1104628 1485 886de9873f6a8dd7b9e6e673d0936bd2 Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du rapport très complet de notre collègue Fabienne Keller sur les maladies infectieuses émergentes.Comme Mme la rapporteur l’a très bien démontré, ces maladies constituent de nos jours une menace réelle et permanente : elles touchent et mobilisent aussi bien les pays du Nord que ceux du Sud. La lutte contre ces maladies nécessite donc la mobilisation des puissances publiques. Recherche, information, coordination et prévention doivent être les maîtres mots en la matière.Une maladie infectieuse émergente peut aujourd’hui se définir comme une entité clinique d’origine infectieuse nouvellement apparue et identifiée ou comme une maladie infectieuse connue dont les caractéristiques évoluent dans un espace ou au sein d’un groupe de population.Les derniers travaux sur les causes de l’émergence montrent des interactions multiples et rapidement changeantes entre différents facteurs, comme l’hôte, l’agent infectieux, l’environnement, le tout sur fond de grandes diversités biologiques.Face à ces risques infectieux, la surveillance des maladies évolue et doit s’orienter en amont, c’est-à-dire vers les signes cliniques, les agents infectieux, les vecteurs, le monde animal et l’environnement, afin d’anticiper l’apparition de situations à risque d’émergence ou de réémergence. C’est dans cette perspective que le renforcement de la collaboration avec les institutions et réseaux internationaux est indispensable, voire décisif.Une approche globale apparaît alors nécessaire pour mieux comprendre ces multiples évolutions et y faire face. Nous devons combiner nos forces, celles des pays du Nord, disposant d’outils et de moyens, et celles des pays du Sud, zones plus propices à l’émergence.Cette émergence s’effectue chez l’homme en deux étapes : par l’introduction surprise d’un nouvel agent pathogène et par la dissémination dans une population non immunologiquement préparée.Notons, mes chers collègues, ainsi que l’a fait Fabienne Keller, que, entre 1940 et 2004, plus de 335 maladies infectieuses ont été découvertes. Les causes sont toujours les mêmes : baisse de la vigilance des systèmes de contrôle, acquisition de mécanismes de résistance aux médicaments anti-infectieux et modification de l’écosystème due à la déforestation, à la création de zones suburbaines ou au déplacement de populations.Bien évidemment, d’autres éléments sont à prendre en compte : la mondialisation des échanges, l’augmentation du commerce international des aliments, l’essor de l’écotourisme, les contacts rapprochant l’animal de l’homme – les animaux sont à l’origine de ces infections dans plus de 70 % des cas ! –, l’utilisation de virus infectieux à des fins terroristes, comme cela a été dit précédemment, et les changements climatiques. Nous pourrions également citer, dans une moindre mesure, la dégradation des infrastructures de santé publique, devenues incapables de faire face aux besoins de certaines populations.Face à cette situation, l’OMS a développé et coordonné en 2000 le réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie, qui relie plusieurs réseaux de surveillance, et dont l’objectif est de détecter les maladies infectieuses émergentes, de déterminer leurs menaces potentielles pour la santé publique et d’établir des interventions efficaces.Certains de ces réseaux sont spécifiquement conçus pour repérer des évènements inhabituels, qu’ils soient d’origine naturelle, accidentelle ou volontaire. Les épidémies les plus fréquemment notifiées ont été le choléra, la grippe, le SRAS, la méningite, les fièvres hémorragiques virales, la peste, la fièvre jaune et les encéphalites virales.On peut se demander si les progrès dans le domaine de l’hygiène et de la santé publique peuvent faire espérer une diminution de la mortalité par maladies transmissibles dans les pays en voie de développement. Malheureusement, des résultats ne pourront être obtenus que si l’on n’assiste pas à l’émergence de nouvelles infections ou à la réémergence de maladies actuellement contrôlées et, surtout, si aucune résistance majeure aux antibiotiques et aux antiviraux ne s’installe.Par ailleurs, l’explosion démographique et l’urbanisation anarchique provoquent de profonds bouleversements, qui sont à l’origine de pathologies transmissibles. Certains des nouveaux agents qui ont été détectés au cours des vingt-cinq dernières années posent désormais de sérieux problèmes de santé publique à l’échelle locale, régionale ou mondiale.Nous sommes également confrontés à un autre problème de santé publique : l’augmentation rapide du nombre de bactéries qui deviennent résistantes à une gamme de plus en plus étendue d’antibiotiques.Dans beaucoup de régions, les antibiotiques de première intention, peu coûteux, ont perdu leur efficacité, ce qui a un impact économique, puisque le coût et la durée du traitement de nombreuses maladies courantes, comme les maladies diarrhéiques épidémiques ou la pneumonie, sont accrus.Il faut aussi évoquer les maladies infectieuses réémergentes ; elles se traduisent par la réapparition ou par une augmentation d’infections connues, mais devenues si rares qu’elles n’étaient plus considérées comme des problèmes de santé publique.La mise en place des mesures de prévention contre les nouvelles maladies infectieuses nécessite une collaboration étroite entre les médecins, les chercheurs, les décideurs et l’ensemble de la population dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler une politique de santé publique. Une stratégie audacieuse de recherche et de formation pour une aide plus efficace à la gestion des situations d’émergence de maladies infectieuses et une organisation innovante devraient d’ailleurs figurer dans la future loi de santé publique.En effet, la nature même des maladies infectieuses émergentes est synonyme de déficit de connaissances et entraîne d’importantes incertitudes. Il en ressort un besoin urgent d’acquisition et de partage des savoirs que seule peut satisfaire une étroite collaboration entre la recherche et l’enseignement et entre la recherche et l’action. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous nous devons de nous retrouver, comme je viens de l’exposer, autour d’un but commun, dans un esprit transversal mêlant les approches médicale, écologique, économique, sociologique et politique. Dans cette optique, nous devons donner à notre recherche et à nos chercheurs les moyens nécessaires pour mener des analyses et faire des interprétations.Il faut des moyens non seulement humains, mais aussi logistiques pour réussir à dégager de nouvelles propositions de recherches et d’actions et pour produire un bilan annuel sur l’état de la lutte contre ces maladies ainsi que sur l’état d’avancement de la mise en application des recommandations par les organisations et instances auxquelles elles sont destinées.Enfin, la diffusion de ces travaux devrait contribuer à mieux sensibiliser les professionnels et les citoyens à ce type de risques.Développer la recherche et la formation, c’est comprendre de façon plus approfondie le rôle des espèces hôtes et des vecteurs ; c’est aussi améliorer la connaissance de ces systèmes émergents, notamment dans les pays tropicaux, en stimulant une politique scientifique de coopération internationale.En améliorant la capacité de notre recherche biomédicale, nous encouragerons la recherche portant sur le contexte économique, historique, social et culturel de la santé humaine et animale.Une analyse politique fine des situations de crise devrait susciter une meilleure adhésion aux politiques mises en œuvre.En élaborant un programme de recherche interdisciplinaire en collaboration avec les acteurs de terrain, nous soutiendrons et favoriserons les contributions des sciences humaines et sociales dans la formation des spécialistes des pays du Sud, que ce soit en master, en doctorat ou en post-doctorat, particulièrement en ce qui concerne la prise en compte des cultures et des savoirs locaux.La préparation à la gestion des situations critiques devrait dépendre d’une coordination interministérielle permanente, l’impact des maladies infectieuses émergentes étant incomplètement prévisible. Pourquoi ne pas instaurer un fonds d’urgence pour renforcer les moyens indispensables à la recherche, à l’identification et à l’évaluation du risque ?Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devrions faire porter notre réflexion et nos moyens sur la recherche et l’enseignement, afin de donner à nos spécialistes les moyens nécessaires à la protection des populations face à ces maladies. 2240 http://www.senat.fr/seances/s201301/s20130123/s20130123_mono.html#par_720 8862 37752 loi 2013-01-23 417 2013-01-26 04:17:28 2013-01-26 04:17:28 http://www.nossenateurs.fr/seance/8862#inter_886de9873f6a8dd7b9e6e673d0936bd2