1158187 589 ad98a0ddc271c4b421196d8767e04bb7 Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, voilà maintenant treize ans, le navire Erika, pétrolier chargé de fioul lourd affrété par la société Total, faisait naufrage au large des côtes de la Bretagne, causant des dommages considérables : 400 kilomètres de littoral souillé, 150 000 oiseaux retrouvés morts, 18 tonnes de fioul et 8 tonnes de produits cancérigènes déversées dans la mer.Il a fallu attendre treize ans – mais c'est le temps de la justice – pour que la Cour de cassation rende un arrêt très musclé sur le plan des sanctions. En effet, non seulement une amende maximale a été retenue – 375 000 euros –, mais la société Total a été condamnée à verser des dommages et intérêts importants – 200 millions d'euros – aux différentes parties civiles, l'État, les collectivités territoriales, les associations.Cependant, une fois rendu, cet arrêt Erika, loin de clore le sujet, ouvre une discussion dont Bruno Retailleau a parfaitement résumé l’enjeu : à quel titre la Cour de cassation, juridiction la plus éminente, a-t-elle accordé cette indemnisation ? A-t-elle réparé un préjudice personnel ? On comprend que cela ne puisse pas être le cas, en tout cas pour une partie du préjudice. Il s'agit en effet non pas d'un préjudice matériel ou moral, mais bien plutôt d’un préjudice d'image pour les collectivités territoriales.Par le truchement de cette affaire, la Cour de cassation pose implicitement – mais elle ne pouvait faire autrement – la question de l’existence d’un préjudice distinct des préjudices que nous connaissons aujourd'hui en matière de responsabilité. En d’autres termes, peut-on concevoir un préjudice écologique pur ? Certes, cette notion peut sembler un peu abstraite, mais elle concerne tout préjudice subi non par une personne physique ou morale, mais par la nature elle-même.L’exemple de l’ourse Cannelle, unique spécimen d’une espèce protégée dans les Pyrénées, exemple que j’évoque souvent et qui peut faire sourire, est à mon sens la meilleure illustration qui soit. Lorsqu’un chasseur a abattu ce plantigrade, il a provoqué la disparition de l’espèce tout entière. Le préjudice n'est donc pas subi par les villageois, pas plus que par les associations de tourisme qui pouvaient se prévaloir de l'existence de cet animal dans leur patrimoine ; il est subi par l'environnement lui-même qui se voit retrancher une espèce de son catalogue naturel. Il s’agit bien là d’un préjudice écologique pur.La proposition de loi présentée par Bruno Retailleau a le très grand mérite d'essayer de donner un fondement juridique au préjudice écologique.Comme il l’a souligné, notre relation s'est effectivement nouée dans les catastrophes : hier Xynthia, aujourd'hui Erika. Pour autant, elle n'est pas catastrophique et nous essaierons de faire en sorte qu'elle ne le devienne pas !Madame la ministre, à ce stade de mon propos, je souhaite vous associer à ce travail. Vous nous avez fait l'honneur de participer au colloque organisé par Bruno Retailleau et auquel j’avais moi-même pris part. Vous avez immédiatement saisi l’enjeu de la question de la responsabilité civile contemporaine et avez mis en place un groupe de travail afin d’apporter une réponse complète. 260 http://www.senat.fr/seances/s201305/s20130516/s20130516_mono.html#intv_par_83 9330 39378 loi 2013-05-16 46 2013-05-19 04:13:41 2013-05-19 04:13:41 http://www.nossenateurs.fr/seance/9330#inter_ad98a0ddc271c4b421196d8767e04bb7