1132922 1732 b7267e8613153532ec69e6a6edfcaf6b Dans ce contexte, la loi du 8 décembre 2011 a tenté de durcir un peu plus les contraintes illégitimes imposées aux agriculteurs qui sortent du circuit traditionnel de la semence industrielle. Le groupe CRC s’était opposé à l’adoption de cette loi, exprimant des désaccords profonds sur plusieurs de ses articles.Au-delà de l’importance des semences fermières et paysannes en termes de diversité biologique et de réduction des intrants, toute restriction à l’utilisation par un agriculteur des semences issues de sa propre récolte constitue, sur le plan juridique, une atteinte au principe de partage des avantages, garanti par le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ou TIRPAA, alors même que les obtenteurs en bénéficient.C’est pourquoi je voudrais maintenant revenir plus en détail sur ce qu’a été la position du Parlement français en 2011, pour que nous puissions débattre de ce qu’elle sera demain.J’évoquerai six points qui nous intéressent particulièrement, au regard des discussions que nous avons menées avec plusieurs associations, syndicats ou chercheurs qui travaillent sur ces questions.Premièrement, les semences de ferme devraient, par principe, être autorisées. Elles sont depuis des siècles à la libre disposition des sélectionneurs qui en ont tiré profit. L’agriculteur paie l’obtenteur au moment où il achète la semence certifiée et c’est suffisant. Il serait donc nécessaire de modifier l’article L. 623-4-1 du code de la propriété intellectuelle, afin de limiter la protection du COV aux reproductions ou multiplications « sous forme de variété fixée conservant l’ensemble des caractères distinctifs » de la variété en cause.Deuxièmement, j’évoquerai la qualification de contrefaçon : la loi de 2011 qualifie l’utilisation de semences de ferme hors des cas prévus à article L. 623-24-1 du code de la propriété intellectuelle de « contrefaçon » de variétés commerciales, et étend les sanctions au produit de la récolte, alors que ces semences n’en reproduisent pas l’ensemble des caractères distinctifs et que le produit des récoltes n’est pas vendu sous la dénomination variétale. Sauf si ces deux conditions sont remplies, nous estimons que le régime de la contrefaçon ne devrait pas s’appliquer. En conséquence, il convient de limiter l’application du régime de contrefaçon prévu à l’article L. 623-24-4 du code de la propriété intellectuelle.Troisièmement, comme je l’ai exposé tout à l’heure, selon le droit européen, il revient au titulaire du certificat d’obtention végétale de prouver qu’une personne n’aurait pas respecté les droits attachés à ce certificat. Cela pose un certain nombre de difficultés d’application qui nous arrangent, mais qui créent une instabilité juridique dangereuse.Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2011, l’article L. 661-9 du code rural précise désormais que « toute personne physique ou morale exerçant une activité de production, de protection, de traitement ou de commercialisation des matériels mentionnés à l’article L. 661-8 déclare son activité à l’autorité compétente pour le contrôle ». En application de cette disposition, les autorités disposeront d’une liste exhaustive de tous les producteurs de semences de ferme ainsi que des espèces cultivées par chacun d’entre eux, éventuellement même des variétés.Ainsi, on facilite le contrôle des obtenteurs et on crée une présomption de contrefaçon à leur bénéfice. En effet, cette information pourrait leur être transmise.Mes chers collègues, je vous rappelle que « les organismes officiels » sont autorisés par le règlement européen de 1994 à fournir toute information pertinente si « cette information a été obtenue dans l’exercice normal de leurs tâches, sans charge ni coûts supplémentaires ». En séance, en 2011, le ministre de l’agriculture avait bien précisé que le dispositif ne créait aucune charge financière, s’assurant ainsi de la légalité de la transmission future des renseignements.Nous proposons, dans le respect des exigences de traçabilité et du droit de semer, de limiter le dispositif, donc la déclaration, aux règles concernant « la sélection, la production, la protection, le traitement, la circulation, la distribution, l’entreposage », en vue de la commercialisation des semences, des matériels de multiplication des végétaux, des plants et plantes ou parties de plantes destinés à être plantés ou replantés.Cette mention est importante, car la loi de 2011 a également étendu l’application de cet article à tout plant « destiné à être planté ou replanté ». Autrement dit, l’agriculture vivrière et le jardinage amateur sont également concernés !Quatrièmement, comme vous le savez, la loi de 2011 prévoit – cette disposition est codifiée à l’article L. 623-24-3 du code de la propriété intellectuelle – la mise en place d’un double mécanisme pour déterminer le montant et les modes de collecte de l’indemnité qui serait due par les agriculteurs produisant des semences de ferme.Ce faisant, elle s’inspire largement de l’accord sur le blé tendre. Dans le cadre de cet accord, il appartient aux agriculteurs qui estiment ne pas être redevables de la cotisation volontaire obligatoire, de demander son remboursement, ce qu’ils ne font jamais, par manque d’information. Ainsi, un agriculteur qui ferait du blé tendre à partir de semences qui ne seraient pas ou plus protégées par un COV, paie automatiquement la cotisation et c’est à lui de prouver qu’il n’aurait pas dû l’acquitter !De plus, la loi prévoit que ses conditions d’application puissent résulter d’un accord interprofessionnel. On peut alors se demander s’il est légitime de déclarer opposable à tous un accord signé seulement par certains.Cinquièmement, nous aimerions préciser la question des échanges de variétés protégées, strictement interdits aux termes de la loi. On peut imaginer – il nous semble que c’est un minimum – que de tels échanges soient permis en cas de pénurie, en limitant les volumes échangés à un tonnage déterminé. Bien sûr, nous exigeons une autorisation bien plus large lorsqu’il s’agit de semences paysannes, tout en étant ouverts sur une limitation territoriale.Sur cette question des échanges, il est très important de garantir la traçabilité des semences. Cependant, cela ne signifie pas qu’il faille interdire tout échange de semences paysannes.À ce sujet, il semblerait que la direction générale de la santé et de la protection des consommateurs ait suggéré, à l’article 2 de son projet de règlement sur les semences, d’exclure du champ d’application du catalogue certaines activités. On lit ainsi :« Ce règlement ne s’applique pas aux matériels de reproduction :« a) destinés uniquement à des fins de sélection ;« b) destinés uniquement à des fins de test ou scientifique ;« c) destinés uniquement à, et entretenus par, les banques de gènes et les réseaux de conservation des ressources génétiques associées à des banques de gènes ;« d) échangés en nature entre des personnes autres que les opérateurs. »Or les banques de gènes et les réseaux associés ne font, à ce jour, que de la conservation. Il serait intéressant de considérer que la gestion dynamique à la ferme est une méthode de conservation en soi. La réserve prévue au point c), si elle était étendue à la conservation in situ, autoriserait les échanges de semences entre agriculteurs membres de tels réseaux.De plus, nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement sur la proposition visant à permettre les échanges « en nature entre des personnes autres que les opérateurs ».Selon nous, les agriculteurs qui produisent non des semences commerciales, mais uniquement des semences de ferme ou paysannes, ne doivent pas être qualifiés d’opérateurs et devraient donc pouvoir échanger leurs semences sans appartenir aux réseaux formels évoqués précédemment. La remarque vaut d’autant plus que les échanges de petites quantités de semences ne résisteront pas plus aux lourdeurs administratives qu’aux coûts financiers générés par l’inscription au catalogue.Sixièmement, et enfin, des agriculteurs et des paysans nous ont fait part de leurs inquiétudes en ce qui concerne la définition de la variété retenue à l’article L. 623-2 du code de propriété intellectuelle.En effet, les caractères qui définissent ces variétés au sens du COV s’imposent aussi pour l’inscription au catalogue. Leur développement reste donc limité aux échanges informels entre les agriculteurs, alors qu’il serait utile, à côté des variétés industrielles, de les développer. Nous portons aujourd’hui au débat cette question de l’ouverture des critères pour l’inscription au catalogue des variétés population. Ce sont les variétés formées par la reproduction en pollinisation libre, avec ou sans sélection, d’une population naturelle ou artificielle.Face à toutes ces problématiques, face aux incursions de la spéculation financière dans le domaine de la connaissance, c’est toute notre filière industrielle de semences qui est en sursis.C’est pourquoi, des chercheurs ou obtenteurs, en passant par les trieurs à façon, les agriculteurs faisant de la semence de ferme et ceux qui utilisent des semences industrielles ou des semences paysannes, tous doivent travailler ensemble pour s’entendre sur une réglementation qui prenne en compte les intérêts de chacun. Et c’est possible ! Peut-être nous direz-vous, monsieur le ministre, comment vous pensez organiser cette nécessaire concertation. Tous les syndicats agricoles seront-ils associés ? 220 http://www.senat.fr/seances/s201303/s20130327/s20130327_mono.html#intv_par_715 9132 38770 loi 2013-03-27 203 2013-03-30 04:13:32 2013-03-30 04:13:32 http://www.nossenateurs.fr/seance/9132#inter_b7267e8613153532ec69e6a6edfcaf6b