1022008 1122 ab526b8a08e65744965178478d77412c Il y a des sujets sur lesquels l'INRA ne travaille pas, où qui restent encore un point d'interrogation pour la science. Je suis directeur scientifique adjoint du secteur agriculture. Je suis généticien et ingénieur de formation. J'ai quelques connaissances en termes de sélection de la variété. Dans le cadre de l'INRA et de mes fonctions, je suis chargé de la coordination de nos travaux relatifs à Ecophyto. Je connais à peu près l'ampleur du chantier et la diversité des actions menées. Par ailleurs, j'exerce deux autres fonctions qui concernent l'action que vous abordez. En effet, je travaille au sein du comité technique paritaire de la sélection (CTPS), une instance au service du ministère de l'agriculture, qui porte sur l'inscription des variétés et la réglementation applicable aux semences. Je suis président de la section sur les fourragères et les gazons, et président du comité scientifique qui gère les appels à projets et rédige des avis pour le CTPS. En outre, je préside le comité d'orientation scientifique et technique (COST) de l'Association de coordination technique agricole (ACTA), qui chapeaute l'ensemble des instituts techniques des filières végétales et animales en France. Dans le domaine végétal, les pesticides, ou, plus largement, la santé des cultures sont une préoccupation centrale, au regard du Grenelle de l'environnement et du défi que symbolise Ecophyto, qui vise à réduire de 50 % l'usage des pesticides. Il s'agit de rendre les productions agricoles sinon plus durables, au moins respectueuses de l'environnement, tout en maintenant la productivité et en réduisant le risque pour la santé des agriculteurs. Certes, l'une des premières raisons de l'utilisation des pesticides est la production, par la suppression des maladies des plantes. Cependant, les pesticides ont acquis une grande place dans la pratique car ils permettent, à des coûts relativement bas, de sécuriser la production. En effet, comme tout acteur économique, les agriculteurs ont une aversion au risque. L'utilisation des pesticides était donc un moyen sinon de réduire l'aversion au risque, au moins de répondre à la préoccupation relative à la sécurisation de la production.Dans le même temps, un certain nombre d'effets potentiels de ces pesticides sur l'environnement et la santé étaient mal mesurés, mal documentés et inconnus. A visée initialement curative, l'utilisation des pesticides est devenue préventive. Ce faisant, un certain nombre de difficultés et d'impasses ont été créées, suscitant la préoccupation environnementale et sanitaire qui anime votre mission et que nous ne pouvons que partager. En outre, l'utilisation des pesticides se retourne contre l'objectif recherché. En généralisant l'utilisation de certains produits phytosanitaires, nous avons créé nos propres impasses. Aujourd'hui, se pose la question de la gestion durable de la santé des cultures : comment développer des techniques, des pratiques et des variétés à l'échelle d'un système de cultures, d'une succession culturale, voire d'un territoire agricole ? Comment réfléchir sur les pratiques et les éléments de gestion pour que le mode de protection devienne durable, pour que les moyens mis en oeuvre ne s'effondrent pas ? Certaines variétés deviennent résistantes aux herbicides utilisés. Le dernier herbicide a été découvert il y a vingt ans. Depuis, les molécules ont été affinées mais nous n'avons pas créé de nouveau mode d'action. Nous avons donc engendré des impasses. Par conséquent, la seule solution pour éviter de créer une impasse est de concevoir des systèmes qui empêchent la constitution de résistances aux herbicides et aux systèmes associés. Cet exemple est également valable pour les insecticides, les fongicides etc. Nous devons imaginer des agricultures nouvelles pour atteindre cet objectif. Telle est la mission de l'INRA. Le plan Ecophyto a été l'occasion pour nous de mettre nos recherches en perspective, de les traduire, les réorganiser et développer des travaux interdisciplinaires, afin de développer un nouvel outil. Les sensibilités aux maladies sont la première cause d'utilisation des produits phytosanitaires sur les blés. Les premiers travaux visant à améliorer la résistance génétique aux maladies datent des années 1970. Pendant trente ans, nous avons prêché dans le désert. Nous nous sommes intéressés aux résistances aux maladies d'une espèce voisine. Par croisement avec le blé cultivé, nous avons réussi à rapatrier des résistances aux maladies - en particulier des résistances aux rouilles. Nous avons créé un premier géniteur, qui n'a pas remporté de succès commercial - en raison d'un défaut. Depuis, ce sujet est devenu une préoccupation globale. Les blés issus de ce premier géniteur se situent désormais en haut du marché. Maintenant, toute la sélection a repris notre vision des choses. Aujourd'hui, dans le cadre d'un métaprogramme visant à développer les actions interdisciplinaires, nous nous sommes assigné trois thèmes de réflexion :- comment combiner de façon intelligente, dans le cadre d'une production intégrée, le déploiement des variétés avec les autres leviers que sont les méthodes de production ? Par exemple, il est possible de rendre le blé moins sensible aux maladies en décalant les semis ;- la dynamique des maladies ;- combiner en permanence la dimension biotechnique avec la dimension économique. A l'INRA comme ailleurs, il est nécessaire de décloisonner les sciences dures et les ex-sciences dites molles.Ces trois axes poursuivent un même objectif : il s'agit de faire en sorte que notre gamme de solutions assure une résistance durable aux maladies. Depuis très longtemps, l'INRA travaille à la création de variétés de vignes résistantes à l'oïdium et au mildiou. Malheureusement, la résistance n'était portée que par un seul gène. Nous avons donc refusé de déployer ces variétés, au grand dam des producteurs. En effet, ce n'était qu'une solution à court terme. Si nous avions développé de telles variétés, le gène de résistance se serait effondré et n'aurait jamais pu être réutilisé. Or, nous cherchons à proposer des solutions durables. En aucun cas, nous ne cherchons à opposer agriculture biologique et agriculture conventionnelle, car ces deux gammes de pratiques agricoles ont chacune leur légitimité. Avant tout, nous devons fournir des connaissances scientifiques qui nous permettent de comprendre la problématique, puis d'offrir des solutions qui soient mobilisables par toutes les gammes de l'agriculture. 2320 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20120528/mci_pesticides.html#par146 8343 35794 commission 2012-05-29 4385 2012-08-04 04:14:57 2012-08-04 04:14:57 http://www.nossenateurs.fr/seance/8343#inter_ab526b8a08e65744965178478d77412c