1104544 1390 674fa84e82af98431ee64e2959afb39a Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’introduction faite par la présidente et la rapporteur de la mission commune d’information, ainsi que les réponses apportées par les ministres, a déjà très largement permis d’aborder tous les sujets. Vous voudrez donc bien excuser, mes chers collègues, des redites éventuelles que pourrait contenir mon intervention, que je ferai la plus brève possible.Quand notre mission d’information s’est constituée en février 2012, à l’initiative du groupe socialiste et à la demande de Nicole Bonnefoy, l’actualité récente nous avait alertés sur les dangers des pesticides pour la santé et sur les problèmes liés à l’utilisation de ces produits dits « phyto » dont l’agriculture française est une grande – trop grande ? –, consommatrice.Nous savions qu’il y avait là un enjeu de santé majeur et qu’il fallait nous y consacrer pleinement. Pendant sept mois, nous avons pu mesurer toute l’ampleur du phénomène, parfois avec stupéfaction ; je pense à notre rencontre dans le Morbihan avec des personnes qui avaient été littéralement infestées par les pesticides.Nous avons pu évaluer l’importance des risques et la dangerosité des pesticides sur la santé des agriculteurs, des consommateurs, des employés de coopératives, de leurs familles et des riverains, ainsi que sur l’environnement ; tout cela est largement sous-évalué. Comme si l’arbre sécurisant de l’autorisation de mise sur le marché, la fameuse AMM, des produits phytopharmaceutiques cachait la forêt des malades des pesticides…Il est vrai, et mes collègues l’ont rappelé, que le Grenelle de l’environnement a lancé en 2009 le plan Écophyto 2018, piloté par le ministère de l’agriculture. L’objectif, ambitieux sur le papier, était de réduire de 50 % l’usage de ces produits avant 2018, « si possible », est-il ajouté prudemment. Ce plan a maintenant près de quatre ans. Je représente le Sénat à son comité consultatif de gouvernance et j’ai le regret de constater que les résultats sont décevants : depuis la mise en place du dispositif, non seulement la consommation de produits phytosanitaires n’a pas régressé, mais leur utilisation a même progressé, de 2, 5 % en 2011.En effet, le plan ne s’est pas traduit pas une baisse des ventes de produits « phyto ». D’après l’Union des industries de la protection des plantes, l’UIPP, ces ventes ont même augmenté de 1, 3 % entre 2010 et 2011, et le chiffre d’affaires des producteurs a augmenté de 5 % en France.De tels éléments donnent la mesure des progrès à réaliser pour parvenir à infléchir, et même à inverser – vous avez rappelé votre volonté en la matière, monsieur le ministre – la courbe ascendante du recours aux pesticides en France !Pourtant, la réduction de l’utilisation des pesticides est indispensable pour la santé comme pour l’agriculture, et les travaux menés par la mission n’ont pu que nous conforter dans une telle certitude.Le bilan décevant conduit à recommander non pas d’abandonner le plan Écophyto, mais plutôt de favoriser une mobilisation et une responsabilisation de tous les acteurs, de l’amont à l’aval, et de promouvoir de nouvelles orientations assorties de nouveaux moyens, en croisant toutes les disciplines et toutes les compétences, au niveau national comme au niveau régional.C’est la raison pour laquelle il me paraît important de travailler simultanément sur les apports de la recherche scientifique, sur les réglementations et sur les réalités de terrain, où des solutions de substitution aux pesticides existent déjà depuis longtemps. Nous devons faire connaître ces réussites pour donner la priorité aux démarches vertueuses et respectueuses de l’environnement.Comme le rappelait à juste titre notre rapporteur, Nicole Bonnefoy, il faut parfois plus d’un demi-siècle, voire plus d’un siècle pour évaluer les effets réels d’une nouvelle substance pesticide dangereuse pour la santé, un siècle pendant lequel les utilisateurs, les consommateurs, les riverains et l’environnement en subissent les conséquences nuisibles, et parfois dramatiques !Par comparaison, n’est-il pas paradoxal que le recours aux préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP, pourtant utilisées depuis des siècles et ayant prouvé depuis tout ce temps leur efficacité autant que leur non-toxicité, ne soit pas davantage favorisé et soutenu ? Cela passe par l’adaptation de la procédure d’autorisation de mise sur le marché aux spécificités des PNPP, par exemple en en minorant la procédure et le coût, qui demeurent extrêmement lourds, pour des produits naturels que les industriels n’ont pas vraiment intérêt à voir autorisés.Tout comme il est nécessaire d’encourager le recours aux PNPP, il est indispensable de réintroduire dans les pratiques agricoles les principes de base de l’agronomie incluant le respect, la connaissance et la préservation de la vie du sol, la rotation des cultures, la présence des haies, l’agroforesterie et en effet, monsieur le ministre, la recherche de nouveaux modèles de production.Pour renouer avec de tels principes de base, il faut changer de modèle agricole et forestier et réorienter la recherche publique effectuée par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, qui doit recevoir les moyens nécessaires à ses missions. Mais, compte tenu du constat effectué, ne serait-il pas aussi urgent qu’utile que les missions de cet institut soient recentrées d’abord sur la recherche biologique ?Par exemple, pourquoi ne pas encourager la recherche dans ce qu’on appelle le « biocontrôle » pour l’utilisation des prédateurs naturels des insectes nuisibles aux cultures, au lieu de recourir à toujours plus de nouvelles substances pesticides chimiques, qui tuent indistinctement tous les insectes, nuisibles, utiles ou inoffensifs ? La surmortalité des abeilles en est un exemple criant.Monsieur le ministre, je souhaitais vous poser une question à propos des trois avis rendus par l’EFSA. Vous y avez répondu par avance, et je vous en remercie. Je vous fais confiance pour la suite des opérations.Je voudrais faire référence à une autre évolution des pratiques agricoles : l’indispensable développement de l’agriculture biologique, qui mérité qu’on lui fixe, pour 2020, des objectifs réalistes tout en restant ambitieux. Il est vraiment nécessaire de passer à la vitesse supérieure dans ce secteur.Monsieur le ministre, le 18 décembre 2012, vous avez lancé la démarche « Agricultures : produisons autrement », qui a été accueillie avec beaucoup d’intérêt et a rencontré un certain succès. Vous avez suggéré des pistes pour stimuler la réflexion et inventer de nouveaux modèles qui concilieraient performance économique et environnementale. Votre projet agroécologique comporte un volet lié aux pesticides, ce dont je me réjouis.Monsieur le ministre, je sais la vigueur de votre engagement et votre volonté de faire évoluer les pratiques. Je souhaite que nos travaux y contribuent pleinement. Vous avez indiqué comment vous aviez déjà fait vôtres un certain nombre des recommandations de notre mission d’information. J’ai également entendu avec plaisir Mme la ministre s’approprier certaines des propositions que nous avons formulées ; nous serons évidemment vigilants quant à leur mise en œuvre.Puisque nous sommes désormais correctement informés, c’est à nous qu’il revient d’amplifier la prise de conscience, bien tardive, qui s’opère auprès de nos concitoyens et d’accompagner les changements qui s’imposent.Madame la ministre, monsieur le ministre, nous devons réussir ensemble.En conclusion, je tiens à féliciter outre la présidente, la rapporteur et nos collègues membres de la mission, les fonctionnaires de la Haute Assemblée qui ont participé et contribué activement à nos travaux et à l’élaboration du rapport. Nous aurons à cœur d’en voir appliquer les préconisations, qui, je le rappelle, ont été adoptées à l’unanimité. 560 http://www.senat.fr/seances/s201301/s20130123/s20130123_mono.html#par_234 8862 37751 loi 2013-01-23 231 2013-01-26 04:16:42 2013-01-26 04:16:42 http://www.nossenateurs.fr/seance/8862#inter_674fa84e82af98431ee64e2959afb39a