1133556 2594 8c6f1f2a4db2a0ebf5c6cfcc752491ba Le 27 mai 1943, eut lieu la première séance du Conseil national de la Résistance, non loin d’ici, au 48, rue du Four.À cette occasion, se réalisait l’union politique des mouvements, des partis et des syndicats derrière le général de Gaulle.À l’heure où l’entraide et la tolérance faiblissent, il est plus important que jamais de faire écho aux valeurs humaines, philosophiques et politiques – au sens noble du terme – qui ont guidé jusqu’au bout les résistants français lors de la Seconde Guerre mondiale.Comme la plupart d’entre vous, mes chers collègues, je crois à la nécessité de préserver les dates de commémoration, lesquelles rythment le devoir de mémoire.Ce texte s’inscrit dans la suite de la proposition de loi déposée par notre collègue Alain Néri à l’Assemblée nationale, visant à reconnaître le 19 mars comme la date marquant la fin de la guerre d’Algérie.La logique est la même, sur le plan tant symbolique qu’historique. Comme Jean-Jacques Mirassou, je suis intimement convaincu que l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance constitue un devoir de mémoire, un devoir d’histoire, nous permettant d’assumer notre passé et de construire notre avenir en adressant un signal fort et un hommage de la nation à ces femmes et à ces hommes, à ces combattants de la Résistance.Souvenons-nous, parmi eux, 20 000 résistants des Forces françaises de l’intérieur tués au combat, 30 000 fusillés et plus de 60 000 autres déportés dans les camps, sans évoquer le grand nombre des anonymes. Il est utile de toujours faire écho publiquement de leur dévouement au service de la France, et surtout auprès de la jeunesse, afin de ne jamais oublier l’un des grands chapitres de notre histoire contemporaine.Les valeurs défendues par la Résistance restent de nos jours des valeurs auxquelles nous devons nous référer et que nous devons transmettre.Chacun doit en effet pouvoir se retrouver autour de la défense de la démocratie ou de la préservation de la paix, en ces temps où le mot « conflit » résonne et frappe malheureusement sur tous les continents.Le temps passe, mais la reconnaissance de la nation est toujours aussi vive et doit demeurer ainsi. L’Histoire n’est-elle pas la reconnaissance du passé ?Aussi, le message de la Résistance, loin de s’épuiser, doit persister – et nous devons l’encourager –, et la proposition de loi de notre collègue Jean-Jacques Mirassou répond à cet objectif d’une façon qui ne peut que faire consensus parmi nous !Montesquieu écrivait : « Il faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire. » La création d’une journée nationale de la Résistance s’inscrit en effet dans cette continuité.Comment nier, aujourd’hui, le rôle essentiel de la Résistance dans le redressement de la nation après l’infamante défaite de 1940 et la collaboration qui en a été la conséquence ?Comment nier que nous avons tous une dette envers ces combattants qui ont développé une presse clandestine, diffusé des tracts, fabriqué des faux papiers, organisé des grèves et des manifestations, sauvé des populations traquées, des prisonniers de guerres évadés, des réfractaires au service du travail obligatoire, le STO ?Que de courage et d’abnégation fallait-il à ces femmes et à ces hommes pour lutter contre l’occupant !Comme l’a souligné lors des auditions l’historien Jean-Pierre Azéma, l’unification politique des résistances, avant que ne se développent la résistance armée et les maquis, a préservé la France des sanglantes luttes pour le pouvoir qui ont suivi la libération d’autres États, comme la Grèce ou la Yougoslavie.C’est pourquoi un travail de sensibilisation devra être accompli à cette occasion dans les collèges et les lycées.L’histoire de la Résistance fait déjà partie des programmes scolaires, notamment en classes de troisième et de première.Il convient aussi, comme l’a fait Jean-Jacques Mirassou, de souligner le rôle majeur que joue le concours national de la Résistance et de la Déportation, organisé depuis maintenant plus de cinquante ans avec l’aide des associations d’anciens résistants, du ministère de la défense et de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC.Il faut donner aux établissements scolaires et aux équipes pédagogiques volontaires la possibilité d’approfondir, à l’occasion de cette journée nationale de la Résistance, les travaux qu’ils souhaitent réaliser avec les élèves.L’épisode de la lettre de Guy Môquet, fusillé en 1941, doit nous inciter à une certaine souplesse dans cette ambition.Mes chers collègues, le CNR et son programme sont porteurs des valeurs qui constituent encore aujourd’hui le socle de notre société. Ils ont préfiguré les grandes réformes sociales de l’après-guerre, et ces valeurs doivent être la base des actions éducatives.La Résistance, c’est d’abord l’honneur de la France.Dès 1940, les résistants ont réfléchi aussi aux causes de la défaite et aux moyens de reconstruire matériellement et moralement la nation.Le programme du CNR voulait remédier aux faiblesses de 1940, abolir le régime autoritaire corporatiste, mettre en place une France modernisée, une société plus juste et plus solidaire. Gardons en mémoire les nationalisations, la sécurité sociale, la modernisation de la presse, le droit de vote des femmes, la constitution de 1946 ! Toutes ces avancées sont issues directement du travail du Conseil national de la Résistance.À mes yeux, si le législateur peut contribuer, grâce à cette proposition de loi, à ce que les jeunes découvrent et mémorisent ces valeurs, alors il se sera montré digne de la fonction qu’il occupe.Par cette proposition de loi, nous allons donner un caractère pérenne à cet hommage tout en soulignant la spécificité du 27 mai prochain, auquel les plus hautes autorités de l’État attachent une très grande importance.L’institution de cette journée nationale de la Résistance, portée par de très nombreuses associations du monde combattant, est par ailleurs une demande de longue date des parlementaires des deux chambres et de toutes les familles politiques.Je tiens à rappeler du haut de cette tribune le travail précurseur de certains de nos collègues ou anciens collègues : André Vallet, qui en décembre 2006 voulait instituer une journée célébrant la date de la première réunion du CNR ; Gisèle Printz, présente parmi nous ce matin, et Guy Fischer, qui, en 2007, ont tous deux déposé une proposition de loi visant à instaurer une journée nationale de la Résistance en direction de la jeunesse.Mes chers collègues, je ne vous propose pas d’adopter une loi mémorielle qui prescrirait une vision officielle de l’histoire ou sanctionnerait les critiques de faits historiques établis.Je ne vous invite pas non plus à alourdir de manière superflue le calendrier commémoratif officiel. L’instauration d’une journée nationale de la Résistance ne constitue en rien une redondance avec les dates qui y figurent déjà.Il s’agit plutôt de l’union de ces dates symboliques, de la résistance intérieure et de la France libre, grâce à l’action de Jean Moulin, que nous a rappelée tout à l’heure Jean-Jacques Mirassou. Grande figure historique, Jean Moulin entre en contact avec la résistance française après avoir entendu l’appel du 18 juin 1940, lancé par le général de Gaulle depuis Londres. Le 1er janvier 1942, il devient le représentant du général de Gaulle auprès des mouvements de résistance, qu’il parvient à unifier lors de la réunion du 27 mai 1943, à Paris.Dans une lettre adressée à sa mère en juin 1940, Jean Moulin écrivait : « Je ne savais pas qu’il était si simple de faire son devoir quand on est en danger. »Et comme l’a déclaré si justement André Malraux dans le discours qu’il a prononcé en hommage à Jean Moulin, le 19 décembre 1964, lors du transfert de ses cendres au Panthéon : « Il a été le Carnot de la Résistance. » Jour après jour, il s’est employé à donner corps à cette armée de l’ombre.Notre devoir de mémoire est de reconnaître les services rendus par les combattants de la liberté du 18 juin 1940 jusqu’à la libération de 1944.Aussi, je vous propose que la République reconnaisse enfin la spécificité de l’engagement des femmes et des hommes qui ont rejoint la résistance intérieure alors que le pays était occupé et que la collaboration avait été institutionnalisée par l’État français du maréchal Pétain. Ils ne doivent pas tomber dans l’oubli. Il faut au contraire rappeler l’actualité des valeurs pour lesquelles ils se sont battus, en leur nom et en ceux des résistants qui nous quittent au fil des années, comme Stéphane Hessel, Robert Galley ou encore Gisèle Guillemot.Je citerai de nouveau André Malraux : « Dans un univers passablement absurde, il y a quelque chose qui n’est pas absurde, c’est ce que l’on peut faire pour les autres ».Cette phrase résume très bien le dévouement, les sacrifices, le courage dont ont fait preuve ces soldats de l’ombre qui donnèrent leur vie à notre liberté !Il n’est pas dans mon intention de faire un cours sur l’histoire de la Résistance mais je voudrais expliquer les raisons du choix de la date du 27 mai, la plus légitime, la seule à s’imposer.Revenons à la proposition de loi : après le principe de la journée nationale de la Résistance, posé à l’article 1er, l’article 2 en fixe la date au 27 mai et précise que cette journée ne sera ni fériée ni chômée.Enfin, l’article 3 porte sur le rôle dévolu à l’éducation nationale dans cette journée commémorative et la façon dont les élèves peuvent y être associés. C’est l’un des aspects essentiels de ce texte que Jean-Jacques Mirassou a rappelé tout à l’heure.Au-delà des cérémonies officielles qui seront organisées dans chaque département, c’est en direction de ceux qui ignorent ou qui connaissent mal l’histoire de la Résistance qu’un travail particulier doit être entrepris.Ce travail de mémoire s’adressant d’abord à la jeunesse, il me semble important de rappeler ici le rôle des jeunes pendant la Résistance.À cet instant, permettez-moi, mes chers collègues, en tant que parlementaire des Côtes-d’Armor, d’avoir une pensée toute particulière pour le lycée Anatole-Le-Braz de Saint-Brieuc et ses lycéens martyrs.Le 10 décembre 1943, la Gestapo fait irruption dans l’établissement. Vingt et un élèves accusés de résistance sont arrêtés. Parmi eux se trouvent Pierre Le Cornec, Yves Salaün et Georges Geffroy. Quelques semaines plus tôt, à Plérin, la commune dont je suis le maire, ces jeunes ont tué un SS effectuant une ronde en essayant de lui prendre son revolver. Ils seront fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Ils avaient dix-huit ans.« Mon cas était plus grave que je ne le pensais… », écrit Georges Geffroy dans une dernière lettre aux siens.« J’ai joué, j’ai perdu, ce que d’autres gagneront, j’ai combattu pour un grand idéal : la liberté. », écrit Yves Salaün.« Ma vie a été courte, mais j’ai le sentiment qu’elle a été belle, car j’ai eu un idéal. », écrit Pierre Le Cornec.Ces témoignages sont forts et méritent d’être transmis aux jeunes générations.Certains, comme Louis Le Faucheur, décédé la semaine dernière, connaîtront le cauchemar de la déportation.Au total, 81 élèves et un professeur du lycée Le-Braz sont morts pour la France, sans compter les déportés, les résistants, les combattants qui ont survécu.Le lycée a reçu la Croix de guerre avec l’étoile d’argent pour « la large contribution payée à la Patrie ».Les témoignages des résistants soulignent la diversité de leurs origines sociales, culturelles, politiques, religieuses et les raisons qui ont motivé leur engagement.Ces jeunes, en majorité issus des milieux ruraux et ouvriers, sont porteurs des valeurs familiales et des mouvements de jeunesse nés dans l’entre-deux-guerres.Ils ont en commun d’avoir refusé la défaite et la soumission, mais aussi d’avoir manifesté leur volonté de s’affirmer comme Français et comme tels, porteurs des valeurs du « pays des droits de l’homme ».Qu’ils aient distribué des tracts, guidé les aviateurs vers l’Espagne, acheminé les renseignements au sein des réseaux ou combattu les armes à la main, unis par un même désir de liberté et de démocratie, ils ont offert leur jeunesse et parfois leur vie pour défendre leurs idéaux et préserver notre liberté.C’est cette détermination qu’exprime, par exemple, Henri Fertet, qui signe sa dernière lettre à ses parents par ces mots terribles : « Un condamné à mort de seize ans ».L’implication des jeunes dans la Résistance et dans la France libre a profondément modifié le visage de la France libérée. Ainsi que l’avait pressenti Marc Bloch dans L’Étrange Défaite : « La France de la défaite aura eu un gouvernement de vieillards. […] La France d’un nouveau printemps devra être la chose des jeunes ».René Char écrivait : « Résistance n’est qu’espérance ». C’est donc sur ces mots que je souhaite conclure, car tel est bien le sens de cette journée nationale de la Résistance.Dans les heures les plus sombres de notre histoire, les résistants ont refusé la résignation et ont placé leur attachement à la souveraineté de l’État et au respect des libertés fondamentales au-dessus de leur propre vie.Mes chers collègues, rendons hommage à cette croyance indéfectible dans les idéaux républicains en adoptant unanimement cette proposition de loi.Je ne peux conclure cette intervention sans remercier les services de la commission des affaires sociales de leur excellente collaboration. § 340 http://www.senat.fr/seances/s201303/s20130328/s20130328_mono.html#intv_par_137 9137 38819 loi 2013-03-28 417 rapporteur 2013-03-31 04:12:41 2013-03-31 04:12:41 http://www.nossenateurs.fr/seance/9137#inter_8c6f1f2a4db2a0ebf5c6cfcc752491ba