838217 2168 490a4d8b7ebb4d531ed208acd40fab1a La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui porte sur un sujet qui ne nous est pas inconnu.En 2006 déjà, nous avions voté un projet de loi qui visait à conforter le droit des obtentions végétales, système de propriété intellectuelle original, plus ouvert que le système du brevet, défendu par les anglo-saxons. Ce système original de propriété intellectuelle a été élaboré dans un cadre international, fixé par l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV), depuis la convention de Paris de 1961. Membre de l'UPOV, la France est un des promoteurs principaux de ce système. Or, le traité UPOV a été profondément modifié en 1991. Il fallait donc modifier à notre tour le droit national pour être en conformité avec la nouvelle convention et pouvoir la ratifier.Le Parlement a donné l'autorisation de ratification en 2006 mais le processus législatif de modification de notre droit national n'a pas pu aller à son terme car le texte voté au Sénat n'a jamais été repris par l'Assemblée nationale.Lors de chaque changement de législature, le Gouvernement doit en effet retransmettre à l'Assemblée nationale les textes dont il est à l'initiative. Or le projet de loi sur les obtentions végétales ne l'a pas été.Lors des auditions, nous nous sommes aperçus que la France restait à ce jour l'un des rares États membres de l'Union européenne en retard dans sa transposition de la convention UPOV de 1991.Or si le sujet est technique, il n'en est pas moins important à trois égards :- D'abord, il s'agit de conforter notre modèle de protection de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales fondé sur les certificats d'obtention végétale (COV) et non sur les brevets.Le système des COV est plus ouvert que celui du brevet car il ne bloque pas la recherche. Tout obtenteur peut librement se servir du patrimoine végétal existant, même protégé, pour créer de nouvelles variétés. C'est ce qu'on appelle l'exception du sélectionneur.La France a exclu la brevetabilité du vivant en 2004. Mais à l'échelle mondiale le débat entre les tenants des deux systèmes n'est pas clos et le système du brevet a d'actifs partisans, d'autant qu'il est très simple.Il faut donc défendre la crédibilité et l'efficacité de notre dispositif original de propriété intellectuelle sur les végétaux et la France sera d'autant plus convaincante dans cette bataille qu'elle adaptera correctement son droit à la dernière version du traité UPOV qu'elle a signé il y a 20 ans.- Le deuxième enjeu de ce texte est de donner enfin au niveau national un cadre juridique aux semences de ferme. Cette pratique ancienne et enracinée dans nos campagnes, aussi surprenant que cela puisse paraître, est contraire à la loi dans sa rédaction actuelle, lorsque les semences concernées sont couvertes par un certificat d'obtention végétale.Plusieurs agriculteurs, en particulier des producteurs de pommes de terre, ont été condamnés, et parfois très lourdement, pour cette pratique. Nous en reparlerons certainement car la question des semences de ferme a occupé une part importante de nos auditions.- Enfin, le troisième enjeu du texte que nous examinons aujourd'hui est essentiel à l'avenir de notre agriculture : il s'agit de renforcer la recherche en matière de variétés végétales.Les sélectionneurs ont contribué à la hausse spectaculaire des rendements depuis la seconde guerre mondiale, même si nous constatons désormais une certaine stagnation, probablement due en partie à une baisse de l'utilisation des intrants, mais probablement aussi à un moindre effort de recherche. Or les sélectionneurs doivent continuer à adapter les variétés aux nouveaux défis : changement climatique, meilleure résistance aux maladies, moindre consommation d'intrants, amélioration des qualités nutritionnelles des aliments.Ce progrès ne se fera pas si la recherche n'est pas financée, si les obtenteurs ne peuvent obtenir un juste retour de leurs efforts, d'autant que la mise au point de nouvelles variétés est de plus en plus coûteuse et très longue : 10 ans pour les espèces allogames comme le blé, 7 ans pour les hybrides de maïs.Actuellement le secteur semences en France, c'est 74 entreprises de sélection, 257 stations de multiplication, près de 19 000 agriculteurs multiplicateurs, un chiffre d'affaires de 2,4 milliards d'euros dont 1,5 milliard sur le marché national. La France est le 1er producteur européen de semences et le 2ème ou 3ème exportateur au niveau mondial, selon les années. Nos entreprises proposent près de 500 variétés nouvelles chaque année, toutes espèces confondues, dont une moitié relève des plantes ornementales. Ce texte vise donc aussi à conforter l'avenir de la filière.Les représentants du monde agricole rencontrés lors des auditions ont insisté sur ce point : les agriculteurs français tiennent à avoir à leurs côtés des entreprises de sélection dynamiques capables de fournir les variétés adaptées aux territoires.Notre collègue Christian Demuynck a donc pris l'initiative de déposer une proposition de loi pour que le Sénat se saisisse à nouveau de cette question. Le député Thierry Lazaro a pris la même initiative en déposant une proposition de loi identique à l'Assemblée nationale.La proposition de loi adapte le dispositif national de protection des obtentions végétales dans le but de l'articuler au mieux avec la convention UPOV de 1991 mais aussi avec le droit communautaire.La convention UPOV constitue le texte de référence. Nous fêterons cette année les 50 ans de l'UPOV mais aussi le vingtième anniversaire de la dernière version de l'UPOV à laquelle notre droit national n'est toujours pas conforme.Au delà des États-membres qui la composent, l'Union européenne est également, en tant que telle, adhérente à l'UPOV. Un règlement de 1994 a mis en place un dispositif communautaire de reconnaissance et de protection des obtentions végétales, valable à l'échelle de l'Union européenne, conforme au traité UPOV de 1991.Les obtenteurs peuvent donc choisir de bénéficier d'un certificat d'obtention végétale européen, délivré par l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV), basé à Angers, ou d'un certificat national, délivré par le Comité pour la protection des obtentions végétales (CPOV).Or, il n'est pas pertinent de passer systématiquement par une obtention européenne, plus lourde et plus coûteuse, car certaines variétés ne conviennent qu'à un territoire restreint. En revanche, il est souhaitable d'harmoniser le dispositif européen et le dispositif national de protection des obtentions végétales, afin d'éviter les incohérences.La proposition de loi reprend dans ses grandes lignes le texte voté en 2006 avec assez peu de modifications. Je salue au passage le travail qu'avait réalisé à l'époque notre collègue Jean Bizet, rapporteur du projet de loi :- La notion de variété et les conditions d'obtention d'un COV national sont définis aux articles 1er et 2, dans le droit fil du droit international et du droit européen, en retenant les critères de distinction, homogénéité et stabilité (DHS) : ne peut être reconnue comme variété végétale et bénéficier d'un droit de propriété intellectuelle que les variétés nouvelles qui répondent à ces trois critères.- Ensuite, c'est là un des changements importants apportés par la convention UPOV de 1991 qui n'avait pas encore été transposée en droit français, le champ de la protection des obtentions végétales est étendu par l'article 3 aux variétés essentiellement dérivées de la variété initiale, afin d'éviter les détournements du droit de propriété intellectuelle par des adaptations mineures de la variété initialement protégée.- Les articles suivants précisent les conditions d'exercice du droit d'obtention végétale, prévoyant notamment une licence obligatoire d'intérêt public lorsque le titulaire du certificat d'obtention végétale n'est pas capable de fournir les agriculteurs en semences.- L'article 13 met en place un régime juridique de reconnaissance du droit des agriculteurs à semer le produit de leur propre récolte, c'est à dire d'utiliser des semences de ferme, sous réserve d'une rétribution du titulaire du droit de propriété intellectuelle portant sur la variété protégée utilisée.- Les derniers articles de la proposition de loi comprennent des dispositions permettant la mise en application des modifications apportées par le texte.J'ai procédé à plus d'une quinzaine d'auditions, afin d'entendre l'ensemble de la profession agricole concernée, à travers les différents syndicats agricoles, mais aussi les industriels et professionnels des semences, ainsi que les autorités publiques en charge des questions d'obtention végétale.Je proposerai quelques modifications à la proposition de loi, qui permettent de la clarifier, ou de la compléter.Au titre des clarifications, j'ai déposé trois amendements de fond :- Un amendement à l'article 1er vise à limiter la définition de la variété au champ du code de la propriété intellectuelle, et ce afin de permettre l'inscription au catalogue de variétés dites « population », qui peuvent être d'une plus grande variété génétique que celle retenue pour définir une variété aux fins d'attribuer un certificat d'obtention végétale ;- Un amendement à l'article 13 qui donne une base juridique aux accords collectifs, et notamment aux accords interprofessionnels, comme celui qui existe depuis 2001 sur le blé tendre, pour fixer les modalités selon lesquelles les obtenteurs peuvent recevoir une rétribution pour la réutilisation des semences sur lesquelles ils disposent de certificats d'obtention végétale.- Un amendement à l'article 15 articule mieux l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions avec la création de la notion de variété essentiellement dérivée.Mais j'ai souhaité également compléter la proposition de loi par quelques dispositions additionnelles :- Un amendement important crée un article additionnel permettant l'organisation de la conservation des ressources phytogénétiques patrimoniales françaises.Lors de la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) l'année dernière, nous avions commencé la mise en application du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture signé à Rome en 2001, en permettant la constitution d'une collection nationale de ressources phytogénétiques.Là il s'agit d'indiquer comment est alimentée cette collection de variétés anciennes qui n'ont plus d'intérêt commercial mais constituent une réserve qu'il faut conserver car nous pourrions en avoir besoin dans le futur. Il s'agit ici d'un amendement très important pour préserver un patrimoine végétal d'intérêt commun,- Un autre amendement, de nature très technique, clarifie le statut juridique du Comité permanent des obtentions végétales (CPOV) en lui donnant un statut d'instance nationale intégrée au sein du groupement d'intérêt public (GIP) regroupant l'État et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Le CPOV est actuellement géré de manière bancale avec un secrétariat général assuré par l'INRA.Les professionnels concernés estiment préférable de rapprocher le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES) et l'actuel CPOV dans une même structure, permettant une mutualisation des moyens.Le texte de la proposition de loi comme les propositions de modification et de compléments que je vous ai présentés visent finalement à atteindre un équilibre en particulier entre protection des droits de l'obtenteur et droits de l'agriculteur. Il existe un certain consensus sur ce texte, même s'il reste des interrogations sur les échanges de semences entre agriculteurs et les possibilités de mélanges de semences.L'interprofession a su mettre en place en 2001 un dispositif sur le blé tendre qui permet l'utilisation de semences de ferme mais aussi la rémunération des obtenteurs. Il est désormais bien accepté. Nous devons poursuivre dans cette voie : privilégier le contrat, l'accord des parties.Et ayons à l'esprit que notre agriculture ne sera forte que si notre recherche pour adapter sans cesse les variétés cultivées aux besoins de nos agriculteurs reste dynamique. 820 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20110614/eco.html#par260 2714 28554 commission 2011-06-15 473 rapporteur 2011-12-04 20:06:53 2011-12-04 20:06:53 http://www.nossenateurs.fr/seance/2714#inter_490a4d8b7ebb4d531ed208acd40fab1a