1104550 1857 006d70c19287116c5967d9f49351df92 Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, les travaux de notre mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement ont été passionnants.Je ne rappellerai pas les chiffres illustrant l’importance de notre travail, tout particulièrement celui de la rapporteur de notre mission commune, Nicole Bonnefoy, et de sa présidente, Sophie Primas.Je tiens à saluer l’ambiance faite d’entente, d’écoute et d’échange dans laquelle nous avons mené nos travaux, qui ont été encadrés par une équipe administrative particulièrement motivée.Pour les sénateurs de la mission commune d’information, il s’agissait de s’immerger dans un sujet extrêmement technique et vaste pour parvenir ensuite à une analyse partagée de la situation et à des préconisations utiles.Nous avons donc orienté et concentré notre attention sur les personnes en contact direct avec les substances et produits pesticides, qu’ils soient riverains de l’industrie ou de l’agriculture, épandeurs professionnels, paysagistes, particuliers ou encore salariés des collectivités.Dans cette intervention, mon but est non pas d’exposer l’ensemble des problèmes relevés ou des recommandations formulées, mais plutôt d’insister sur certains enjeux que j’ai jugés essentiels.En premier lieu, sur le terrain, nous faisons le constat d’une dépendance aux pesticides encore forte.Ensuite, nous relevons l’absence, pour le consommateur, de garanties sur la qualité des produits commercialisés et des distorsions de concurrence, intracommunautaire comme extracommunautaire.Pour finir, il faut mettre en œuvre des outils de prévention : les lanceurs d’alerte et l’action collective.Tout d’abord, je rappelle que le rapport est le résultat d’un travail engagé sous l’angle de la santé. Il ne fait aucun procès à l’agriculture et ne vise pas à formuler des préconisations sur ce qu’elle doit être.Beaucoup d’efforts sont réalisés par les agriculteurs depuis plusieurs années pour réduire la dépendance aux pesticides, notamment à travers le plan Écophyto 2018 ou la formation Certiphyto, afin d’atteindre une agriculture toujours plus raisonnée.Nous avons relevé une évolution vers plus d’agrobiologie soucieuse du soin de la plante et de la terre, et vers une moindre dépendance à l’égard du chimique.Cet exercice vers la réduction des pesticides reste pourtant difficile ; leur usage est encore culturel !Chez les consommateurs, des habitudes liées à l’apparence se sont installées ; nous ne souhaitons pas trouver de pucerons dans les salades ni de limaces dans les haricots verts. Il en va de même pour les taches sur les fruits, qui ne sont pas acceptées.Quand on interroge les agriculteurs qui travaillent pour les grands groupes de transformation alimentaire, nous constatons que les exigences sont extrêmement précises pour la production industrialisée. Les auditions auxquelles nous avons procédé au titre de la mission commune d’information n’ont cessé de nous rappeler ces réalités.Sur le terrain, les dangers de toutes origines menacent les récoltes. Un insecte ravageur, la drosophile suzukii, apparu l’an dernier, a durement touché les fruits rouges, notamment dans le Lot-et-Garonne, pour les fraises sous serre. Ceux qui ont abandonné le label biologique et sont passés à un traitement chimique ont sauvé leur production, mais, sans insecticide, il était impossible de lutter contre ce parasite émergent.Autre exemple entendu durant nos travaux, un agriculteur travaillant pour une grande marque commerciale a été obligé d’importer des salades d’Espagne en pleine saison alors que, en matière de lutte contre le puceron de la salade, la réglementation française impose une distinction entre les différents types de salade – laitue, batavia, mâche, etc. –, le reste de l’Union européenne s’en tenant au terme générique de « salade ».Ainsi, en 2011, la coopérative pour laquelle travaille cet agriculteur a perdu plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires faute d’autorisation d’utiliser des produits de lutte contre le puceron.Les situations évoquées précédemment illustrent certaines réalités auxquelles font face les producteurs. La réduction des pesticides, vers laquelle nous essayons de tendre en France, est source d’importantes et d’inquiétantes distorsions de concurrence.Surtout, les disparités dans les législations ne permettent pas, à ce jour, d’apporter des garanties et des informations claires aux consommateurs quant aux produits vendus.À cet égard, il faut déjà distinguer les disparités que nous rencontrons.Premièrement, il existe des disparités avec les pays extracommunautaires. Il est inacceptable, par exemple, que l’on puisse importer des légumes qui ont été traités avec des produits interdits dans notre pays et dans l’Union européenne depuis des années ! L’objectif d’interdiction de commercialisation de tels produits agricoles en France doit être fixé. Sans cela, la politique sanitaire nationale n’aura aucun effet et ne pourra pas être lisible.Deuxièmement, il existe des disparités avec les États membres de l’Union européenne. Depuis l’adoption du « paquet pesticides », nous constatons une très nette amélioration et un encadrement de plus en plus strict au sein de l’Union – ce point a été évoqué par M. le ministre. Cependant, il demeure indispensable de réviser les modalités de coopération transfrontalière intra-européenne, car nos règles sont souvent plus restrictives que la directive et pénalisent donc les producteurs français.En bref, aujourd’hui, des produits agricoles peuvent être commercialisés en France bien qu’ils aient été traités en amont dans d’autres pays avec des pesticides dont l’utilisation est interdite dans l’Hexagone !Si rien ne change, on ne trouvera plus sur les étals que des cerises étrangères, parce que nos autorités tardent à homologuer telle ou telle molécule pourtant agréée au niveau européen.Monsieur le ministre, vous avez été interpellé cet automne sur le problème de la conservation des pommes, qui sont traitées au Portugal avec des produits interdits en France. Or ces pommes se retrouvent sur les étals français. Il y a urgence à harmoniser les procédures d’autorisation de mise sur le marché !De plus, les producteurs français ne peuvent tirer avantage de leur usage modéré de pesticides. En effet, quand ils font de la publicité collective, réalisée en partie ou en totalité avec des fonds européens, ils n’ont aucunement le droit de mettre en avant leur « label France » et la qualité qui en résulte.Un autre aspect doit être également renforcé : la coopération transfrontalière en matière de fraude.Comme il est indiqué dans le rapport, actuellement, « les services voient leur action gênée par la combinaison de deux facteurs distincts : le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne et l’atonie dont font preuves les autorités du pays où le produit a été fabriqué ».Le système européen d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, ou « système SARDANE », fondé sur le règlement (CE) n°178/2002 du Parlement européen, peut constituer un exemple à suivre puisqu’il a démontré son utilité en matière de fraudes alimentaires, avec des commissions rogatoires exécutées dans des délais records.Ces modalités pourraient être appliquées à la lutte contre la fraude à la législation sur les pesticides. Cela nécessiterait, sans doute, l’élaboration d’un nouveau règlement.Il est un dernier enjeu que j’évoquerai, le renforcement des actions d’encadrement, de régulation et de lutte contre les fraudes de l’usage des produits phytosanitaires grâce à des outils de prévention.Nous devons veiller à ce que les lanceurs d’alerte, acteurs essentiels pour l’identification des atteintes à la santé, puissent bénéficier d’une protection juridique solide.Cette protection est, certes, engagée sur le plan international comme en droit français, mais la logique doit désormais être poussée jusqu’à son terme. C’est ainsi que, dans les recommandations du rapport, nous avons préconisé l’adoption d’une loi qui viserait à appliquer à tous les cas d’alerte donnée de bonne foi le dispositif déjà introduit dans la loi relative à la lutte contre la corruption en 2007 et dans la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé en 2011.Je vois un deuxième outil de prévention dans l’action collective dans le domaine de la santé afin d’obtenir réparation de préjudices matériels, corporels ou moraux.Ce dispositif permettrait de faciliter l’accès aux actions judiciaires. Bon nombre de victimes hésitent le plus souvent à engager de telles procédures en raison de la complexité des faits à démontrer, du coût des expertises ou encore de la durée du contentieux. L’exemple de M. François illustre cette observation, car il a eu les plus grandes difficultés à apporter les preuves du danger auquel il a été exposé. Il a également eu du mal à prouver les conséquences de cette exposition sur sa santé.L’action de groupe serait donc un bon outil de prévention. Elle inciterait les industriels à être plus rigoureux quant à l’évaluation et, surtout, au suivi des produits. Elle serait aussi efficace en termes de préconisation sur les modes d’utilisation ou de protection requis par ces substances.Agissant telle une pression positive, l’action collective serait alors une sorte de « protection publique » qui produirait certainement davantage de résultats préventifs que de contentieux judiciaires.Comme nous pouvons le constater, le travail effectué au cours de ces derniers mois est transversal. Il touche, entre autres, des problématiques agricoles, scientifiques ou encore juridiques. Mme la ministre a insisté sur ce point.C’est pourquoi, afin d’établir une expertise complète et indépendante, nous avons appelé de nos vœux la mise en place d’un comité interministériel qui rendrait ses avis publiquement.Plusieurs ministères sont concernés par le sujet ; il me semble, cependant, qu’en termes d’impact des pesticides le ministère de la santé devrait être le chef de file du dispositif de prévention afin d’impulser une politique plus responsable et plus globale. Comme vous le voyez, madame la ministre, le cœur de la mission penche pour vous ! 680 http://www.senat.fr/seances/s201301/s20130123/s20130123_mono.html#par_308 8862 37751 loi 2013-01-23 347 2013-01-26 04:16:49 2013-01-26 04:16:49 http://www.nossenateurs.fr/seance/8862#inter_006d70c19287116c5967d9f49351df92