1668574 1235 be92c5d4fe66d90e25a43f26f357e3d8 À mon tour, je souhaite la bienvenue à nos collègues sénateurs, pour cette CMP. Le Sénat a achevé l'examen en deuxième lecture du projet de loi sur la biodiversité il y a deux semaines. Nous arrivons à une étape décisive de l'examen de ce texte qui a été, il faut le rappeler, long et difficile.La biodiversité revêt une importance capitale pour l'homme, en elle-même et au-delà des services qu'elle nous procure. Il est impératif de s'extraire d'une simple vision anthropocentriste et utilitariste de la biodiversité, dont les enjeux dépassent largement notre espèce et notre survie même. Des lignes de fracture se dessinent entre ceux qui ne considèrent la biodiversité qu'à l'aune de l'utilisation qu'ils peuvent en faire et ceux qui vont au-delà de leur intérêt immédiat. J'ajoute que la France s'est battue, avec le résultat que l'on sait, pour occuper une place exemplaire en matière de lutte contre les changements climatiques, avec la COP 21. L'articulation entre la reconquête de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques est évidente, et les deux conventions internationales trouvent leur origine au sommet de Rio en 1992. Nous avons un rôle majeur à jouer et devons être à la hauteur de nos ambitions. Il s'agit bien là, je souhaitais de nouveau le souligner, d'un projet de loi qui dépasse les clivages et les enjeux classiques.Le Sénat a apporté des améliorations certaines au texte et je souhaite qu'elles soient reprises. Mais force est de constater que les points de divergence entre nos deux assemblées restent nombreux, bien que le texte ait fait l'objet de deux lectures dans chaque assemblée.Cinquante-huit articles sont encore en navette et certains d'entre eux traitent de sujets sur lesquels les points de vue semblent plus ou moins difficilement conciliables. Les rédactions retenues par chacune des deux chambres reposent, pour un certain nombre de points, sur deux philosophies distinctes.Je suis, par exemple, très attachée au principe de non-régression qui constitue un aspect fondamental de ce texte, car, en l'absence d'une telle disposition, il se trouvera toujours une bonne raison d'abaisser le niveau de la protection de l'environnement. D'autres éléments doivent revenir dans le texte, tels que l'Assemblée nationale les avait adoptés : mention des paysages diurnes et nocturnes, mention des êtres vivants, définition du triptyque ERC, principe de solidarité écologique, objectif d'absence de perte nette de biodiversité.Il est très positif que le Sénat ait introduit l'article 2 bis sur le préjudice écologique. Nous sommes d'accord sur un certain nombre de points mais l'Assemblée nationale tient tout particulièrement à la définition du préjudice écologique et à l'ouverture large de la capacité à agir.Les missions de l'agence française pour la biodiversité (AFB), à l'article 9, ne peuvent recouvrir l'évaluation des dommages agricoles causés par les espèces protégées. Les unités de travail communes en matière de police ne devraient pas être placées sous l'autorité d'un directeur nommé par les directeurs des établissements concernés.Enfin, nos vues divergent sur la réforme des compétences des agences de l'eau, malgré la redéfinition des redevances et le travail qui sera entrepris par le gouvernement, ainsi que sur la réforme de la gouvernance de l'eau.Je suis heureuse de constater que, sur l'article 18 qui va permettre à la France de mettre en oeuvre le Protocole de Nagoya, il nous reste peu à discuter. Le Sénat a, fort justement, supprimé ce qui constituait un risque d'inconstitutionnalité. Il demeure quelques dispositions « litigieuses », mais qui, à mon sens, relèvent plus de malentendus que de divergences profondes.En revanche, je proposerai le rétablissement de l'article 27 A que le Sénat a supprimé, pour créer une taxe additionnelle sur l'huile de palme. Et je vais demander avec force la suppression d'un article qui inscrirait dans la loi que les cirques exercent des missions d'intérêt général...Je souhaiterais également évoquer la question de la compensation, troisième élément du triptyque « Éviter, Réduire, Compenser ». Je constate des différences notables entre le texte issu des travaux du Sénat et celui issu de l'Assemblée. La compensation doit être au coeur de notre démarche de protection, or, depuis des années, on ne compense pas.À l'article 33 A, par exemple, le Sénat prévoit que dans certains cas, pour les projets d'intérêt général, « les mesures de compensation exigées ne doivent, ni par leur coût ni par leur délai, être de nature à remettre en cause le projet ». Cette approche diffère totalement de la philosophie de l'Assemblée nationale qui considère, à l'opposé, que « si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé ».Dans l'optique qui est la sienne, et qui n'accorde pas assez d'importance à notre sens à la compensation, le Sénat a par ailleurs multiplié les exemptions en matière de compensation au défrichement. L'Assemblée nationale proposera de revenir sur ces exemptions qui ne nous semblent pas justifiées et qui donneraient, si elles étaient adoptées dans ce texte sur la biodiversité, un bien mauvais signal.De la même manière, sur un sujet connexe, les obligations réelles environnementales (ORE) évoquées à l'article 33, l'Assemblée nationale et le Sénat ne semblent pas partager la même philosophie : l'Assemblée ne conçoit pas seulement les ORE comme un élément contractuel mais aussi comme une réalité volontaire unilatérale ; de son côté, le Sénat semble, au contraire, considérer que ces obligations font nécessairement l'objet d'une contrepartie. Il en découle des positions divergentes et un certain nombre de dispositions contradictoires. Enfin, en ce qui concerne les néonicotinoïdes, la rédaction retenue par le Sénat conduit à confier à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), au détour d'un article de loi non codifié, le pouvoir d'interdire certains usages sans prévoir aucune articulation avec les articles du code de la santé publique qui régissent actuellement le fonctionnement de l'ANSES, ce qui peut légitimement faire douter de l'applicabilité de l'article 51 quaterdecies.Par ailleurs, je considère qu'il ne convient pas que le législateur se décharge sur l'ANSES de décisions qui ne sont pas seulement techniques, mais aussi politiques : les parlementaires doivent prendre leurs responsabilités dans un débat qui ne se limite pas à un problème agronomique mais a des répercussions sur la protection de l'environnement et sur la santé publique.Seule une interdiction de portée générale de ces produits peut être efficace, les mesures de réduction des risques ou d'interdiction partielle n'ayant pas eu d'effet suffisant. C'est pourquoi, je proposerai à la commission mixte paritaire de reprendre la rédaction de l'article 51 quaterdecies issue des travaux de l'Assemblée nationale tout en lui apportant certaines améliorations juridiques. Je ne cite ici que les principaux points de divergence. 100 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160523/cmp.html#par32 14684 56618 commission 2016-05-24 7174 députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale 2016-05-27 03:55:10 2016-05-27 03:55:10 http://www.nossenateurs.fr/seance/14684#inter_be92c5d4fe66d90e25a43f26f357e3d8