreuses auditions réalisées de représentants du monde agricole nous ont convaincus que l utilisation de pesticides relevait aussi d habitudes prises et elles ont la vie dure Il s agit sans doute d une pratique sécurisante mais beaucoup prennent conscience qu il existe aujourd hui des alternatives Deux exemples montrent que le changement reste cependant un combat Le premier concerne les épandages aériens Ils ne touchent que 0 3 % de la surface agricole soit moins de 100 000 hectares mais sont particulièrement symboliques Les deux lois issues du Grenelle de l environnement avaient interdit cette technique tout en laissant subsister quelques exceptions Or au printemps 2012 la mission a été alertée sur le caractère pas si exceptionnel des exceptions… Nous avons été surpris de constater que malgré l exigence communautaire d une évaluation spécifique des risques liés à cette technique plusieurs produits pourraient être utilisés durant la campagne 2012 en épandage aérien avant l évaluation les concernant La mission a souhaité qu il soit mis fin aux dérogations Elle encourage l adoption de techniques alternatives Le second exemple concerne les équipements de protection individuelle communément appelés " EPI " aussi la persistance de mauvaises pratiques montre que la prise de conscience des effets nocifs des produits manipulés n est pas encore totale Il n était pas rare il y a quelques années de voir des agriculteurs effectuer leurs mélanges sans gants et sans masques Nous n en sommes plus mais le port des équipements le recyclage des tenues usagées ne sont pas encore des réflexes pour tous Les équipements eux mêmes sont ils totalement adaptés suffisamment résistants et protecteurs Sur ce point la mission a estimé que d importants progrès pouvaient encore être faits L obligation faite à tout agriculteur et plus largement à tout professionnel devant utiliser des pesticides de disposer d un certificat délivré après une formation de deux jours dénommé " Certiphyto " est un puissant facteur de modification des comportements Mais il faut aussi travailler sur les circuits de distribution des produits La mission estime indispensable qu il n y ait aucune incitation économique à vendre plus de produits que nécessaire En ce qui concerne les jardiniers amateurs la mission est favorable à une solution radicale: elle recommande de proscrire à terme la commercialisation à destination des non professionnels des produits autres que ceux qui sont autorisés en agriculture biologique Ce n est pas l abus de pesticides qui est dangereux pour la santé et l environnement comme le disait le slogan de la campagne " Jardiner autrement " ce sont les produits eux mêmes qui posent problème En attendant d interdire leur utilisation dans les jardins des particuliers la mission recommande d en interdire la vente dans les commerces alimentaires et de garantir la présence permanente d un conseiller vendeur formé dans les rayons des magasins Pour terminer je forme le vœu c est encore de saison que la centaine de recommandations résultant des travaux de la mission adoptées à l unanimité des groupes politiques entrent en vigueur le plus rapidement possible Madame le ministre monsieur le ministre votre présence conjointe aujourd hui au Sénat témoigne de l intérêt porté par le Gouvernement à la santé Les premiers contacts pris par la présidente et par moi même à l occasion de la remise du rapport en vos ministères respectifs ont montré que vous aviez à cœur de faire entrer spontanément en vigueur de nombreuses recommandations de la mission Je suis certaine que vous nous en direz un peu plus dans quelques instants Il appartiendra ensuite aux vingt sept membres de la mission commune d information en tant que législateurs d agir pour que les recommandations restantes puissent être concrétisées C est seulement ainsi collectivement que nous permettrons l amélioration de la protection des fabricants et des utilisateurs de pesticides tout en préservant les riverains et les familles des professionnels d une exposition parfois dangereuse Pour terminer tout à fait je tiens à adresser mes remerciements les plus chaleureux au président du Sénat aux présidents des commissions aux fonctionnaires qui nous ont accompagnés durant ces sept mois ainsi qu aux membres de la mission particulièrement à ceux qui ont organisé des déplacements très instructifs dans leur département Nous devons tous avoir conscience que nous sommes également des acteurs d une réduction de l emploi des pesticides sur nos territoires dans nos collectivités Certaines d entre elles ont déjà purement et simplement supprimé le recours à ces produits Je formule le souhait que de tels comportements se généralisent rapidement Mes remerciements s adressent également de nouveau aux ministres ainsi qu aux personnes entendues par la mission à Paris et en province dont certaines venues de loin et en dépit de la neige sont présentes aujourd hui dans les tribunes Nombre d entre elles nous ont déjà fait part de leurs réactions toujours constructives face au rapport d information lequel je le rappelle constitue non un aboutissement mais un point de départ

340

http://www senat fr/seances/s201301/s20130123/s20130123_mono html#par_147

8862

37751

loi

2013 01 23

271

rapporteur de la mission commune d information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l environnement

2013 01 26 04:16:20

2013 01 26 04:16:20

http://www nossenateurs fr/seance/8862#inter_43509254b9e414bacd04c92247cb9de2